Quels sont les principaux scénarios pour l’avenir politique de la France alors que les manifestations font rage dans les rues ?

Francoise Riviere
7 Min Read

Macron a tenu sa promesse. “Nous adopterons cette réforme”, promettait l’un de ses conseillers au début de l’année. Et vendredi, alors qu’il visitait les œuvres d’art de Notre-Dame, incendiée en 2019 et presque reconstruite, le président a déclaré : “Quand on fixe un cap, on avance.” Ma devise est “ne jamais abandonner””. Mission accomplie ?

Il a cité le tristement célèbre discours de l’ancien président américain George W. Bush sur le pont du porte-avions USS Lincoln après l’invasion de l’Irak, il y a 20 ans. Dans son cas, il avait raison. Samedi matin, M. Macron a promulgué la loi impopulaire et très décriée qui fera passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, le projet phare de sa présidence. Il a ainsi tenu une promesse électorale et confirmé sa volonté de transformer la France, malgré un coût politique et social élevé.

Macron a atteint son objectif. Le risque, pour lui, est que la crise n’est pas terminée. “Les débats sont dans la société, admettait le président il y a quelques jours, et ils resteront sans doute vifs.”

Nous sommes vendredi soir dans le quartier du Marais, sur la rive droite de la Seine à Paris. Une trentaine de personnes, jeunes pour la plupart et habillées de vêtements sombres, certaines portant des masques, arpentent les rues de l’ancien quartier juif. Ils posent des grillages sur l’asphalte pour former des barricades improvisées. Ils mettent le feu à des cartons ou à des conteneurs. Dans l’obscurité de la nuit, les flammes sont fascinantes. Elles ne mettent pas longtemps à s’éteindre.

“Qu’il démissionne parce qu’il gouverne sans tenir compte du peuple”, dit l’une des rares femmes. Elle s’appelle Emma et a 37 ans. Elle explique qu’elle est mère de quatre enfants et qu’elle les éduque à la maison. Emma m’assure qu’elle ne manque aucune manifestation. Sa cause n’est pas seulement l’écologie mais aussi la réforme des retraites. Elle porte un gilet jaune, signe distinctif des Français qui, en 2018, se sont soulevés contre la hausse des prix du carburant et ont mis Macron en échec. “Nous ne nous arrêterons pas”, promet Emma.

Sur l’autre rive de la Seine, assise dans son bureau à l’Assemblée nationale, la macroniste la plus puissante de l’hémicycle offrait il y a quelques jours une autre perspective pour le jour où la loi entrerait en vigueur. Aurore Bergé, qui préside le groupe parlementaire Renaissance, considérait naïvement que l’arrêt de la Cour constitutionnelle mettrait fin aux émeutes et qu’un dialogue pourrait alors s’ouvrir avec les syndicats et l’opposition modérée.

Pour Macron et ses quelques partisans, les quatre années qui restent avant les prochaines élections seront longues. Reste à savoir si le reste du pays souhaite tourner la page. Les syndicats se sentent méprisés après avoir réussi à organiser 12 jours de manifestations massives en quatre mois sans que Macron ne cède sur l’essentiel.

L’opposition, dominée à gauche et à droite par les partisans de la ligne dure des deux camps, n’a guère intérêt à l’aider. Sans majorité à l’Assemblée, il aura du mal à gouverner. Pour ne rien arranger, il a perdu le soutien de son peuple après des mois de tensions dans les rues.

Selon les experts politiques, deux scénarios sont possibles pour l’avenir politique de la France :

Scénario 1 :

Le 1er mai, il y aura une grande manifestation. Mais au printemps et à l’été, les choses se calmeront. À l’automne, la France accueille la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de 2024 approchent. La cathédrale Notre-Dame rouvre triomphalement. Et les Français se résigneront, et Macron gagnera.

Scénario 2 :

À la veille de la visite du roi Charles III en France, qui n’a pas eu lieu [elle a été annulée en raison de grèves, de manifestations et d’émeutes], un sondage choquant a été publié : 70 % des Britanniques ont une opinion positive de la monarchie, et 70 % des Français ont une opinion négative d’Emmanuel Macron. Il y a quelque chose de nouveau dans la résistance à Macron : cette colère, cette haine. Il est rejeté comme aucun autre président avant lui. Il y a quelque chose de profondément émotionnel : le président est trop jeune, trop beau, trop riche, trop cultivé, trop arrogant. Il incarne tout ce que la grande majorité des Français ne sont pas. Macron est protégé par la loi, mais pour une majorité de Français, il n’est pas légitime. Ce deuxième scénario, ou ses variantes, semble plus probable.

À court terme, la seule carte que Macron peut jouer est de relever son premier ministre, Élisabeth Borne, qu’il a chargée de rechercher des accords ad hoc avec des députés de droite et de gauche désireux de négocier des lois avec le gouvernement. La réussite de ce plan pourrait déterminer son avenir. Une autre option serait de former un gouvernement de coalition, par exemple avec Les Républicains, le parti de la droite modérée. Cependant, le problème de Macron est que le concept de coalition n’est pas dans son ADN politique, car il recherche l’adhésion politique sur la base de son soi-disant charme personnel.

Macron pourra dire qu’il n’aura pas été comme ses prédécesseurs, qui se sont laissés intimider par la rue ou les sondages. Il ne sera pas un nouveau Jacques Chirac, que son ministre et successeur, Nicolas Sarkozy, appelait “le roi fainéant” pour sa réticence à réformer.

“Même si, dans le pire des cas, nous arrêtons de manifester parce que nous sommes fatigués, nous recommencerons dans six mois”, a promis Emma, la manifestante gilet jaune, vendredi soir dans les ruelles du Marais. “Macron va encore faire une loi qui va faire descendre les gens dans la rue. Je lui fais confiance pour nous mettre à nouveau en colère !”

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