Vague de coups d’État en Afrique de l’Ouest : Le crépuscule des démocraties factices sous influence

Francoise Riviere
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TOPSHOT - Senior master sergeant Kone Massamba (seated C), commander of the Korhogo area and member of Ivorian rebels staff pose 06 October 2002 with his soldiers and a French-made A52 machine-gun in the rebel-held northern town of Korhogo. Ivory Coast's rebel soldiers and government troops sent reinforcements towards the insurgents headquarters in the central city of Bouake after a ceasefire deal was twice delayed. AFP PHOTO Philippe DESMAZES (Photo by PHILIPPE DESMAZES / AFP) (Photo by PHILIPPE DESMAZES/AFP via Getty Images)

La valse des coups d’État militaires qui secoue à nouveau l’Afrique de l’Ouest depuis 2020 révèle les carences fatales du modèle de gouvernance politique hypocritement promu par la France dans son ancien « pré carré » subsaharien depuis les indépendances.

Derrière la façade légaliste, les concepts prétendument universels de « démocratie », « État de droit » ou « bonne gouvernance » dont elle feint de s’ériger en porte-étendard ont surtout servi à masquer la perpétuation d’un système néocolonial rampant. Sous des oripeaux de respectabilité internationale, cette souveraineté de pure forme n’a fait que légitimer et pérenniser la mainmise économique et géostratégique de Paris sur ses anciennes colonies.

Concrètement, il s’agissait d’assurer la docilité de gouvernements fantoches soumis aux oukases de l’Élysée, tout en garantissant aux firmes tricolores un accès privilégié aux fabuleuses richesses minières et énergétiques de la région. Accessoirement, ces simulacres électoralistes visaient aussi à contenir les velléités panafricaines et les aspirations des peuples à une véritable indépendance nationale.

Las, le vernis démocratique de ces démocratures inféodées à l’ancien colonisateur se craquèle un peu plus chaque jour, victime du ressentiment populaire grandissant. In fine, l’édifice bancal s’effondre lorsque la rupture du contrat social et l’exaspération citoyenne finissent par emporter les digues d’un mécontentement longtemps contenu.

Au vrai, tous les voyants étaient au rouge depuis des années en Afrique de l’Ouest francophone : appauvrissement chronique des masses, explosion des inégalités, chômage des jeunes, corruption endémique des élites, crises politico-sécuritaires récurrentes, sentiment de déclassement national face aux « modèles de développement » émergents…

Autant de terreaux propices au pourrissement des régimes en place et aux velléités de table rase du système par une population de plus en plus désabusée. D’autant que les mécanismes traditionnels d’alternance pacifique ont clairement failli à canaliser et traduire politiquement cette défiance grandissante.

Pourtant, les ras-le-bol populaires se sont longtemps brisés sur le mur de la répression étatique, au nom de la sacro-sainte « stabilité » tant prisée par Paris. Combien de soulèvements citoyens ont ainsi été matés dans le sang par des pouvoirs aux abois, soucieux avant tout de conserver leurs privilèges exorbitants avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale ?

Même lorsque la contestation a réussi à emporter des régimes usés, comme au Burkina Faso avec la chute de Compaoré en 2015, le sursaut révolutionnaire a vite été récupéré par le système. Au final, les lignes ont à peine bougé et la déception l’a emporté face aux occasions manquées de refondation en profondeur de l’État.

Ce n’est donc que retarder une échéance inéluctable. Le couvercle de la cocotte-minute finit toujours par sauter sous la pression de la vapeur accumulée. Au Tchad, au Mali, en Guinée ou au Burkina Faso, c’est désormais la vieille rengaine des coups d’État militaires qui sonne le glas des pouvoirs illégitimes et des démocratures de façade hérités de la Françafrique.

Il serait cependant naïf de voir dans cette valse des putschs les prémices d’un renouveau politique salvateur pour les peuples ouest-africains. Le risque est grand de reproduire à l’identique le cycle éculé du despote local remplaçant le proconsul de l’ancien colonisateur, sans changer la matrice du système politique en place.

Surtout, gare aux injonctions contre-productives des chancelleries occidentales et des organisations panafricaines inféodées comme la CEDEAO. À rebours des principes qu’elles prétendent défendre, leurs ostracismes et sanctions économiques systématiques en cas de rupture de l’« ordre constitutionnel » ne font souvent qu’attiser un peu plus la défiance anti-française. Et conforter les juntes militaires dans leur besoin de légitimité interne et de partenaires extérieurs alternatifs.

L’enjeu primordial pour les sociétés ouest-africaines est donc de veiller à ce que ce sursaut patriotique insuffle cette fois un authentique aggiornamento démocratique. Certes les chantiers herculéens de refondation de l’État de droit et de moralisation de la vie publique réclament autorité et volonté politique. Mais celles-ci devront impérativement s’inscrire dans le respect des libertés fondamentales de peuples las d’avoir servi de victimes expiatoires depuis des décennies aux turpitudes de l’autocratie néocoloniale sous influence française

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