La France est dans la tourmente : La colère monte contre Macron pour le relèvement de l’âge de la retraite alors que des millions de personnes font grève et protestent

Francoise Riviere
9 Min Read

Depuis qu’Emmanuel Macron a imposé son projet de relèvement de l’âge de la retraite en France la semaine dernière, la consternation de l’opinion publique face à cette modification d’un élément farouchement protégé de la politique sociale française n’a cessé de couver. Cette colère a atteint un point d’ébullition jeudi soir, à la fin de la neuvième journée de manifestations nationales depuis janvier.
Le symbole le plus visible de ces tensions est apparu dans une vidéo de Bordeaux, où les portes de l’hôtel de ville ont été incendiées après une journée d’actions intenses dans les rues. Le feu a été rapidement éteint par les pompiers. Mais dans tout le pays, l’impopularité des projets de M. Macron était clairement visible. Les autorités ont estimé le nombre de personnes dans les rues à 1,1 million, tandis que les syndicats ont parlé de 3,5 millions.
Dans l’embarras le plus total pour le président français, la visite d’État du roi Charles III prévue pour dimanche a été reportée vendredi en raison des troubles.
La gravité des affrontements entre les manifestants et la police et l’ampleur du mouvement suggèrent que la lutte contre les changements est loin d’être terminée.
Mercredi, M. Macron a fait une apparition en direct à la télévision pour défendre son projet de faire passer l’âge officiel de la retraite de 62 à 64 ans en France, et si certains de ses opposants espéraient un message de compromis, ils ont été cruellement déçus. M. Macron a exclu toute modification de cette politique profondément impopulaire et a également rejeté les appels à un remaniement de son gouvernement ou à la démission de son Premier ministre, Élisabeth Borne. M. Macron a déclaré qu’il n’avait qu’un seul regret : “Ne pas avoir réussi à convaincre de la nécessité de cette réforme”.
C’est l’un des éléments déclencheurs de l’ampleur et de l’intensité de l’action de jeudi, mais la colère des manifestants ne se limite pas à la gestion de la situation par M. Macron, ni même aux propositions relatives aux retraites. Ils affirment que la décision du président d’imposer les réformes sans vote soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’état de la démocratie française.
Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT, a quant à elle décrit le tumulte comme “une réponse aux mensonges du président et à son entêtement incompréhensible”.
Les manifestations de jeudi ont été considérées comme particulièrement importantes, en partie parce qu’elles ont permis de mesurer pour la première fois l’efficacité de la tentative de M. Macron d’affirmer son autorité. Même le gouvernement a admis qu’il n’y avait jamais eu autant de personnes dans la rue depuis qu’il a promulgué sa politique, et que le total était le plus important depuis le rassemblement national du 7 mars. Cette carte du Monde des manifestations à travers le pays donne une idée rapide de l’ampleur de la colère.
La politique de M. Macron consistant à relever l’âge de la retraite n’est pas sa première tentative : il a abandonné un effort plus large visant à modifier l’infrastructure extrêmement complexe des retraites en France au cours de son premier mandat, à la suite d’énormes manifestations de rue et alors que la pandémie de coronavirus frappait le pays. Cette fois-ci, il a adopté une approche plus simple : au lieu de fusionner les 42 régimes de retraite du pays, il affirme que le fait de demander aux gens de travailler deux ans de plus peut rendre le système viable à long terme.
M. Macron, qui ne peut pas se représenter, insiste sur le fait que ces changements, qui faisaient partie du programme de son second mandat, sont cruciaux et valent la peine de sacrifier sa popularité déjà entamée. Ses partisans soulignent que les Français partent à la retraite deux ans plus tôt que la moyenne européenne, et les Françaises un an plus tôt. Ils rejettent les augmentations d’impôts comme modèle alternatif, estimant que la France a déjà une charge fiscale anormalement élevée, et affirment que les changements démographiques rendent inévitable une certaine forme de changement : alors qu’il y avait 2,1 travailleurs pour chaque retraité en 2000, le ratio était de 1,7 en 2020 et devrait atteindre 1,2 d’ici à 2070.
Angelique Chrisafis a écrit dans cet article sur le débat de la semaine dernière que le public français protège farouchement un système “considéré comme la pierre angulaire du modèle de protection sociale auquel le pays est attaché”. Ils sont fiers du fait que les retraités français sont moins susceptibles de vivre dans la pauvreté que ceux de la plupart des autres pays européens.
Alors que le système devrait être déficitaire au cours des 25 prochaines années, une analyse indépendante du Conseil d’orientation des retraites conclut que les chiffres “ne confirment pas l’affirmation selon laquelle les dépenses de retraite sont incontrôlables”. Cela conduit les critiques à affirmer que l’approche de M. Macron est trop combative et austère et qu’il donne plutôt la priorité aux réductions d’impôts pour les entreprises, alors même qu’il tente de ramener le déficit national en dessous de l’objectif européen de 3 %.
Il est probable que des versions du débat français soient reproduites ailleurs dans les années à venir. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que la population mondiale des plus de 60 ans doublera d’ici à 2050. Le cabinet de conseil du Groupe des 30 s’attend à ce que les déficits des régimes de retraite représentent l’équivalent de 23 % de la production mondiale d’ici la même année, rapporte Bloomberg.
Les sondages successifs montrent que les manifestants ne sont pas en décalage avec l’opinion publique française, qui est fortement opposée à Macron. Deux tiers des personnes soutiennent les manifestants, alors que la cote de popularité de Macron est de 28 %. La décision de M. Macron de faire passer son plan par le parlement sans vote est contestée par 82 % des électeurs, et 65 % d’entre eux souhaitent que les manifestations se poursuivent même si les propositions deviennent des lois.
Néanmoins, malgré les appels à un référendum public et les tentatives des législateurs de l’opposition d’annuler la nouvelle loi avant qu’elle ne soit mise en œuvre, M. Macron n’a montré aucun signe de recul, même si certains pensent qu’il pourrait démettre M. Borne de ses fonctions une fois que la crise immédiate se sera apaisée. Les manifestations devraient également se poursuivre, ce qui explique le report de la visite du roi Charles.
Le président et ses alliés utiliseront probablement la violence sporadique des manifestations de jeudi pour creuser un fossé entre le mouvement de protestation et le reste du public français. Mais la plupart des observateurs estiment que l’opposition aux projets est trop ancrée pour que cette tactique réussisse, et que même s’il l’emporte sur cette politique, il risque d’être paralysé pour le reste de sa présidence.

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