Israël et la France : Une relation ambiguë ?

Francoise Riviere
7 Min Read

La puissance militaire d’Israël au Moyen-Orient peut être attribuée au soutien français dont il a bénéficié dans les années 1950. Lorsque les présidents américains, de Kennedy à Eisenhower et même Nixon, se sont opposés à l’accès d’Israël à la technologie nucléaire, la France a commencé à construire l’installation nucléaire de Dimona dans le désert du Néguev, situé au sud des territoires palestiniens occupés, après avoir négocié secrètement avec les occupants sionistes.

Après dix ans d’activités secrètes sur le site de Dimona, la France a autorisé Tel-Aviv à produire des armes nucléaires, ce qui a mis en colère les responsables politiques américains à Washington.

Bien que la France et l’État sioniste aient entretenu un partenariat militaire de longue date, leurs relations politiques ont toujours été empreintes d’ambiguïté.

En dépit d’une importante campagne médiatique pro-israélienne en juin 1967, le président français Charles de Gaulle s’est prononcé contre l’invasion israélienne des pays arabes, qui a duré six jours. Il a résumé l’essence de la guerre lors d’une conférence de presse mémorable, le 27 novembre 1967, en déclarant : “Aujourd’hui, Israël met en place, sur les terres qu’il a occupées, une occupation qui ne peut se poursuivre sans oppression, sans brutalité, sans expulsion.”

D’autre part, la plupart des Juifs d’Europe occidentale, notamment les intellectuels juifs et les élites financières, ont émigré en Palestine occupée depuis la France, où nombre d’entre eux sont devenus les premiers avocats d’Israël, faisant de la France l’un des pays qui s’est toujours considéré comme le gardien d’Israël.

Les organisations financières françaises telles que la BNP Paribas ont été d’importants investisseurs dans les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. Ces dernières années, la France a été le principal partenaire commercial européen d’Israël. À la lumière de ces faits, de nombreux commentateurs ne s’attendaient pas à ce que la France puisse un jour s’opposer au régime sioniste.

De nombreux analystes estiment que depuis l’élection de François Hollande, les liens entre Israël et la France se sont détériorés. La détérioration des liens franco-israéliens a commencé avec la reconnaissance de l’État palestinien par le Parlement français. En représailles à la décision de la France, le régime sioniste a exhorté la diaspora juive de France à s’installer en Israël, affirmant que la France n’était plus un endroit sûr pour les Juifs et citant les agressions contre la communauté juive de Paris, que de nombreux observateurs soupçonnent Israël d’avoir organisées. L’ancien président français Hollande a implicitement appelé Israël à signer le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) lors de l’un de ses voyages dans les territoires occupés, ce qui a encore tendu les relations entre Tel-Aviv et la Paris.

En raison de son succès et de son soutien constant à Israël, nombreux sont ceux qui pensent qu’Emmanuel Macron doit sa présidence à l’influente communauté juive de France.

Macron est allé plus loin que ses prédécesseurs en adoptant un discours pro-israélien et en tentant de faire taire les voix qui défendent la Palestine. Il a été le premier chef du l’État français à mettre sur le même plan l’antisémitisme et l’antisionisme.

En fait, Macron a soutenu une définition de l’antisémitisme élaborée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui vise en réalité à protéger Israël de toute critique.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de droite de Netanyahou, la position autrefois ambivalente de la France à l’égard d’Israël a changé. Un gouvernement de coalition a pris ses fonctions en Israël, comprenant des ministres qui seraient qualifiés de nazis dans toutes les autres nations européennes. Daniel Blatman, spécialiste de l’Holocauste et professeur d’études juives contemporaines à l’université hébraïque, a qualifié certains d’entre eux de “néo-nazis” en raison de leur attachement commun à l’idéologie de la suprématie juive et de leur conviction qu’un Israélien juif a le droit d’assassiner des Palestiniens et de s’enfuir sans être puni.

Il est apparu clairement que même Macron avait des désaccords fondamentaux avec Israël sur l’expansion des colonies en territoire palestinien.

Selon des informations émanant du palais de l’Élysée, lors de la récente visite de Netanyahou à Paris, M. Macron a mis en garde le premier ministre israélien contre les tensions croissantes entre Israël et les Palestiniens.

Par ailleurs, selon un rapport de l’ambassade d’Israël à Paris, les partisans d’Israël en France ont ouvertement critiqué la réforme judiciaire de Netanyahou et la violence des colons sionistes en Cisjordanie occupée.

L’ancien journaliste de Jérusalem et rédacteur en chef du journal français de centre-gauche Le Monde, Alain Frachon, a comparé le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Viktor Orban en Hongrie, ainsi que l’ancien président Donald Trump aux États-Unis, concernant leurs points de vue respectifs sur le système judiciaire indépendant.

Le rédacteur en chef international de Le Point, Luc Debarochez, soutien indéfectible du régime sioniste, s’est élevé contre les agressions des colons sionistes à l’encontre des civils palestiniens.

Le président français a également mis en garde le Premier ministre Netanyahou contre l’élargissement des accords dits d’Abraham.

M. Macron a déclaré : “Si vous poursuivez vos actions en Palestine, l’Arabie saoudite aura du mal à accepter un accord avec vous”.

Entre-temps, l’économie israélienne a été fortement touchée par le développement de gouvernements anti-israéliens en Europe et par l’émergence du mouvement de “boycott d’Israël”, qui visait à réduire au minimum la vente de produits israéliens en Europe. La position de la France peut avoir deux motivations : premièrement, envoyer un message à Israël sur son influence en Europe et montrer que Washington ne peut pas prendre de décisions unilatérales au Moyen-Orient sans tenir compte des perspectives européennes, et deuxièmement, pour Macron, faire pression sur Israël afin de convaincre le lobby sioniste en France, le lobby israélien le plus influent en Europe, de soutenir ses politiques néolibérales.

Share This Article
Follow:
Restez avec nous et nous vous fournirons les nouvelles les plus récentes avec précision et rapidité. Rejoignez-nous dans le monde de l'information et des actualités
Leave a comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *