Discrimination raciale en France ; 91% des Noirs sont victimes de discrimination en France

Francoise Riviere
8 Min Read

Dans une enquête menée auprès de personnes noires et métisses vivant en France, neuf répondants sur dix, 91 %, ont déclaré être victimes de discrimination raciale dans leur vie quotidienne. Patrick Lozès, le président du CRAN (Conseil national représentatif des associations noires de France), l’association de défense des Noirs qui a commandé l’enquête, devait présenter les résultats aux législateurs à l’Assemblée nationale, quelques semaines après que le gouvernement a présenté son plan d’action pluriannuel contre le racisme. Le CRAN a publié une première version de cette enquête en 2007, qui a révélé que 56 % des Noirs déclaraient être victimes de discrimination raciale.
L’enquête 2023, réalisée par l’institut de sondage Ipsos, semble montrer que les choses ont empiré : 25 % des personnes interrogées déclarent être souvent victimes de discrimination raciale, 44 % de temps en temps et 22 % rarement ; seuls 9 % déclarent ne jamais être victimes de racisme. Ce que le Cran appelle le « racisme quotidien » est le plus souvent vécu dans la rue ou dans les transports en commun. Un tiers des répondants ont déclaré avoir été victimes de discrimination au travail, et 14 % à l’école ou à l’université. L’enquête montre également que les Noirs sont plus souvent arrêtés par la police que le reste de la population, un problème de profilage racial qui a fait l’objet de poursuites judiciaires et de critiques de la part des groupes de défense des droits. La moitié des personnes interrogées (49 %) ont déclaré avoir été interpellées par la police et se voir demander une pièce d’identité, alors que les statistiques officielles évaluent ce chiffre à 23 % de la population totale.
Cette étude récente menée par l’INSEE et le CRAN, dont les résultats seront présentés devant le Parlement français intervient quelques semaines après que le Premier ministre français, Elisabeth Borne, a dévoilé un vaste plan d’action quadriennal de lutte contre le racisme, qui prévoit notamment davantage de visites scolaires des lieux de mémoire liés au colonialisme et à la Shoah, ainsi que des peines plus sévères pour les personnes reconnues coupables de délits racistes ou antisémites. Certains groupes, tels que « Human Rights Watch », ont toutefois critiqué ce plan, estimant qu’il ne tient pas compte du racisme institutionnel et du profilage ethnique par la police.
Cette étude est la deuxième à avoir été publiée par le CRAN, la première qui avait été proposée il y a 16 ans, et selon le responsable du CRAN, Patrick Lozès, les résultats montrent que la discrimination est très répandue en France. Dans une interview, Lozès a commenté les résultats en déclarant que “aujourd’hui, il y a une libre circulation des discours racistes et une augmentation des idées extrémistes. Avec cette étude, nous avons voulu essayer de mesurer ces phénomènes. Et les résultats montrent qu’ils sont très répandus ».
L’étude a examiné la discrimination dans différents domaines de la vie. Elle a révélé que la plupart des incidents de racisme anti-Noir se produisent dans l’espace public. Près de la moitié (41 %) se sont produits dans la rue, environ un tiers sur le lieu de travail (31 %) et environ un cinquième (18 %) dans les gares, les aéroports ou aux postes frontières. 14 % des personnes interrogées ont également déclaré avoir été victimes de discrimination raciale à l’école ou à l’université. « Ce sont les endroits où les gens vivent leur vie quotidienne », a déclaré Lozès. Si l’on examine la nature des discriminations dont les Noirs et les métis vivant en France ont déclaré être victimes, plus de la moitié d’entre elles sont liées à des difficultés d’embauche ou de candidature à un emploi (53 %).
Plus d’une personne interrogée sur deux a également déclaré avoir subi des « injustices » pendant ses études, et près de six personnes sur dix ont affirmé que la discrimination impliquait souvent une « attitude dédaigneuse, méprisante ou irrespectueuse ». 35 % des personnes interrogées ont déclaré que la discrimination raciale avait pris la forme d’une violence physique, et près de la moitié (49 %) ont déclaré avoir été victimes de profilage racial de la part de la police (sous la forme de « contrôles d’identité »). Lors de la présentation de l’étude et de ses résultats au Parlement français, Cozès a déclaré qu’il espérait également faire pression pour la création d’un observatoire du racisme en France, qui aurait les moyens de publier plus régulièrement des données sur le phénomène. Le CRAN souhaite également débattre du sujet de la publication des statistiques ethniques, actuellement interdite en France.
En France, en 2021, quelque 12 500 infractions à « caractère raciste, xénophobe ou antireligieux » ont été officiellement enregistrées, selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur. Cela représente une augmentation de 13% des crimes et délits, et de 26% des amendes par rapport à 2019. Selon le ministère, seules 25% des victimes de menaces et de violences physiques racistes et 5% des victimes de violences verbales ont porté plainte entre 2013 et 2018. Globalement, on estime que plus de 1,2 million de personnes ont effectivement subi des actes d’injures ou de violences raciales chaque année durant cette période.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a qualifié la situation d’ « alarmante ». Si la société française semble de plus en plus tolérante, selon les données historiques de la CNCDH, « certains préjugés racistes, antisémites et xénophobes restent forts et, surtout, leur manifestation se renouvelle, se diversifie, voire s’intensifie ». Le meurtre violent de trois Kurdes en plein cœur de Paris le 23 décembre dernier, dont le mobile raciste a été prouvé, même si des interrogations subsistent sur la nature politique de l’acte, rappelle l’urgence de la question et l’attente de mesures fortes. Bien que la société française évolue vers plus d’égalité et de respect, certaines personnes, principalement des hommes blancs dans la cinquantaine, selon les données, sont de plus en plus sur la défensive face à cette nouvelle réalité et ont recours à la violence. Comme le racisme sévit sur les réseaux sociaux, alimenté par quelques politiciens, il gagne également du terrain dans la vraie vie.

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