Les “changements de pied incessants” d’Emmanuel Macron sur le terrain diplomatique vis-à-vis de l’Algérie, a provoqué des tensions entre deux pays. Emmanuel Macron avait misé beaucoup sur la relation avec l’Algérie en déclarant la colonisation française qualifiée de « crime contre l’humanité » en février 2017 ou les autres gestes mémoriels comme la reconnaissance du rôle de l’armée française dans la mort de Maurice Audin et d’Ali Boumendjel en 1957. En revanche, maintenant le président considère que ses efforts n’ont pas été payés en retour.
Le chef de l’État français a accueilli jeudi 30 septembre, 18 jeunes gens Français d’origine algérienne pour échanger « librement » sur les mémoires douloureuses de la guerre d’Algérie. Les déclarations d’Emmanuel Macron dénonçant une « histoire officielle » écrite par les autorités algériennes « sur une haine de la France » et la mise en question de l’identité algérienne en demandant « s’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? » étaient les sujets discutés dans cette rencontre. C’était purement au contraire de l’objectif annoncé par l’historien Benjamin Stora, également présent : apaiser « cette blessure mémorielle ». Alors que selon colonel Pascal Ianni, le porte-parole du chef d’état-major des armées, la décision d’Algérie en interdisant le survol de son territoire aux avions militaires français, n’affecte ni les opérations ni les missions de renseignement” menées par la France au Sahel, le problème s’avérait plus difficile que l’on ne croyait. Auparavant la décision de la France de réduire de 50 % les visas octroyés aux Algériens, a provoqué les tensions. Mais pourquoi Macron a décidé de changer de stratégie et de mettre le feu aux poudres?
Macron estime ne pas être payé en retour
D’abord la tentative d’un travail commun sur la mémoire, illustré par le rapport Stora, a échoué, faute de véritable ouverture à Alger. Maintenant, Emmanuel Macron estime ne pas être payé en retour. « Il a l’impression de s’être fait avoir en étant sympa », assure un proche du dossier. Ensuite au niveau économique, la France n’a abandonné aucun grand contrat, que ce soit dans les transports ou le traitement de l’eau, alors qu’en vingt ans, sa part du marché algérien a été diminué (10 %) face à la Chine, l’Espagne ou l’Italie, très dynamiques. En outre, l’ambassadeur de France à Alger, ne travaille pas dans des conditions idéales, tandis que la visite que le Premier ministre Jean Castex devait effectuer en avril dernier est annulée à la dernière minute.
Tout cela nous montre que pendant ces années, les relations entre les deux pays avaient connu plusieurs tensions et moments d’apaisement. Emmanuel Macron porte depuis longtemps une attention particulière à la mémoire de la guerre d’Algérie. S’il a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité en 2017, il a aussi présenté sa volonté de « tourner la page » lors de son premier déplacement présidentiel à Alger. Et maintenant, après ses propos rapportés par le journal Le Monde, accusant « le système politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle », le président de la République française a prôné ce mardi 5 octobre, « un apaisement » entre la France et l’Algérie, et dit avoir des relations cordiales avec son homologue Abdelmadjid Tebboune. Selon Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po Paris, « dans un contexte de pré-campagne pour la présidentielle, on craint peut-être les réactions qu’il peut y avoir ou que les choses dérapent, ici dans la diaspora, mais aussi en Algérie ». Donc. Il est obligé de tenir compte de tout cela et d’être mis en garde sur les réactions diplomatiques, économiques, et même d’une certaine manière sécuritaire.
Les problèmes connus, mais jamais négociés!
En définitive, Les problèmes entre les deux pays sont aujourd’hui connus, mais jamais négociés. Nous retomberons toujours sur les mêmes problèmes. Mais la recomposition géopolitique au Maghreb et au Sahel, doit nous conduire vers les formules, des compromis, des sorties de crise avec les partenaires du sud qui sont concernés au premier chef, et qui sont en train de nous entraîner dans leur propre crise. D’après Kader Abderrahim, « Il faut aussi être attentif à ce que les tensions internes à l’Algérie ne rejaillissent pas sur un pays comme la France, qui compte une diaspora issue de l’immigration algérienne extrêmement importante ».