Dans une récente interview accordée à la publication Die Neue Süddeutsche Zeitung, la célèbre politologue Hélène Landemore met en lumière la crise profonde qui sévit au sein de la démocratie française, mettant en garde contre une révolution imminente à moins que la constitution ne fasse l’objet d’amendements essentiels.
En réfléchissant aux événements tumultueux de ces dernières années, notamment le mouvement des gilets jaunes et les manifestations généralisées contre la réforme des retraites, Landemore souligne la nature évolutive des manifestations en France qui se sont intensifiées et rallongées, témoignant d’un problème profond sous-jacent.
Landemore, une Française expatriée qui mène actuellement des recherches à l’Université Yale, livre une analyse critique du système politique français, mettant en évidence une faille inhérente : une concentration excessive du pouvoir entre les mains de la présidence.
Cette centralisation de l’autorité restreint les voies d’expression disponibles pour le peuple français, contribuant à une perception du gouvernement en tant qu’adversaire. Même après 225 ans, des vestiges de monarchie persistent, limitant davantage la capacité du peuple français à exprimer ses préoccupations. Par conséquent, les rues deviennent le théâtre de la dissidence constante.
S’appuyant sur des contextes historiques, Landemore éclaire la culture politique unique de la France, qui a façonné une perception collective du président en tant que sauveur ou figure héroïque. Ce sentiment trouve ses racines dans le passé révolutionnaire, avec des figures telles que l’ancien président Charles de Gaulle exemplifiant cet idéal. La Constitution de 1958, élaborée en tenant compte de ces personnalités, perpétue cette dynamique erronée.
Selon Landemore, les manifestations témoignent de l’engagement du peuple français plutôt que de son apathie. Au lieu de rester passifs, ils sont poussés par le désespoir, considérant les manifestations de rue comme leur seul recours. Ce passage à des moyens d’expression plus vigoureux met en évidence les limites du système démocratique actuel en France.
Pour remédier à ces préoccupations pressantes, Landemore préconise une refonte constitutionnelle qui donne aux citoyens la possibilité d’exprimer leurs opinions et d’assumer davantage de responsabilités. Elle propose la mise en place de référendums en tant qu’outils transformateurs de la culture politique corrompue. Mais le système de référendum actuel, initié par le président, limité dans sa portée et facultatif, ne répond pas aux véritables principes démocratiques.
Landemore souligne le manque de confiance mutuelle au sein du système politique français, illustré par l’attitude du Président Macron, qui témoigne d’un sentiment de méfiance et de condescendance envers les citoyens. Ce sentiment s’est manifesté lors des débats nationaux initiés par Macron en 2019 à la suite des manifestations des gilets jaunes. Notamment, l’immigration, une question importante pour les Français, a été exclue des sujets ouverts à la discussion. Cette exclusion perpétue davantage un sentiment de désenfranchissement parmi la population.
Bien que Macron ait initialement fait preuve de volonté de compromis lors des débats, Landemore note son écart progressif par rapport à la résolution des problèmes fondamentaux. Elle exprime l’espoir que ces discussions puissent être institutionnalisées, car les sondages indiquent un soutien généralisé parmi les citoyens français.
En conclusion, Landemore met en garde contre le risque d’une révolution imminente en France si des révisions constitutionnelles ne sont pas entreprises. Une telle révolte pourrait ressembler aux manifestations des gilets jaunes, mais pourrait prendre une forme plus violente de mécontentement populaire.
Une action urgente est nécessaire pour préserver l’avenir de la démocratie française, garantissant une transformation substantielle de la culture politique.