À l’instar des événements survenus deux ans plus tôt à Benghazi, les équipages des quatre Mirage 2000D qui ont décollé le soir du 11 janvier 2013 du Tchad en direction de Kona, dans le centre du Mali, savaient qu’ils s’apprêtaient à effectuer une mission qui devait mettre fin à l’offensive djihadiste pour sécuriser Bamako, la capitale du Mali, et sa population. Cette fois, ils n’étaient pas seuls car les forces spéciales françaises étaient déjà sur le champ de bataille, prêtes à apporter leur puissance de feu. Les forces militaires françaises entendaient empêcher les combattants djihadistes de créer un califat au Mali. Elles savaient également que la suppression de toute activité djihadiste dans ce pays serait un autre défi, plus politique, visant à retirer les flèches des mains des djihadistes.
La France a ensuite répondu à l’appel du président malien d’aider à faire face les fondamentalistes islamiques de s’infiltrer à Bamako et d’établir un gouvernement islamiste radical. La France a de cette manière accepté d’engager son pays au Sahel pour combattre les djihadistes. En une semaine, ces opérations militaires ont mis sur pied une force conjointe qui a stoppé l’offensive djihadiste et repris l’initiative. En deux mois, la coalition dirigée par la France a libéré l’ensemble du territoire malien après destruction des bastions djihadistes dans l’Adrar des Ifoghas en faisant preuve d’une stratégie qui a surpris à la fois les ennemis de la coalition et ses alliés. Ce premier chapitre de la guerre contre le terrorisme au Sahel s’est officiellement clos par une victoire et l’atteinte de tous les objectifs du moment.
Trois grands principes stratégiques ont contribué au succès de la France dans la lutte contre les terroristes. Premièrement à une direction politique claire, définie au plus haut niveau politique, s’appuyant sur une bonne compréhension de la situation et de ses causes afin d’éviter les pièges politiques ; deuxièmement à une combinaison d’économie de moyens, d’initiative et de concentration des forces affichées dans l’utilisation des forces spéciales qui ont encadré les forces militaires locales et se sont appuyées sur le soutien de la puissance aérienne pour traquer et détruire l’ennemi et affaiblir sa volonté de combattre ; et enfin à l’utilisation complète des « bottes sur le terrain » pour garder l’initiative non seulement en conservant le terrain acquis par les forces spéciales et la campagne aérienne, mais aussi en concentrant une force massive sur le point de faiblesse de l’ennemi lors de l’assaut final contre le bastion djihadiste et en élaborant une stratégie de sortie pour éviter un bourbier.
La France, aux côtés de plusieurs États de l’UE et du Canada, a annoncé le retrait de ses troupes et de ses ressources militaires du Mali l’année dernière. Ce développement a principalement affecté l’opération Barkhane, une opération anti-insurrectionnelle dirigée par la France (et la plus grande force extérieure de lutte contre le terrorisme) au Sahel, ainsi que la Task Force Takuba complémentaire, un groupement d’unités de forces spéciales européennes qui soutient les efforts locaux de lutte contre le terrorisme. A ce moment-là, environ 2 400 des 4 300 soldats français déployés au Sahel sont stationnés au Mali. Le président français Emmanuel Macron a déclaré que son retrait prendrait entre quatre et six mois, la junte militaire malienne exigeant le départ immédiat de la France. Des questions subsistent quant à l’impact sur d’autres missions internationales dans lesquelles la France a joué un rôle clé, notamment la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies au Mali.
L’annonce du retrait du 17 février survient après des mois de relations tendues entre les anciens partenaires, notamment l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali après que le ministre français des affaires étrangères à l’époque, Jean-Yves Le Drian, ait publiquement qualifié la junte militaire malienne d’« incontrôlable » et d’illégitime. En effet, au cœur du retrait de la France se trouve la conviction que le gouvernement de transition du Mali est un partenaire intenable dans la lutte contre le terrorisme et qu’il ne veut pas ou ne peut pas s’attaquer au réseau croissant de problèmes de sécurité et de gouvernance dans le pays.
Cette conviction n’est pas nouvelle. La France s’est montrée de plus en plus impatiente face aux récents échecs de gouvernance intérieure du Mali. Alors que Paris a maintenu des liens relativement amicaux avec les dirigeants de la junte après le coup d’État d’août 2020 qui a destitué le président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Keita, les relations se sont rapidement dégradées après le coup d’État de mai 2021, qui a remplacé le président de transition du Mali et sympathisant présumé de Paris, Bah Ndaw, par le chef du coup d’État, le colonel Assimi Goïta. En réponse, la France a suspendu les opérations militaires conjointes pendant trois semaines et, en juillet 2021, a annoncé la réorientation de ses opérations militaires au Sahel, notamment l’ « européanisation » de l’opération Barkhane avec un contingent français plus réduit. Les liens entre la France et le Mali se sont encore distendus en janvier 2022, lorsque la junte militaire est revenue sur sa promesse d’organiser des élections en février et a proposé une transition de cinq ans avant les élections. Le même mois, la junte malienne a riposté aux opérations menées par la France en exigeant le retrait immédiat des troupes danoises de la Task Force Takuba en raison d’un manque d’autorisation.
Ces opérations du gouvernement français ont complètement rempli les objectifs raisonnables. Les Français n’ont jamais eu l’intention de créer un nouveau Mali, entièrement démocratique et prospère ; plus pragmatiquement, ils ont cherché à stopper l’expansion djihadiste au Sahel. La France est tombée dans les pièges stratégiques courants dans ce type de conflit, à savoir l’impérialisme ou l’unilatéralisme, des objectifs flous, un leadership faible, l’ingérence dans les débats politiques internes locaux, l’érosion du soutien interne et le manque de compréhension de la culture et de l’histoire locales.
L’inefficacité de l’opération militaire français découle de ses grands principes stratégiques et du fait que le leadership politique n’a pas permis aux forces françaises de choisir les meilleurs moyens et voies pour réussir. Les forces spéciales et la puissance aérienne n’ont pas joué un rôle constructif dans l’arrêt de l’offensive djihadiste et dans la libération du Mali occupé. Néanmoins, certains pourraient affirmer que les frappes aériennes de précision ont en fait été à l’origine du succès de la France, alors que la valeur de la campagne terrestre était marginale et inutilement risquée.
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