Les nationalistes eurosceptiques d’extrême droite ont réalisé une percée inédite aux élections européennes notamment en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Autriche provoquant au passage un séisme en France avec une dissolution de l’Assemblée nationale et une incertitude sur l’orientation politique future de l’Union européenne avec un basculement net à droite.
Le Rassemblement national est sorti grand vainqueur des élections européennes en France dimanche, loin devant les listes macroniste et socialiste. La poussée nationaliste s’est exercée aussi ailleurs en Europe, en particulier en Autriche et en Allemagne, mais le Parti populaire européen de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, même s’il est fragilisé, devrait rester le premier groupe au Parlement européen. Alors que les écologistes s’effondrent en France et en Allemagne.
Ce scrutin, où plus de 360 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour désigner 720 eurodéputés, s’est déroulé depuis jeudi dans un climat alourdi par une conjoncture économique morose et la guerre en Ukraine, au moment où l’UE affronte des défis stratégiques face à la Chine et aux États-Unis.
France: triomphe du Rassemblement national de Jordan Bardella, désaveu pour Macron
Le Rassemblement national (extrême droite) sort grand vainqueur des élections européennes en France dimanche, loin devant les listes macroniste et socialiste, selon les estimations du Parlement européens.
Selon les résultats définitifs, la liste menée par Jordan Bardella obtient 31,37% des voix, près de 16 points devant les macronistes menés par Valérie Hayer (14,6%) et la liste PS-Place publique de Raphaël Glucksmann (13,83%).
La France Insoumise arrive 4ème avec 9,89% des voix, devant la liste LR (7,25%). Les écologistes et Reconquête (parti d’Eric Zemmour) sont tous deux légèrement au-dessus des 5%, mais courent toujours le risque de n’envoyer aucun eurodéputé au Parlement.
Suite aux résultats des élections européennes et le «désaveu cinglant» subi par le camp présidentiel, le président Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives anticipées, réclamées par Jordan Bardella, vainqueur des européennes.
« Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second », a déclaré le chef de l’Etat dans une allocution télévisée après l’annonce des résultats. « L’issue du scrutin européen n’est pas un bon résultat pour les partis qui défendent l’Europe, la montée des nationalistes et des démagogues est un danger pour notre nation », a-t-il ajouté.
Un réel vote sanction à l’encontre d’Emmanuel Macron se manifeste ainsi par près de 40 % des personnes interrogées qui affirment avoir ce dimanche exprimé leur mécontentement vis-à-vis du Président et du gouvernement, davantage qu’il y a cinq ans.
Dissolution de l’Assemblée nationale : le pari à haut risque de Macron pour conjurer la crise politique
En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale après sa défaite face au RN, Macron espère créer un choc qui lui bénéficie. Pour les observateurs, la défaite est brutale et signe l’échec du premier ministre à revitaliser un macronisme en crise profonde et toujours minoritaire à l’Assemblée. Face à la crise politique rouverte par ce résultat, Emmanuel Macron a tenté le tout pour le tout le dimanche soir, en cédant à l’appel à dissoudre l’Assemblée nationale lancé par Jordan Bardella.
Avec son annonce surprise, le chef de l’exécutif veut provoquer un électrochoc et instrumentaliser la peur de l’extrême-droite et la division de la gauche pour obtenir un Parlement plus gouvernable. Une politique accompagnée de l’annonce tactique que la majorité présidentielle ne présentera pas de candidat face aux forces appartenant à « l’arc républicain ».
Le pari est ainsi clair : tenter de ramener, d’une manière ou d’une autre, des secteurs de la gauche institutionnelle et de la droite dans son giron, à l’issue de législatives sous le signe du « front républicain ». Si ce coup de force pourrait très bien ne pas réussir, il aura nécessairement pour conséquence de renforcer considérablement le poids du Rassemblement national à l’Assemblée.
En concédant la victoire à l’extrême-droite et en cherchant à canaliser l’émotion suscitée par le résultat de dimanche soir en sa faveur, le gouvernement va ainsi au bout de son rôle de passe-plat de l’extrême-droite. Un choix extrêmement dangereux, et qui annonce une nouvelle poussée réactionnaire, aux conséquences lourdes pour la société française.
Dissolution de l’Assemblée nationale en France : l’heure des grandes manœuvres électorales
Alors que le président Macron a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale, les différentes formations politiques se mettaient en ordre de bataille le lundi 10 juin et les tractations pour des alliances vont bon train.
« J’appelle les Français à venir nous rejoindre pour former autour du RN une majorité au service de la seule cause qui guide nos pas : la France »: dimanche 9 juin 2024, quelques instants à peine après l’annonce tonitruante de dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, Marine Le Pen appelait à une mobilisation de ses électeurs pour disposer d’une majorité afin de diriger le pays après les élections législatives qui se dérouleront les 30 juin et 7 juillet.
Arrivé largement en tête avec plus de 31 % des voix contre moins de 15 pour la majorité, le Rassemblement National (RN) veut désormais exercer le pouvoir. Le jeu semble en valoir la chandelle. Le vice-président du parti Sébastien Chenu a indiqué sur RTL ce 10 juin que c’est Jordan Bardella qui sera le candidat pour Matignon. «Jordan Bardella a été élu député européen, donc il a déjà l’onction populaire», a-t-il déclaré. Dès l’annonce de dissolution, le président des Républicains Éric Ciotti a quant à lui signifié sur X son refus «d’entrer dans une coalition avec ce pouvoir qui a tant abîmé la France » et d’ajouter : «le macronisme, c’est toujours plus d’impôts, d’immigration et d’insécurité». Avec 7,25 % des voix et deux sièges de moins qu’en 2019, LR pourrait être courtisé par la majorité présidentielle pour une coalition.
La France Insoumise a pour sa part présenté un ensemble d’éléments programmatiques pour mettre en place une alliance à gauche. Si les éléments d’ordre sociaux ou écologiques ne devraient pas poser de problème à leurs partenaires, la position de LFI en faveur de la paix en Ukraine et pour « la fin du génocide en cours à Gaza » devrait éloigner les socialistes et les écologistes réputés plus atlantistes.
C’est la sixième dissolution sous la Ve République et ne s’est présentée que huit fois en plus de cent ans. Le général de Gaulle et François Mitterrand en ont chacun prononcé deux, à chaque fois suivies par une victoire électorale de la majorité présidentielle. Celle décidée par Jacques Chirac en 1997 a en revanche vu la gauche remporter une majorité des sièges, donnant lieu à la nomination de Lionel Jospin à Matignon et à la cohabitation.
Européennes : l’extrême droite progresse, mais la majorité au Parlement ne change pas
Les bons résultats de l’extrême droite à travers l’Europe n’auront pas suffi à renverser le pouvoir en place au Parlement européen. Le groupe d’Ursula von der Leyen, actuelle présidente de la Commission européenne, reste majoritaire.
Malgré la percée de l’extrême droite dans plusieurs pays lors des élections européennes, dimanche, la « grande coalition » centriste formée de la droite conservatrice et des sociaux-démocrates reste majoritaire au Parlement européen.
En effet, la progression des formations d’extrême droite au sein du Parlement européen reste limitée. Les deux groupes politiques qui réunissent les partis d’extrême droite gagnent seulement une dizaine de sièges. De plus, jusqu’à présent, les deux groupes entretiennent d’importantes divergences, en particulier sur la Russie. Ce qui laisse planer l’incertitude sur un rapprochement.
Tous les eurodéputés ont rendez-vous pour une première session le 16 juillet prochain, à Strasbourg. Un premier rendez-vous important puisqu’ils devront élire le ou la prochaine présidente de la Commission européenne. L’actuelle présidente, Ursula von der Leyen, est candidate légitime puisque son groupe, la droite conservatrice, est toujours majoritaire au Parlement européen.
Pour la faire réélire, son parti pourrait même s’appuyer sur la même coalition que jusqu’à maintenant avec la gauche et le groupe dans lequel figure les députés Renaissance. Les eurodéputés de droite pourraient aussi chercher une nouvelle majorité en incluant éventuellement l’un des groupes d’extrême droite au Parlement européen. Celui où on trouve les eurodéputés du parti populiste au pouvoir en Italie.
Les divisions de l’extrême droite sur l’attitude à adopter face à Moscou pourraient compliquer les négociations dans l’UE à l’heure où les Vingt-Sept cherchent à renforcer leur industrie de défense tout en peinant à dégager les fonds nécessaires.
En décidant, immédiatement après la publication des premiers résultats, de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées, le président français a jeté le pays dans la campagne la plus incertaine de l’histoire récente, une campagne dont le résultat déterminera l’héritage de sa présidence et l’orientation de la France et de l’Europe.