Imaginez un peuple dont plus de la moitié se trouve à l’étranger, hors de sa terre

Francoise Riviere
11 Min Read

Chaque année, les Palestiniens commémorent la Journée de la Nakba le 15 mai, qui marque la grande catastrophe qui a eu lieu entre 1947 et 1949. Environ 800 000 Palestiniens ont été chassés de leurs terres par les forces israéliennes au lendemain de la proclamation de l’État (régime) d’Israël le 14 mai 1948. Cette page de l’histoire est à l’origine du conflit israélo-palestinien.

Selon l’historien et journaliste spécialiste du conflit israélo-palestinien, Dominique Vidal, la Nakba est le nom donné par les Palestiniens à la guerre qui a commencé avec le plan de partage le 29 novembre 1947 et qui s’est terminée à l’été 1949 avec les armistices israélo-arabes. La résolution 181 adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies prévoyait le partage de la Palestine en deux États : l’un juif, l’autre arabe, avec une zone internationale pour Jérusalem et les lieux saints. C’est à partir de là que la “guerre d’expulsion des Palestiniens” a commencé, et le plan Dalet de l’armée israélienne en mars 1948 a accéléré cette opération d’expulsion.

Chaque année, une “grande marche du retour” exige le droit au retour des réfugiés palestiniens entre le 30 mars et le 15 mai, jour de la Nakba. Bien que l’ONU commémore cette journée, le conflit israélo-palestinien persiste, et les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est continuent d’être un point de contention majeur.

Un document secret des services de renseignement de la Haganah a été découvert par l’historien israélien Benny Morris dans les archives de l’Etat d’Israël. Selon ce document, au 15 mai 1948, environ 400 000 Palestiniens ont déjà quitté leur terre. Les espions de la Haganah ont confirmé que 73% d’entre eux ont été poussés à partir à cause des actions des forces armées juives et des massacres qui ont eu lieu à cette période. Les 22% restants ont quitté par crainte de la dissolution de la société palestinienne et seulement 5% ont répondu à des appels de départ lancés par des responsables de milices palestiniennes. Ces informations démontrent que la “grande catastrophe” qui a frappé les Palestiniens n’était pas simplement une conséquence de la guerre, mais plutôt une expulsion systématique menée par les forces armées israéliennes.

Walid Khalidi, un historien palestinien, a critiqué dès 1961 dans son essai Plan Dalet: Master Plan for the Conquest of Palestine le “plan politico-militaire d’expulsion”. La stratégie adoptée par les autorités israéliennes était en réalité multiple et comprenait également une “guerre psychologique”. Selon Khalidi, l’une des tactiques utilisées était de propager des maladies parmi les Arabes. Le 18 février, Radio Haganah a annoncé que des cas de variole avaient été détectés à Jaffa après l’arrivée de Syriens et d’Irakiens. Le même jour, la radio a révélé que plusieurs des Arabes morts ou blessés au combat étaient atteints de “maladies contagieuses”.

Les Palestiniens ont également été effrayés par des massacres, tels que celui de Deir Yassin, commis par l’Irgoun et le Lehi dans la nuit du 9 au 10 avril 1948. Dans ce petit village de la région de Jérusalem, 250 femmes, enfants, personnes âgées et habitants ont été abattus. La conquête des terres arabes par Israël se poursuit, avec la prise de deux villes arabes avant la proclamation de l’Etat juif : Haïfa le 22 avril et Jaffa le 13 mai. Les Israéliens ont utilisé une stratégie d’incitation au départ, comme l’a reconnu le dirigeant de l’Irgoun, Menahem Begin, dans son livre The Revolt (1973) : “Les Arabes d’Eretz-Israël furent saisis de panique (…) et commencèrent à fuir en proie à la terreur (…). La légende de Deir Yassin nous a aidés notamment à conquérir Haïfa”. “En l’espace d’une semaine, 50 000 habitants arabes furent expulsés”, commente Walid Khalifa, à propos de la chute d’Haïfa aux mains des sionistes.

Effectivement, l’exode palestinien a pris de l’ampleur après la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948, qui a déclenché la première guerre israélo-arabe. L’utilisation de la force pour expulser les Palestiniens de leurs terres a été une stratégie délibérée mise en place par les forces israéliennes, qui ont encouragé les habitants à partir ou les ont chassés de force. Environ 300 000 Palestiniens ont été contraints de quitter leur terre natale lors de la guerre de 1948, ce qui a entraîné une crise humanitaire majeure. Le cas des villes jumelles de Lydda et Ramleh, où les forces israéliennes ont expulsé de force plus de 50 000 Palestiniens en juillet 1948, est l’un des exemples les plus dramatiques de cette stratégie d’expulsion.

Ces extraits des mémoires de Yitzhak Rabin mettent en lumière le rôle joué par les dirigeants israéliens dans l’expulsion de la population palestinienne en 1948. Ils suggèrent que cette expulsion n’était pas simplement une conséquence malheureuse de la guerre, mais plutôt une stratégie délibérée visant à “chasser” la population arabe de la région. La décision de Rabin et d’autres dirigeants de recourir à la force pour expulser les Palestiniens est également évoquée, mettant en évidence la brutalité de cette entreprise. Ces révélations ont suscité des débats et des controverses en Israël et dans le monde entier sur la manière dont l’histoire de la création d’Israël doit être racontée et comprise.

Les gens se sont éloignés et ont cru que l’on ne plaisantait pas. Mais maintenant, il faut que nous nous occupions de la manière de les faire revenir. (…) Si nous avons besoin de pardonner quelque chose, il faut le faire. Nous ne pouvons pas vivre avec un tel fardeau sur la conscience.” Toutefois, cette position minoritaire ne sera pas suivie et la plupart des Palestiniens seront empêchés de rentrer chez eux.

En effet, pendant des décennies, Israël a nié sa responsabilité dans l’exode palestinien de 1948, en faisant valoir que les Palestiniens avaient quitté leur pays de leur propre gré, sur ordre des dirigeants arabes ou pour d’autres raisons. Cependant, cette version des événements est fortement contestée par les historiens, qui soulignent le rôle actif joué par les forces israéliennes dans l’expulsion des Palestiniens. Au fil des ans, la version officielle israélienne a perdu en crédibilité, d’autant plus que de plus en plus de documents historiques ont été déclassifiés et rendus publics, démontrant le rôle central joué par Israël dans l’exode des Palestiniens en 1948. Aujourd’hui, il est largement reconnu que l’exode palestinien de 1948 a été une tragédie humaine majeure, qui a entraîné la création d’un vaste problème de réfugiés palestiniens, toujours non résolu à ce jour.

Effectivement, la thèse officielle israélienne justifie les massacres perpétrés dans des villes arabes en les attribuant aux troupes extrémistes affiliées à l’Irgoun de Menahem Begin et au Lehi d’Itzhak Shamir. Selon cette version de l’Histoire, les responsables de l’Agence juive et du gouvernement israélien n’auraient pas planifié ces événements violents et les considèrent comme des incidents isolés. Cependant, cette version est contestée par de nombreux historiens, qui considèrent que les massacres ont été perpétrés dans le cadre d’une stratégie délibérée visant à expulser les Palestiniens de leur terre.

En effet, les “nouveaux historiens” israéliens ont pu accéder aux archives et découvrir des documents qui contredisent la version officielle israélienne de l’Histoire. Ils ont ainsi mis en évidence le rôle délibéré de l’État d’Israël dans l’expulsion des Palestiniens et dans les massacres perpétrés dans certaines villes arabes. Ils ont également montré que les Arabes n’ont pas poussé les Palestiniens à quitter leur terre, mais qu’ils ont plutôt cherché à les protéger et à les aider à rester sur leur terre. Ces recherches ont permis de faire évoluer les débats sur le conflit israélo-palestinien et ont contribué à une meilleure compréhension de ses origines et de ses enjeux.

Effectivement, de nombreux Palestiniens considèrent la Nakba comme une période qui va au-delà de 1949 et qui continue à affecter leur vie aujourd’hui. Les conditions qui ont entraîné le déracinement de centaines de milliers de Palestiniens en 1947-1949 ont en effet persisté et se sont même aggravées depuis lors. Les Palestiniens continuent à subir une occupation militaire israélienne, des expulsions de terres, des démolitions de maisons, des discriminations et des violations des droits humains. Pour ces raisons, la Nakba est considérée par certains comme un événement historique qui continue d’avoir des conséquences graves et durables sur la vie des Palestiniens aujourd’hui.

Il déclare que la Nakba qui se poursuit est en réalité la confiscation des terres palestiniennes. L’UNRWA compte actuellement plus de cinq millions de réfugiés palestiniens. Selon Dominique Vidal, cette continuation de la Nakba est en fait “la clé de tout le problème israélo-palestinien” : “Imaginez un peuple dont plus de la moitié se trouve à l’étranger, hors de sa terre. Évidemment, cela pose un problème majeur qui est au cœur de ce conflit depuis 70 ans”. Jean-Paul Chagnollaud, de l’iReMMO, qualifie cette situation de “plaie ouverte” pour le peuple palestinien.

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