Les tendances écologiques et radicales de « Sandrine Rousseau » ont gagné le soutien des militants de gauche. Elle a été attaquée par l’extrême droite comme dangereuse pour la nation française. Mais Mme Rousseau, figure de proue du mouvement #MeToo contre les violences sexuelles et autoproclamée « écoféministe », a choqué la classe politique en atteignant le dernier tour de la course au primaire des Verts pour choisir un candidat à la présidence. Maintenant qu’elle a une chance de se présenter à la présidence, Mme Rousseau avertit que la France risque de sombrer dans la haine et le racisme si l’égalité et l’environnement ne sont pas prioritaires dans la présidentielle d’avril.
« Je pense que nous sommes à un carrefour de civilisations », a déclaré Mme Rousseau. Elle a déclaré que soit la France se dirigeait du côté de l’idéologue d’extrême droite et expert de la télévision Eric Zemmour, qui prépare une éventuelle candidature présidentielle basée sur l’anti-immigration, et de la leader d’extrême droite Marine Le Pen, « ce qui signifierait se refermer sur nous-mêmes avec une politique machiste, raciste et anti-environnementale », soit, « nous pourrions avoir une vision politique de respect, d’inclusion et d’écologie, c’est ce que j’apporte », a-t-elle dit.
Rousseau : « On prend, on utilise, on jette le corps des femmes quand on les viole et quand on les agresse. »
Arrivée au deuxième avec 25,14% des voix derrière Yannick Jadot lors de la primaire présidentielle écologiste, Sandrine Rousseau conjugue à la fois écologie et féminisme. Pour gagner au second tour, elle revendique sa « radicalité ». Pourtant, le nom de Sandrine Rousseau est peu connu du grand public. Pour se distinguer de ses concurrents médiatiques de la primaire écologiste, la candidate prône depuis le début de la campagne une écologie sans concession.
Cheveux courts et grisonnants, lunettes à monture fine, costumes sombres et stricts, la vice-présidente de l’université de Lille, économiste de profession, incarne la radicalité dans son style comme dans ses idées. Revenu d’insertion pour les chômeurs dès 18 ans, augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu, interdiction des pesticides, la Lilloise ne plaide pas pour les demi-mesures. Contrairement à Yannick Jadot qui milite pour une écologie de gouvernement, Sandrine Rousseau endosse les idées chères à la France insoumise en répétant à l’envi qu’il faut faire payer les riches.
Combative et stratège, l’outsider du scrutin se présente également comme une « écoféministe ». Celle que personne n’a vu venir a gagné son ticket pour le second tour du primaire, le 19 septembre. “Sandrine Rousseau a su tirer profit de sa carrière en incarnant le féminisme, car elle a compris qu’il ne s’agissait plus seulement d’un positionnement politique, mais d’un véritable tournant majeur de notre société”.
Selon Rousseau, “le principe de l’écoféminisme est de dénoncer ce qui est au cœur de notre système économique et social, à savoir la prédation”. “On prend, on utilise, on jette le corps des femmes quand on les viole et quand on les agresse. On prend, on utilise, on jette la nature quand on prélève des ressources et salit les océans avec du plastique. On prend, on utilise, on jette aussi les corps des plus précaires de la société.”
« je veux être présidente de la République » !
Née en France dans les années 1970 avec la publication du livre « Le Féminisme ou la Mort » de Françoise d’Eaubonne, l’écoféminisme lie alors le contrôle des naissances à la survie de la planète. “Le premier rapport de l’écologie avec la libération des femmes est la reprise de la démographie par celles-ci, qui définit la réappropriation du corps”, écrit-elle, établissant ainsi un parallèle entre crise écologique et patriarcat. Cependant, c’est en dehors de la France que l’écoféminisme se développe, notamment dans les pays anglo-saxons à travers la lutte antinucléaire, mais aussi avec les mouvements de protestation contre la déforestation. L’idée derrière tout cela est en effet la dénonciation d’un système d’oppression patriarcal. On se rend compte qu’il agit tout le temps de la même manière, sur la planète et sur les femmes, avec la surexploitation des ressources naturelles, l’exploitation du corps des femmes et du travail des femmes.
La politique ne lui a pas manqué ? Il faut le croire. Car le 5 septembre 2020, Sandrine Rousseau annonce sa ré-adhésion à EELV et se déclare candidate au primaire du 26 octobre. Elle justifie son retour par la nomination de Gérald Darmanin comme ministre de l’Intérieur, en juillet 2020, alors qu’il est accusé de viol. A peine revenu sur le devant de la scène politique, les attaques reprennent. Sous couvert d’anonymat, un cadre d’EELV a commenté son retour à l’AFP : « Elle fait des pieds et des mains pour être tête de liste, la stratégie est contestée au niveau local, ça se passe mal, on doit tous contribuer à rembourser, elle disparaît de la vie politique et plusieurs années plus tard elle revient pour dire « je veux être présidente de la République ».
Une relation compliquée avec les écologistes
La relation qu’elle entretient avec EELV est une histoire compliquée. Elle était numéro deux en 2016, avant de claquer la porte un an plus tard. Cette enseignante-chercheuse en économie à l’université de Lille est alors devenue un symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes en accusant d’agression sexuelle, avec trois autres plaignantes, Denis Baupin, ancien chef du parti écologiste.
Les faits sont prescrits, mais Denis Baupin démissionne de la vice-présidence de l’Assemblée nationale. Sandrine Rousseau quitte EELV, « Un genou à terre » : « Le parti me soutenait, mais il y avait des tensions. On m’a fait comprendre que j’étais devenue “ingérable”. Quelques semaines après l’affaire, lors d’un congrès, j’ai été ovationnée mais, dans le même temps, tous les postes souverains d’EELV ont été confiés à des hommes. »
Elle se retire de la politique pendant quelques années, écrit un livre, Parler (Flammarion, 2017), fonde une association du même nom, qui soutient la parole des victimes de violences sexuelles et sexistes. La nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, malgré une plainte pour viol à son encontre, a tout précipité : « Insupportable. La ligne rouge a été franchie. » Elle revient chez les écologistes avec une ambition présidentielle.
En se qualifiant pour le second tour du primaire des écologistes, Sandrine Rousseau fait beaucoup mieux qu’en 2015, lorsqu’elle menait la liste écologiste aux régionales dans les Hauts-de-France et ne gagnait que 4,15 % des voix. En 2016, elle a brigué, en vain, la présidence du parti. Depuis, le phénomène de libération de la parole # MeToo a bouleversé les consciences.
Héroïne du mouvement #MeToo en France
Le statut de Rousseau en tant qu’héroïne du mouvement #MeToo en France lui a valu le soutien des féministes, des défenseurs des droits et des personnalités culturelles, dont la réalisatrice Céline Sciamma. Elle affirme pouvoir regagner le vote désabusé des jeunes, 87 % des 18-25 ans ne se sont pas rendus aux urnes lors des élections régionales de cette année. Mme Rousseau a déclaré qu’une des principales raisons de son retour en politique l’année dernière était son indignation lorsque le président Emmanuel Macron – qui était en poste pendant le mouvement #MeToo et avait promis d’améliorer les droits des femmes, a nommé Gérald Darmanin comme ministre de l’intérieur chargé de la police, alors que les juges continuaient d’enquêter sur une accusation de viol à son encontre.
Elle a déclaré : “La seule explication est qu’Emmanuel Macron, et pas seulement lui mais toute la classe politique en général, n’avait pas saisi ce qui s’était passé dans #MeToo, ils n’avaient pas compris la colère”. Darmanin a critiqué publiquement Rousseau et nié tout acte répréhensible. Ses avocats ont déclaré que « trois décisions de justice consécutives » avaient “reconnu l’absence d’infraction” et qu’ils attendaient désormais la décision finale du juge d’instruction après la clôture de l’enquête la semaine dernière.
Malgré la promesse faite par M. Macron en 2017 de « rendre sa grandeur à notre planète », un clin d’œil aux dénégations de l’ancien président américain Donald Trump sur la crise climatique, le Haut Conseil pour le climat de la France a averti à plusieurs reprises que le gouvernement ne tenait pas ses promesses de réduction des émissions. Les manifestations antigouvernementales des Gilets jaunes, qui durent depuis un an, ont commencé par une crise de la politique climatique, à la suite de l’adoption d’une taxe sur le carbone visant à inciter les automobilistes à modifier leur comportement.
Ecrit par Enzo LeGrand