L‘agence de notation Fitch a abaissé la note de crédit souveraine de la France, avertissant que le programme de réformes du président Emmanuel Macron pourrait être bloqué suite à la bataille pour augmenter l’âge de la retraite dans le pays. L’agence a rétrogradé la deuxième économie de la zone euro d’un cran, à AA-, avec une perspective stable, tard dans la nuit de vendredi à samedi, car elle craint que les troubles sociaux et la paralysie politique consécutifs à la bataille sur les retraites ne limitent les efforts du gouvernement en vue d’améliorer les finances publiques.
“L’impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) constituent un risque pour le programme de réformes de Macron et pourraient créer des pressions en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou d’un renversement des réformes précédentes”, a écrit Fitch. Cette décision est un coup dur pour Macron, quelques semaines seulement après que son gouvernement a promulgué une réforme des retraites promise de longue date et visant à relever l’âge de la retraite de deux ans pour le porter à 64 ans, malgré des mois de manifestations dans les rues et une résistance acharnée au parlement.
Bien que Macron et ses ministres affirment qu’ils se donneront “100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action” pour guérir le pays, les observateurs ne peuvent s’empêcher de penser qu’une ligne rouge a été franchie.
En fait, Macron a rompu les relations avec les syndicats et ceux-ci ne semblent pas disposés à s’asseoir à la table des négociations de sitôt.
Le parti du président ne dispose pas d’une majorité parlementaire et pourrait avoir du mal à respecter d’autres priorités telles que la relance de l’emploi et la réduction des déficits budgétaires tout en améliorant les services publics tels que les écoles.
Fitch a également déclaré que l’utilisation par le gouvernement d’une tactique constitutionnelle connue sous le nom d’article 49.3 pour faire passer l’impopulaire réforme des retraites sans vote parlementaire pourrait “renforcer davantage les forces radicales et anti-establishment” dans la politique française.
Le ministre des finances, Bruno Le Maire, qui a récemment présenté le plan gouvernemental visant à ramener les déficits au niveau des objectifs de l’UE d’ici à 2027, a déclaré que la France restait attachée aux réformes structurelles.
Fitch s’attend à ce que la France ait un déficit budgétaire de 5 % du PIB cette année en raison d’une croissance plus faible et de dépenses plus élevées liées à l’inflation, contre 4,7 % en 2022. Elle prévoit qu’il se réduira à nouveau l’année prochaine, à mesure que les mesures destinées à aider les ménages à payer leurs factures pendant la crise de l’énergie seront progressivement supprimées.
L’économie française a progressé de 0,2 % au cours des trois premiers mois de l’année malgré les grèves, mais l’inflation a également augmenté en avril pour atteindre 5,9 % en glissement annuel. Les paramètres budgétaires de la France sont plus faibles que ceux de ses pairs”, écrit Fitch.
L’agence de notation s’attend à ce que les pressions sur les dépenses restent élevées à court terme, étant donné qu’un tiers de l’ensemble des dépenses – principalement les prestations sociales et les pensions – est indexé sur l’inflation. Toutefois, elle a déclaré que les économies générées par la réforme des retraites, qui devraient s’élever à 17,7 milliards d’euros d’ici à 2030, seront “modérément utiles” à plus long terme.
Elle prévoit également que l’inflation en France diminuera au cours du second semestre de cette année, pour s’établir en moyenne à 5,5 % sur l’année, avant de retomber à 2,9 % en 2024.
M. Le Maire a souligné à plusieurs reprises la nécessité de réduire la dette publique, car les hausses des taux d’intérêt ont fait exploser le coût annuel du service de la dette. Depuis janvier, la France est secouée par des mois de manifestations et de grèves contre la réforme des retraites. Des manifestations de moindre ampleur se poursuivent et les syndicats prévoient d’organiser une grande marche de protestation le 1er mai.
Malheureusement pour Marcon, les modifications apportées au régime de retraite ne suffiront pas à elles seules à réduire le déficit budgétaire structurel de la France pour satisfaire aux exigences de l’Union européenne.
En vertu du pacte de stabilité et de croissance de l’UE, les pays membres sont tenus d’enregistrer des déficits budgétaires ne dépassant pas 3 % du produit intérieur brut et de limiter la dette publique à 60 % du PIB. Ces règles ont été suspendues pendant la pandémie, mais elles seront à nouveau appliquées à partir de 2024. La France est considérée comme un pays en retard par rapport à ses pairs.
Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, a promis de ramener le ratio déficit/PIB à 3 % d’ici 2027 et de réduire les dépenses publiques globales de 58 % à 54 % du PIB. Mais les analystes doutent qu’il puisse atteindre même ces objectifs modestes.
En outre, le déficit budgétaire de la France s’élève à lui seul à 3,4 % du PIB. Le déficit budgétaire global est tombé à 4,7 % du PIB en 2022, contre 6,5 % en 2021 et 9 % en 2020. Avant la crise financière de 2008, la France et l’Allemagne avaient des ratios dette/PIB à peu près similaires, de l’ordre de 64 %. Depuis, le ratio de la France a presque doublé pour atteindre 111,6 %, tandis que celui de l’Allemagne est resté stable.
Bien que les sondages montrent qu’une majorité de Français sont opposés à la réforme des retraites, M. Macron et son administration restent fermes. Plus d’un demi-million de Français ont fait grève pour la première fois le 19 janvier pour protester contre la nouvelle loi sur l’âge de la retraite. Le 31 janvier, plus de 1,27 million de personnes se sont jointes à la grève. Les premiers jours de mars ont été marqués par la quatrième grève nationale. Comme ces grèves se poursuivent dans différents secteurs, elles ont provoqué des coupures d’électricité généralisées et des problèmes dans les stations-service. En outre, ces grèves ont entravé la circulation des véhicules et des chemins de fer.