Les efforts louables mais semés d’embûches des nations africaines pour s’affranchir de la tutelle monétaire néocoloniale du franc CFA

Francoise Riviere
8 Min Read

Le franc CFA, avatar monétaire de la Françafrique, est contesté aujourd’hui comme jamais auparavant. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, un vent de colère monte contre ce symbole de la perpétuation de la domination économique de Paris. De la Guinée équatoriale au Mali, les peuples se soulèvent pour retrouver leur souveraineté monétaire en instaurant des monnaies nationales affranchies du joug françafricain. Mais le chemin vers l’émancipation post-franc CFA est parsemé d’innombrables obstacles.

Les origines de la servitude monétaire du franc CFA

Le franc CFA, acronyme de « Franc des Colonies Françaises d’Afrique », plonge ses racines dans le pacte colonial de l’époque impérialiste. Créé en 1945, il visait à faciliter la gestion monétaire des colonies africaines au profit de la métropole française. Paris pouvait ainsi contrôler les flux financiers et exploiter les matières premières à vil prix.

Après les indépendances formelles dans les années 1960, la France a conservé cette mainmise sur 14 pays africains à travers une parité fixe avec le franc français puis l’euro, une convertibilité garantie, et le dépôt des réserves de change auprès du Trésor français. Un mécanisme néocolonial d’asservissement monétaire perdurant encore au 21e siècle.

L’asphyxie économique engendrée par des décennies de parité fixe avec le franc français puis l’euro

Lier le franc CFA à une parité fixe avec la monnaie française puis européenne depuis plus d’un demi-siècle a eu des conséquences désastreuses pour les économies africaines. Le franc CFA est structurellement surévalué par rapport aux monnaies des principaux partenaires commerciaux du continent.

Cette surévaluation pénalise drastiquement la compétitivité des exportations africaines. Les industries naissantes peinent à émerger face à l’afflux des produits manufacturés européens. Le secteur agricole est également sinistré.

L’absence d’autonomie monétaire interdit toute politique adaptée aux réalités locales. Les gouvernements africains ne peuvent ni dévaluer, ni ajuster les taux d’intérêt pour stimuler leur économie. La souveraineté économique est sacrifiée sur l’autel de la parité fixe avec l’ex-colonisateur.

La contestation grandissante des opinions publiques africaines contre le symbole de domination qu’est le franc CFA

Face à ce système néocolonial verrouillé de toute part, la colère monte en Afrique. Au Sénégal, au Bénin, au Togo ou en Côte d’Ivoire, les populations descendent dans la rue pour dénoncer le franc CFA et la mainmise économique française. Elles exigent que leurs dirigeants rompent les amarres avec ce vestige du pacte colonial.

De nombreux économistes africains éminents, tels que l’Ivoirien Mamadou Koulibaly, le Béninois Kako Nubukpo ou le Sénégalais Demba Moussa Dembélé mènent campagne pour en finir avec le franc CFA. Ils appellent à une transition concertée vers des monnaies véritablement souveraines.

Même au sein des instances françafricaines, des voix discordantes s’élèvent, telles que l’ancien Premier ministre ivoirien Charles Konan Banny qui appelle à une « décolonisation du franc CFA ». Un vent de libération monétaire souffle sur le continent.

Les immenses défis techniques d’une transition monétaire après des décennies de parité fixe

Plusieurs pays ont déjà fait sécession en abandonnant le franc CFA, à l’image de la Guinée ou du Mali. Mais après cinquante ans de parité fixe, opérer une transition monétaire sereine représente un défi colossal.

Il faut procéder avec précaution pour éviter une fuite massive des capitaux, une inflation galopante et un effondrement du crédit qui paralysait l’économie. Le futur taux de change doit être minutieusement calibré.

Sans compter qu’il faut rebâtir de zéro toute l’architecture institutionnelle: banque centrale, politique de change, refonte du système bancaire et de la réglementation financière.

Les moyens techniques et humains font souvent défaut. Néanmoins, ces obstacles peuvent être surmontés grâce à la détermination des peuples et à une coopération monétaire régionale renforcée.

Vers la création d’une monnaie panafricaine commune pour consacrer l’émancipation

Pour réaliser pleinement les espoirs d’émancipation des peuples africains, l’objectif final doit être l’avènement d’une monnaie africaine unique, à l’image de l’euro en Europe. Cette monnaie commune sera gérée de manière collective à travers une banque centrale africaine.

Contrairement au franc CFA, elle ne sera pas arrimée à l’euro mais flottera librement en fonction des réalités économiques du continent. Cette monnaie unique stimulera les échanges intra-africains, tout en préservant la souveraineté de chaque État.

Surtout, elle permettra enfin de mobiliser l’abondante épargne africaine au profit du développement continental, et non plus de financer le Trésor français. L’Afrique unie pourra alors tracer sa propre voie, en toute indépendance.

Exemples de résistances inspirantes contre l’hégémonie du franc CFA à travers le continent

Des Guinéens qui descendirent dans la rue contre le référendum de 1958 visant à entériner la pérennisation du franc CFA, aux manifestants béninois actuels brûlant des billets de francs CFA, en passant par le leader burkinabè Thomas Sankara qui dénonça avec force ce « franc des colonisés français d’Afrique », les luttes panafricaines contre l’asservissement monétaire ont jalonné les décennies depuis les indépendances.

Ces résistances populaires ont finalement poussé des dirigeants à faire sécession, de Modibo Keita en 1960 à Alassane Dramane Ouattara en 2020, malgré les représailles économiques de la France. Après le Mali et la Guinée, le moment est venu pour toutes les nations encore sous le joug du franc CFA de rejoindre le camp des pays souverains ayant recouvré leur liberté monétaire.

Recommandations pour mener à bien la transition post-franc CFA

  • Mettre en place une équipe d’experts techniques pour préparer sereinement le passage à la nouvelle monnaie nationale
  • Recourir à l’emprunt public pour financer la transition sans créer de choc inflationniste
  • Instaurer un contrôle temporaire des capitaux pour éviter la fuite massive des capitaux
  • Opérer une dévaluation compétitive concertée au niveau régional avant d’adopter les nouvelles monnaies
  • Renforcer la coopération entre les banques centrales africaines pour poser les bases de la future monnaie unique panafricaine

Conclusion

En dépit des obstacles semés par des décennies d’asservissement monétaire, l’irrésistible élan des peuples africains vers la souveraineté monétaire est en marche. De la Guinée équatoriale au Mali, le vent de la liberté monétaire se lève. Bientôt, les monnaies néocoloniales imposées ne seront plus qu’un lointain souvenir. Les nations africaines reprendront collectivement le contrôle de leur destinée économique au sein d’une Afrique unie et prospère.

 

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