La prise de conscience que tout n’est pas joué d’avance semble avoir mobilisé les Français, appelés ce dimanche à élire, au second et dernier tour, les députés qui composeront l’Assemblée nationale. A 17h00, le taux de participation était de 38,11%. Il est légèrement inférieur à celui enregistré à la même heure au premier tour la semaine dernière (39,42%), mais supérieur à celui des élections législatives d’il y a cinq ans, où le taux était tombé à 35,33% au dernier tour, selon le ministère de l’Intérieur. Le président français Emmanuel Macron a subi un sévère revers lors des élections législatives françaises de dimanche, selon les premières projections à la fermeture des bureaux de vote. La coalition macroniste, Ensemble, même si elle aura plus de députés que les autres, est loin d’obtenir la majorité absolue et perd 100 sièges ou plus pour rester avec une fourchette comprise entre 210 et 250.
En deuxième position, avec entre 150 et 180 sièges, se trouverait la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), l’alliance des populistes de gauche, des socialistes, des écologistes et des communistes dirigée par Jean-Luc Mélenchon. Outre la défaite de Macron et l’émergence de la gauche comme principale force d’opposition, l’autre nouveauté de la soirée électorale est la montée en puissance du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui est passé de huit députés à entre 80 et 100, selon la même projection. L’un des facteurs à l’origine de cette mobilisation accrue pourrait être l’incertitude qui marque ce nouveau tour d’élections, où la campagne intense menée par l’alliance des partis de gauche dirigée par Jean-Luc Mélenchon, a ébranlé les perspectives du macronisme de revalider sa « majorité solide » du premier mandat.
Le succès dépend fortement du vote des jeunes et des classes populaires
En 2017, pratiquement tout le monde en France considérait la victoire législative écrasante du macronisme comme une certitude, ce qui a conduit beaucoup de personnes à ne pas voter au second tour. Désormais, tout est beaucoup plus ouvert et le NUPES, même s’il ne semble pas avoir de chances de réaliser son ambition de devenir une majorité absolue de l’Assemblée nationale et d’imposer ainsi à Macron un gouvernement de cohabitation avec Mélenchon comme premier ministre, pourrait devenir la deuxième force parlementaire du pays.
Une participation plus élevée, selon les instituts de sondage, profitera aux partis de gauche, dont le succès dépend fortement du vote des jeunes et des classes populaires, les deux secteurs où l’abstentionnisme est le plus marqué : au premier tour, dimanche dernier, 75% des moins de 25 ans ne sont pas allés voter. En tout état de cause, les données confirment la tendance à une abstention croissante en France, élection après élection. En 2012, le taux de participation au second tour des élections législatives était de 46,42% à 17h00, un chiffre qui, cinq ans plus tôt, était passé à 49,58%. La semaine dernière, le premier tour des élections législatives s’est soldé par un taux d’abstention record de 52,49%. Selon les premières projections de l’institut Ifop, ce chiffre pourrait désormais atteindre 54%. Un chiffre élevé qui confirme le désenchantement généralisé dans les urnes, mais qui ne dépasserait pas le fort taux d’abstention des élections législatives de 2017, où il avait atteint 57,36%.
Les Français envoient un signal à Macron : Il ne pourra plus gouverner seul !
Macron a aussi joué ce dimanche sur la stabilité de son cabinet, au sein duquel la moitié de ses ministres sont candidats à l’Assemblée nationale, dont la Première ministre Borne. Le président a été très clair : quiconque ne remporte pas son siège devra démissionner. Le premier revers du président est venu des territoires d’outre-mer, où le vote a commencé samedi et où les premiers résultats sont déjà connus. La secrétaire d’État à la Mer, Justine Bénin, a été battue par un candidat de gauche soutenu par le NUPES. Bien qu’elle n’ait pas encore fait de déclaration, on s’attend à ce qu’elle démissionne. Au moins trois autres ministres de Macron sont sur la sellette : le ministre de l’Europe Clément Beaune, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini et Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, étaient en ballotage défavorable dans les sondages face à leurs rivaux dimanche.
L’abstention, selon les projections, se situe autour de 54%, soit un point et demi de plus qu’au premier tour dimanche dernier, mais 3,4 points de moins qu’au second tour en 2017. S’ils sont confirmés, la France entrera dans une nouvelle ère politique, après une période de cinq ans pendant laquelle, avec une majorité absolue de 345 députés sur 577, Macron a pu gouverner confortablement et l’Assemblée nationale s’est limitée, dans la plupart des cas, à approuver les initiatives d’un président qui a concentré tous les pouvoirs. Les Français envoient un signal à Macron après l’avoir réélu pour cinq années supplémentaires en avril : ils veulent imposer des limites à son pouvoir. Il ne pourra plus gouverner seul.
L’Assemblée nationale reflétera, plus fidèlement qu’auparavant, le schéma tripartite, centre, gauche radicale et extrême droite
Si le résultat final coïncide avec le bas de la fourchette de députés donnée par les projections, il n’est même pas évident qu’Ensemble puisse atteindre une majorité absolue avec une alliance avec la droite modérée des Républicains (LR). Selon l’Ifop, LR aura entre 60 et 70 députés. Il s’agit d’un territoire inconnu pour la politique française ces derniers temps, une corrélation de forces parlementaires sans parti dominant ou majorité qui forcerait le consensus et le compromis.
L’Assemblée nationale reflétera, plus fidèlement qu’auparavant, le schéma tripartite, centre, gauche radicale et extrême droite, qui domine la politique française depuis l’arrivée au pouvoir de Macron en 2017. Les voix anti-establishment seront davantage entendues et auront plus de poids dans la vie parlementaire. Et le mécontentement social se reflétera dans l’hémicycle.
Dans le même temps, la France entame une période sans élections jusqu’aux élections européennes de 2024. Un cycle électoral qui a débuté en 2019 avec les élections européennes, suivi en 2020 par les élections municipales, en 2021 par les élections régionales et en 2022 par l’élection présidentielle, remportée par Macron, et les élections législatives, arrive à son terme. Ces élections ont été marquées par la révolte des gilets jaunes, la pandémie et la guerre en Ukraine. Dans chacune de ces élections, l’abstention a battu des records, ou s’en est approchée. Les Français commencent déjà à ressentir la fatigue électorale. Maintenant viennent deux ans sans aller aux urnes.
La course à la succession de Macron en 2027 a commencé et le résultat des élections législatives pourrait ébranler son autorité. Macron ne peut pas se présenter pour un troisième mandat consécutif. Parmi ses alliés, l’ancien premier ministre Édouard Philippe, aujourd’hui chef du nouveau parti Horizons, et l’actuel ministre de l’économie Bruno Le Maire ne cachent pas leurs ambitions.