Le progrès et l’avenir du projet du système de combat aérien du futur

Francoise Riviere
8 Min Read
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L’Europe a fait un grand pas vers l’intégration militaire cette semaine avec le lancement du système de combat aérien du futur, un mégaprojet de défense mené par l’Allemagne, la France et l’Espagne. Les sociétés Airbus et Dassault, qui étaient en conflit depuis longtemps au sujet de leurs rôles respectifs dans des aspects cruciaux du développement du programme, ont officiellement annoncé qu’elles avaient trouvé un consensus permettant de débloquer la crise, quelques semaines après que les gouvernements de Berlin et de Paris aient donné une impulsion politique décisive dans ce sens. La piste pour le SCAF est enfin dégagée.

L’avion de combat aérien de nouvelle génération

Ce projet est la plus grande initiative de coopération industrielle en matière de défense de l’histoire européenne et représente un véritable changement de paradigme. En termes de contenu, puisqu’il s’agit de développer non seulement un avion de combat aérien de nouvelle génération, mais aussi un « combat cloud » (un système de systèmes permettant la coordination entre différents avions et domaines), des drones, des technologies à faible observabilité et des capteurs. Pour sa valeur politique, en affirmant le lien entre les deux grands pays du continent, Allemagne et France, dans leur plus grand projet militaire commun. Et pour le moment géopolitique dans lequel il se débloque, l’UE étant en pleine réorientation stratégique face au brutal défi russe, dont l’Ukraine subit les conséquences les plus directes, mais qui interpelle tout le continent pour l’avenir.

Le SCAF, lancé en 2017 par Macron et Merkel, vise d’abord à compléter, puis à remplacer les avions Raphale (Dassault) et Eurofighter (Airbus et autres) qui constituent aujourd’hui un élément essentiel de l’aviation de la France d’une part, de l’Allemagne et de l’Espagne d’autre part. L’horizon de mise en service se situe autour de 2040. Le projet a jusqu’à présent souffert de graves problèmes en raison de différends et de réticences quant au contrôle des aspects centraux du projet. À la mi-novembre, Paris et Berlin ont donné une impulsion politique pour relancer le projet, mais la « fumata bianca » au niveau de l’entreprise faisait défaut. Compte tenu de l’ampleur du projet, de nouvelles frictions ne peuvent être exclues à l’avenir, mais l’étape actuelle place le projet sur la voie de l’irréversibilité.

Il s’agit d’une valeur transcendantale à l’échelle européenne. Le projet enterre des décennies de réticence française à coopérer étroitement avec les Allemands sur les questions militaires stratégiques. Les deux pays développent également en parallèle un projet bilatéral pour un nouveau modèle de char. Pour la France, le SCAF représente le grand atout de participer en tant que protagoniste au développement des systèmes centraux de l’avenir de la défense. Pour les trois partenaires, il s’agira d’un énorme collagène militaire, qui amènera leurs forces armées à coordonner leurs besoins et permettra une plus grande interopérabilité des autres systèmes grâce au connecteur du « combat cloud ».

Au-delà des trois partenaires, la valeur est largement répandue. Si la formation de brigades communes fait souvent la une des journaux, la voie de l’intégration européenne de la défense est avant tout celle de la convergence industrielle, de la constitution de systèmes communs ou du moins interopérables, et de l’affirmation de l’autonomie stratégique en matière de production d’armements. L’UE souffre d’une extrême fragmentation des armements dont disposent les forces armées de ses États membres, ce qui entraîne de graves problèmes d’interopérabilité. En même temps, elle souffre, sur le plan industriel, de la petite taille de ses entreprises d’armement. Aucune d’entre elles ne figure parmi les 10 plus grandes entreprises du monde en termes de volume de ventes, selon les données 2020 de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (six américaines, trois chinoises et une britannique).

Le SCAF constitue un énorme bond en avant à ces égards, avec la constitution d’un noyau fondamental commun d’armement et une convergence dans les développements de haut niveau entre des entreprises comme Dassault, Airbus, Indra (les trois principales références industrielles) et d’autres comme Thales qui seront impliquées à des degrés divers.

Ce déblocage constitue également une bonne nouvelle à un moment où les relations entre l’Allemagne et la France sont très agitées, avec une irritation du côté français à l’égard de plusieurs initiatives allemandes telles que l’énorme fonds d’aide à l’énergie anticrise qui menace de dénaturer le marché commun, le projet de système de défense antimissile avec une douzaine de partenaires européens, et la visite de Scholz en Chine.

L’utilisation d’un même système de combat aérien entre l’Allemagne et la France

La construction européenne est souvent lente, avec des processus semés d’embûches qui génèrent de nombreuses frustrations en cours de route. Mais lorsqu’ils décollent enfin, ils produisent de profonds changements. Imaginer que l’Allemagne et la France, les deux grands ennemis historiques, aient en commun la production et l’utilisation d’un même système de combat aérien est sans doute l’un de ces changements.

Accord industriel avec Airbus sur le chasseur de nouvelle génération

Après de nombreux allers-retours, Dassault Aviation et Airbus sont parvenus à un accord sur la prochaine phase de développement du futur avion de combat européen SCAF. Dans une interview publiée, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, a indiqué être parvenu à un accord industriel avec Airbus sur le chasseur de nouvelle génération (NGF), une composante essentielle du SCAF. « Le SCAF est un projet politique lancé par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel en 2017, et qui était au point mort depuis l’été 2021. Donc, oui, c’est fait aujourd’hui. Nous avons un accord avec Airbus », s’est félicité Trappier. Après un an de conflits sur la répartition des charges de travail entre les partenaires industriels et surtout sur la protection des droits de propriété intellectuelle, finalement Éric Trappier, a pu informer le président Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, qu’un accord industriel a été trouvé avec Airbus.

Airbus et Indra avaient annoncé le 18 novembre que les discussions entre les gouvernements allemand, espagnol et français et leurs industries aérospatiales respectives sur la prochaine phase du programme SCAF avaient été conclues avec succès, et qu’il ne restait plus qu’une série d’étapes formelles à franchir avant que les contrats puissent être signés pour lancer le développement de la phase 1B. Cependant, il n’y avait que le silence de la France. Quelques jours plus tard, le 21 novembre, Éric Trappier donne une interview dans laquelle il jette un froid sur les déclarations optimistes des entreprises espagnoles et allemandes : « Une sorte d’annonce pseudo-politique a été faite. Je pense que les autorisations allemandes, qui ont été difficiles à obtenir, sont sorties et que cela a donné lieu à des fuites. Mais ce n’est pas encore fait ».

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