Les enjeux du second mandat d’Emmanuel Macron : entre espoirs et désillusions

Francoise Riviere
9 Min Read

Sous quelles conditions le second mandat d’Emmanuel Macron peut-il se dérouler ? L’actualité sociale et politique soulève des doutes quant à un déroulement politique paisible en raison des nombreuses mobilisations, tant sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) que sur le plan écologique et politique, avec une perturbation importante de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle se trouve la personnalité du président, fortement critiquée par ses adversaires politiques et désormais également critiquée à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a pas hésité à qualifier le chef de l’État de “forcené retranché à l’Élysée”.

Comment comprendre cette situation et cette tension un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

En 2017, Emmanuel Macron a émergé de manière assez inattendue dans la campagne présidentielle française. Ancien ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à la fin août 2016, il s’est progressivement éloigné du camp socialiste avant de lancer son propre mouvement, “En marche”.

En se présentant comme étant à la fois de gauche et de droite, en revendiquant son libéralisme économique et sur les questions sociétales, mais en se montrant favorable à des politiques sociales et en soutenant clairement la construction européenne, il a proposé de bouleverser la politique française. Il a même publié un essai intitulé “Révolution” dans lequel il promettait un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron a peu à peu réussi à rallier un électorat très diversifié malgré une forte abstention. Il a créé un parti solide, La République En Marche (LREM), et a été élu avec une large majorité (66,1 % des voix).

La stratégie d’Emmanuel Macron a été basée sur une forme de fragmentation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale malgré un faible nombre de députés ralliés, il a nommé Edouard Philippe, un juppéiste, comme Premier ministre, ce qui lui a valu l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, composé de personnalités de gauche, du centre et de droite, a rapidement annoncé des mesures populaires. Après un appel d’offres pour encourager les candidatures (15 000 recensées), il a investi un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats de La République En Marche (LREM) ont obtenu un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut ajouter 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de “dégagisme” touchait les élus sortants, en particulier ceux de gauche. Le deuxième tour a confirmé le premier, et LREM a obtenu 308 sièges et le MoDem 42.

Le président dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, a été complètement bouleversé à la fin de ce cycle électoral. Cependant, la nouvelle majorité rassemble des sensibilités politiques très diverses, ce qui laisse présager des divisions et des recompositions éventuelles.

Pendant la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec des députés sortants de LREM et d’autres qui quittent LR ou l’UDI. En mai 2020, un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre-gauche qui voulaient davantage d’écologie et de social ont également pris leur indépendance, faisant perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait seule. Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, a également lancé en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas réussi à se structurer et n’a conféré aucun pouvoir réel à ses membres. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti est devenu une coquille vide avec très peu de militants. Bien que ce parti ait obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, les résultats ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11% des voix avec le MoDem) ainsi qu’aux élections régionales et départementales de 2021 (environ 10%).

Dès le début de son mandat, le président a mis en place des politiques économiques libérales, telles que la suppression de l’ISF au profit de l’impôt sur la fortune immobilière peu rentable et la mise en place d’une imposition forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers. Cette politique lui a valu d’être souvent qualifié de “président des riches”.

Ces politiques, combinées à des mesures d’austérité telles que la taxe carbone, ont conduit à l’émergence du mouvement social spontané des “gilets jaunes” en octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir a progressivement cédé du terrain et a lancé un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. À l’issue du processus en avril 2019, le président a annoncé des réductions d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement a coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards), mais contrairement aux espoirs de certains partisans du mouvement, le président n’a pas changé sa méthode de gouvernance très verticale.

La pandémie a conduit le président à piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des hésitations initiales, des confusions et l’émergence de théories du complot, ce qui lui a permis de gagner une nouvelle légitimité politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine a également été favorable à Emmanuel Macron en pleine campagne présidentielle, générant un ralliement autour de celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron a été assez largement réélu début mai 2022, avec 58,55 % des suffrages exprimés, malgré une méfiance accrue envers les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Cependant, entre l’élection présidentielle et les législatives, la mécanique politique semble se gripper, le président étant peu actif dans la préparation de l’élection des députés, prenant beaucoup de temps pour choisir sa Première ministre et pour concrétiser le début de son second mandat. Pendant ce temps, la gauche s’est unie derrière Jean-Luc Mélenchon et en a tiré un grand bénéfice en termes de sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre politique, le RN a également déployé ses forces de manière spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie souffre d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui rend difficile l’exercice du pouvoir. Malgré les tentatives de chercher des alliances, le gouvernement doit négocier les votes des lois au cas par cas. Le président ne semble pas vouloir changer sa méthode de gouvernance malgré cette situation et continue à vouloir imposer ses réformes impopulaires. La situation politique semble difficile et la Macronie pourrait ne pas survivre au-delà de son fondateur.

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