Le premier tour des élections législatives françaises, qui fait suite à l’élection présidentielle du 23 avril, confirme la recomposition de l’espace politique entre trois grands blocs : la droite libérale, la nouvelle gauche et l’ancienne extrême droite. La grande nouveauté réside dans les résultats exceptionnels de la gauche de la Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale (NUPES), autour du parti de la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon. C’est une victoire en soi, même si elle n’a pas pu obtenir une majorité dans la prochaine Assemblée nationale. Cependant, les taux d’abstention élevés semblent être une dynamique exponentielle depuis des années.
Si la progression pertinente de la gauche unie se concrétise enfin dimanche prochain, nous pourrons mettre fin à l’anomalie qui caractérise la recomposition du champ politique français depuis 2017, à savoir le slogan « Il n’y a rien contre Macron ». C’est un énorme défi pour le président, dont les marges de gouvernabilité vont devenir beaucoup plus étroites. Si, au final, il obtient une majorité, ce sera un résultat qui dépendra des républicains de droite, précisément le parti qu’il a cherché à déloger tout au long de son mandat. Par conséquent, les alliés de droite ne lui faciliteront pas la tâche, en négociant soit leur soutien, soit leur neutralité incertaine.
Cela marquera à la fois la fin de l’ère favorable au macronisme comme offre politique « ni droite ni gauche » et le début d’un nouveau cycle politique, qui réaffirmera le retour d’une droite plus conservatrice face à une gauche renouvelée et plus offensive. En d’autres termes, la nouvelle recomposition qui est en train d’émerger laissera peu de place au centrisme pendulaire (à la fois de droite et de gauche) qu’incarnait le macronisme.
Macron devra faire face à une forte opposition de gauche
Il est vrai que l’alliance de la gauche rassemblée dans NUPES est un accord de salut autour de Mélenchon par les socialistes, les communistes et les verts en raison de leurs résultats lamentables aux élections présidentielles ; ils se sont accrochés au bateau de la France Insoumise comme à une planche pour éviter de couler, et ils sont conscients qu’il existe un électorat progressiste qui, depuis dimanche soir, a cessé de fuir vers Macron ou vers le vide de l’abstention et parie activement sur une dynamique d’unité et sur une victoire dimanche prochain.
La scène politique va également changer profondément pour une autre raison institutionnelle : Macron ne pourra pas briguer un nouveau mandat en 2027. Dès lors, la compétition entre les prétendants, tant dans son camp qu’à droite, s’ouvrira dès la semaine prochaine. Les résultats du premier tour leur ont donné des ailes contre le leader, qui a perdu 3% de son soutien par rapport au premier tour de l’élection présidentielle il y a un mois (28%).
A l’extrême droite, Marine Le Pen a obtenu 19,2%, ce qui signifie que, pour la première fois depuis 1986, elle pourra compter sur 20 à 45 députés. Bref, après ce premier tour, et quel que soit le verdict de la semaine prochaine, la recomposition profonde du champ politique se confirme. Macron devra faire face à une forte opposition de gauche qui le défiera vigoureusement pendant les cinq prochaines années, ainsi qu’à une force d’extrême droite très présente dans tout le pays et disposant d’un grand nombre de députés. Le président nouvellement réélu n’a pas totalement perdu ces élections législatives, mais il ne les a pas gagnées dans cette nouvelle recomposition. Et c’est la première fois dans l’histoire de la Cinquième République qu’un président élu n’a pas remporté les élections législatives après son élection. La France, une fois de plus, entre dans une forte turbulence politique.
Liste Ensemble de Macron a été la plus votée, avec 25,75 %, selon les données du ministère de l’Intérieur
La liste présidentielle et la liste de gauche sont à égalité. Les sondages pour dimanche prochain prévoient que le président disposera d’une majorité parlementaire plus faible qu’il y a cinq ans et placent les Mélenchonistes comme principale force d’opposition. La lutte pour le pouvoir en France au cours des cinq prochaines années se jouera à deux : le président centriste, Emmanuel Macron, et le leader vétéran de la gauche eurosceptique et anticapitaliste, Jean-Luc Mélenchon. Les listes de Mélenchon et de Macron, réélu président en avril, ont fait jeu égal au premier tour des élections législatives de dimanche, marqué par un taux d’abstention record de 52,49%.
Les macroniens en sortent affaiblis. Néanmoins, ils seront les favoris du second tour de dimanche pour être le groupe ayant le plus de sièges dans la nouvelle Assemblée nationale. Mais ils ont perdu près de sept points par rapport aux élections législatives d’il y a cinq ans. Et leur groupe parlementaire sera plus petit que celui de la dernière législature, ce qui pourrait limiter leur capacité de manœuvre. La liste Ensemble de Macron a été la plus votée, avec 25,75 %, selon les données du ministère de l’Intérieur à l’issue du scrutin. Un peu plus de 21 000 voix derrière se trouve la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), la coalition de gauche de Mélenchon, avec 25,66%. En troisième position, on trouve le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite, avec 18,68 %.
La première ministre : « Nous sommes la seule force en mesure d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale »
Selon une projection de l’institut Ifop, les macronites remporteraient entre 275 et 310 sièges dans cette nouvelle recomposition: le seuil de la majorité absolue est de 289. Mais les mélenchonites, même s’ils n’obtiennent pas la majorité à l’issue du second tour et ne peuvent donc pas désigner le futur Premier ministre, deviendraient la première force d’opposition, avec entre 180 et 210 sièges. Ce serait un succès considérable pour la gauche française après des années de divisions et de résultats médiocres dans les urnes. Le RN, selon le même institut, obtiendrait entre 10 et 25 députés.
Lors des précédentes élections législatives, en 2017, la candidature de Macron avait obtenu 32,3 % des voix au premier tour. Tous les partis qui composent aujourd’hui la candidature de gauche ont alors obtenu 25,5 %. « Nous sommes la seule force en mesure d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale », a déclaré la première ministre et candidate macroniste en Normandie, Élisabeth Borne, après l’annonce des résultats du scrutin. « Nous ne pouvons pas courir le risque de l’instabilité », a-t-elle déclaré face à la force de Mélenchon. « Nous ne céderons pas aux extrêmes ».