La question de l’islam est depuis longtemps une épine dans le pied de l’establishment français. À l’approche des élections présidentielles, les opinions d’extrême droite ont envahi le discours public sur la communauté musulmane, l’immigration et la sécurité. La série de mesures et de lois adoptées par le pays au cours des dernières décennies a cherché à restreindre le mode de vie des musulmans sous couvert de lutte contre le terrorisme et l’islamisme.
Les partis d’extrême droite à l’élection présidentielle de 2022, malgré leur défaite, ont réussi à se faire largement accepter par les Français. Le « Rassemblement national » et « La Reconquête », qui se concentraient sur des questions telles que l’immigration, le pouvoir d’achat, la priorité nationale, la sortie de l’Union européenne et de l’OTAN, ont réussi à attirer une part importante des électeurs français. Puisque la France, qui tient une considérable population musulmane et la plus importante communauté musulmane d’Europe, ses candidats à l’élection présidentielle pourraient naturellement compter sur l’obtention du plus de voix de cette communauté. Le candidat d’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon, a pu gagner le plus de popularité auprès des musulmans. Mais au premier tour, il a perdu par une marge étroite face à son adversaire d’extrême droite.
Macron s’est rendu jeudi à Saint-Denis, une commune multiculturelle de la banlieue nord de Paris, dans une ultime tentative de gagner le soutien d’une communauté diversifiée et ouvrière qui a largement soutenu Mélenchon au premier tour de l’élection le 10 avril. Il a ainsi tenté de séduire les électeurs de gauche mécontents ces derniers jours avant l’élection, et les incite à ne pas s’abstenir lors du second tour de l’élection présidentielle en expliquant ce qu’une victoire de sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen signifierait pour la communauté musulmane de France.
De nombreux musulmans ont le sentiment que l’islamophobie est en hausse
La communauté musulmane de la France craignait que l’aliénation qu’elle ressent ne fasse que s’aggraver si la leader d’extrême droite Marine Le Pen remporte le scrutin présidentiel de dimanche. L’insistance de Le Pen à interdire aux femmes musulmanes de porter le foulard islamique dans les espaces publics serait un acte de discrimination à l’encontre de la grande majorité des musulmans qui adhèrent aux strictes valeurs laïques de la France.
Dans l’espoir de maintenir Le Pen hors du pouvoir, les musulmans ont majoritairement essayé de voter pour Mélenchon au premier tour et puis pour Macron au deuxième tour, mais seulement à contrecœur. Le bilan du président Macron sur l’islam l’a laissée profondément désabusée et convaincue que le sentiment anti-musulman est en hausse en France. Les données confirment ce que cette communauté ressent. Les chiffres du ministère de l’intérieur montrent une forte augmentation des actes discriminatoires et autres actes anti-musulmans, alors même que les autres confessions ont connu une baisse.
Macron a soutenu ce programme qu’il continuera à combattre ce qu’il appelle le séparatisme islamiste et à défendre la laïcité française, qui, selon lui, permet à chaque citoyen de pratiquer librement sa foi. Il se dit opposé à l’interdiction des symboles religieux dans l’espace public. Le Pen, de sa part, veut interdire le port du hijab dans l’espace public, mais pas celui d’autres symboles religieux tels que la kippa juive. Elle promet de combattre les idéologies islamistes qu’elle qualifie de totalitaires. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement Macron a adopté une série de lois et de mesures qui, selon lui, visent à lutter contre l’extrémisme religieux et à préserver les valeurs laïques nationales. Mais de nombreux musulmans ont le sentiment que l’islamophobie est en hausse.
Malgré Le Pen, Macron n’interdirait pas les vêtements religieux
Le premier mandat du président Emmanuel Macron a été sombre pour les musulmans français, avec l’adoption de la loi sur le séparatisme à l’été 2021 particulièrement significative. Alors que le gouvernement affirme que sa législation vise à renforcer le système laïque de la France, les critiques soulignent qu’elle singularise injustement la communauté musulmane et restreint la liberté religieuse. La loi a été introduite pour la première fois à la suite du meurtre horrible de Samuel Paty, un enseignant qui a été décapité par un réfugié musulman russe de 18 ans après avoir montré à ses élèves les caricatures de Charlie Hebdo représentant le prophète Mahomet. Les conséquences pour la communauté musulmane ont été particulièrement dommageables. Outre la fermeture forcée de dizaines de mosquées, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a été fermé, et plusieurs associations caritatives musulmanes ont été dissoutes.
Vendredi, lors du débat présidentiel, Marine Le Pen et son rival Emmanuel Macron ont été confrontés à des femmes portant un foulard qui leur ont demandé pourquoi leur choix vestimentaire devait être mêlé à la politique. Macron a déclaré qu’il n’interdirait pas les vêtements religieux, mais il a supervisé la fermeture de plusieurs mosquées et groupes islamiques. Et de nombreux musulmans de France estiment que la campagne présidentielle a injustement stigmatisé leur foi. Le Pen, elle a de même, défendu sa position en qualifiant le foulard d’uniforme imposé au fil du temps par des personnes qui ont une vision radicale de l’islam. Marine Le Pen a ensuite expliqué comment sa promesse d’interdire le voile dans tous les espaces publics serait mise en œuvre, affirmant qu’elle serait appliquée par la police de la même manière que le port de la ceinture de sécurité dans les voitures.
Le gouvernement de Macron a alimenté les préjugés à l’encontre des musulmans
L’opposition de Le Pen au foulard a résumé ce qui, selon ses critiques, la rend dangereuse pour l’unité française en stigmatisant des millions de musulmans français. Marine Le Pen a déclaré qu’elle réduirait également l’immigration et souhaite interdire l’abattage rituel, ce qui limiterait l’accès des musulmans et des juifs français à la viande casher et halal. Le gouvernement de Macron a pendant ces cinq derniers années alimenté les préjugés à l’encontre des musulmans en prenant des mesures contre ce qu’il considère comme des efforts déployés par certains musulmans pour créer des espaces en France pour des interprétations plus strictes de l’islam. Le gouvernement s’en est pris à certaines écoles, mosquées et associations islamiques.
Pourtant, Macron a trouvé le temps, lors de son seul meeting de campagne avant le premier tour, de souligner la menace des islamistes et des séparatistes musulmans en France, en associant la devise française « Liberté, Égalité, Fraternité » à une autre valeur républicaine française privilégiée : la laïcité. Seul un candidat, le candidat d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position, a historiquement adopté une position plus favorable à la communauté musulmane. Les sondages du premier tour suggéraient qu’environ deux tiers des électeurs musulmans français le soutenaient. Lui aussi a été éliminé après le premier tour de scrutin. Ce qui est vraiment effrayant pour cette communauté, c’est qu’enfin le président réélu s’appuie simplement sur des programmes fondés sur la stigmatisation des minorités, sur l’érosion des droits et libertés les plus fondamentaux.
Au cours des élections présidentielles, les hijabs et les foulards des femmes musulmanes ont été des cibles faciles pour les politiciens qui tentent de susciter le soutien aux valeurs républicaines traditionnelles françaises. La laïcité prétend assurer l’égalité de tous en supprimant les marqueurs de différence, en faisant de tous les citoyens des Français d’abord et en protégeant la liberté de culte dans la sphère privée. Les signes religieux sont interdits dans les écoles primaires et secondaires, les administrations et les lieux de travail de l’État, et même dans certaines fédérations sportives.