Interventions extérieures les plus longues de l’armée française et le nouveau colonialisme

Francoise Riviere
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Les soldats français, qui avaient été initialement salués pour avoir sauvé le régime malien des djihadistes en janvier 2013, ont finalement quitté le pays de manière définitive lundi après-midi. Cette intervention avait permis d’empêcher les djihadistes de créer un califat islamiste au cœur de l’Afrique occidentale, similaire à ceux des talibans en Afghanistan ou de Daech en Syrie. Cependant, cette opération a été marquée par le sacrifice de 59 soldats français, sur un total de 775 depuis 1960, et se termine dans une atmosphère d’amertume.

C’est ainsi que prend fin l’une des interventions extérieures les plus longues de l’armée française, qui a réussi à empêcher les djihadistes de créer un califat islamiste au cœur de l’Afrique occidentale, sur le modèle des talibans en Afghanistan ou de Daech en Syrie. Cependant, cette opération a été marquée par la perte de 59 soldats français, sur un total de 775 depuis 1960, et elle se conclut dans un climat d’amertume.

Dans un contexte marqué par des accusations récurrentes de néocolonialisme envers la France, les relations entre Bamako et Paris se sont détériorées depuis le second coup d’État de la junte militaire en mai 2021. Le Mali, qui n’a plus d’ambassadeur à Paris depuis deux ans, a expulsé le représentant français à Bamako début février et a demandé le départ immédiat de l’armée française du pays.

Les accusations de néocolonialisme font référence aux critiques formulées à l’égard de certaines actions ou politiques de la France, qui sont perçues comme perpétuant des relations de domination ou d’ingérence envers ses anciennes colonies ou pays partenaires. Ces accusations soulignent une perception de continuité des rapports de pouvoir et d’influence post-coloniaux, suscitant des débats et des tensions dans les relations internationales.

Paris et ses partenaires de la bande sahélo-saharienne, tels que la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, étaient engagés dans la lutte contre les groupes djihadistes au Mali. Cependant, le 17 février, ils ont jugé impossible de continuer à coopérer avec la junte militaire au pouvoir. L’armée française, qui avait déjà commencé à réduire son engagement depuis 2021, a estimé qu’il faudrait un an pour évacuer en toute sécurité ses troupes et son équipement. Finalement, cette opération s’est déroulée sans accrocs en cinq mois.

La junte malienne a également rompu ses liens avec d’autres pays occidentaux, tels que l’Allemagne et le Danemark, ainsi qu’avec certaines nations africaines engagées dans la lutte contre les djihadistes. Elle s’est tournée vers les mercenaires russes de la force Wagner. Toutefois, les 800 combattants de cette force ne sont pas susceptibles d’éliminer les djihadistes qui ont survécu malgré les efforts des forces françaises (Serval, puis Barkhane) et l’élimination de certains chefs terroristes.

Le groupe Wagner, qui était déployé en Afrique centrale et en Libye, est principalement chargé d’assurer la sécurité des chefs de la junte militaire au Mali. Cependant, ce groupe est connu pour ses actions violentes contre les civils dans les zones où il est présent, ainsi que pour ses activités de pillage, notamment dans le domaine de l’exploitation de l’or. Ces comportements soulèvent de sérieuses préoccupations quant au respect des droits de l’homme et à la sécurité des populations locales dans les régions où opère le groupe Wagner.

L’armée française maintiendra son engagement au Sahel, dans la région du golfe de Guinée et du lac Tchad, en collaboration avec les partenaires qui soutiennent la stabilité et la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de ce redéploiement, une partie des forces françaises sera déployée au Niger, comprenant 1 000 soldats, des drones, des hélicoptères et des avions de chasse. La France maintiendra également une présence à N’Djamena, au Tchad, et espère conserver un contingent de forces spéciales à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, malgré le coup d’État survenu l’année dernière. Paris propose également son soutien aux pays riverains du golfe de Guinée. Cependant, le nombre de soldats français au Sahel sera réduit de moitié, pour atteindre 2 500 hommes d’ici la fin de l’année.

La France a pris conscience qu’elle ne pouvait pas rester engagée indéfiniment au Mali en raison du coût humain et financier de l’opération, de la lassitude de l’opinion publique française et de l’augmentation du ressentiment local. Cependant, les responsables français savaient jusqu’à l’année dernière, et encore aujourd’hui en privé, que le retrait de l’armée française ouvrirait la voie aux djihadistes en raison des lacunes de l’armée malienne sur le plan de la capacité au combat, malgré l’assistance occidentale en armes, en formation et en financements qu’elle a reçue.

Selon Alain Antil, spécialiste du Sahel à l’Institut français des relations internationales (Ifri), cette intervention a révélé « les limites des grandes opérations, avec un grand nombre de soldats, une forte présence sur le terrain et une visibilité politique importante ». De son côté, le commandant de l’opération Barkhane, le général Laurent Michon, a récemment déclaré à l’AFP : « Nous nous orientons vers davantage d’opérations de coopération, qui seront plus strictement conditionnées aux demandes des pays africains et qui viendront en soutien, et non pas pour se substituer à eux ».

La France a mené environ quarante interventions en Afrique au cours de son histoire, couvrant une grande variété de situations et de contextes. Certaines de ces interventions étaient de nature militaire, visant à soutenir des gouvernements alliés ou à prévenir des crises humanitaires et sécuritaires. D’autres interventions étaient de nature politique ou diplomatique, cherchant à faciliter des processus de paix, à promouvoir la stabilité régionale ou à renforcer les relations bilatérales.

Parmi les interventions les plus connues figurent l’opération Serval au Mali en 2013, qui a permis de repousser les groupes djihadistes dans le nord du pays, l’intervention en Côte d’Ivoire en 2011 pour soutenir les forces de l’ONU dans la stabilisation du pays après la crise post-électorale, et l’opération Turquoise au Rwanda en 1994, qui a tenté de mettre fin au génocide et de fournir une assistance humanitaire.

Ces interventions suscitent souvent des débats et des controverses, notamment concernant la politique étrangère de la France en Afrique, la question de la souveraineté des États africains et les implications à long terme de l’intervention militaire étrangère.

La présence militaire française en Afrique est souvent réalisée en collaboration avec les États-Unis, qui jouent un rôle important dans le renseignement aérien. Les opérations impliquent également des troupes africaines, occidentales ou de l’ONU dans la lutte contre les groupes djihadistes opérant dans la bande sahélo-saharienne.

Les djihadistes, bien que leur nombre soit d’environ 2 000, sont extrêmement mobiles et se fondent dans les vastes paysages désertiques de la région. Leurs activités terroristes ont engendré une insécurité généralisée dans des pays tels que le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Burkina Faso et le Tchad. Cette situation a transformé cette zone en l’un des théâtres de guerre les plus étendus et difficiles au monde.

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