Dans la foulée de la spectaculaire opération militaire iranienne contre Israël qui a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche 13 avril et en réponse à l’agression contre l’ambassade iranienne à Damas, les 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont tenu une réunion extraordinaire en visioconférence mardi 16 avril pour discuter de leur « réponse collective » et faute de capacité d’en découdre militairement avec l’Iran, lui imposer de nouvelles sanctions économiques.
Une déclaration commune publiée au nom des États membres de l’Union européenne par le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, réitère « l’engagement de l’Union européenne en faveur de la sécurité d’Israël », avant d’appeler « toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue »- entendons l’Iran à avaler les couleuvres quitte à laisser le régime génocidaire d’Israël à poursuivre ses massacres et ses graves entorses au droit international.
Mais sanctionner l’Iran de 2024 est-il commode? Les 27 se retrouvent sur un fil entre le renforcement du soutien à Israël et l’appel au gouvernement israélien à agir dans les limites du droit international et ce, face à un Iran et un axe de la Résistance en nette position de force.
Les gouvernements européens ont condamné l’opération de représailles iraniennes contre Israël, alors qu’ils avaient rejeté une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies présentée par la Russie et condamnant l’agression israélienne contre les bâtiments diplomatiques de l’Iran à Damas et partant contre la charte de l’ONU.
L’UE envisage de nouvelles sanctions contre l’Iran sous prétexte d’éviter une « guerre plus large »
Les capitales de l’UE discutent de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran tout en utilisant tous les canaux de pression diplomatique dont elles disposent avec Téhéran sachant toutefois que les sanctions économiques anti Iran n’ont plus aucun sens dans la mesure où deux des principales voies de transit maritime au monde à savoir le détroit d’Hormuz et Bab el-Mandeb se trouvent sous le contrôle total de l’Iran et de ses alliés et que de ce fait, le sort commercial et énergétique de l’UE pourrait basculer à tout moment si l’Iran décidait de rendre la pièce de leur monnaie. En ce sens, la feuille de route sortie de la réunion vidéo d’urgence des dirigeants du G7 a montré bien ses limites : les capitales européennes se sont mises d’accord sur trois domaines prioritaires à savoir « condamner verbalement l’Iran et exprimer sa solidarité avec Israël, élaborer des plans de sanctions potentielles et utiliser l’influence dont ils disposent encore sur Téhéran pour plaider en faveur d’un apaisement des tensions ».
Les responsables de l’UE se sont démenés et ont eu « d’énormes contacts » avec leurs homologues iraniens ces derniers jours, selon des sources proches du dossier, dans le but, disent-ils, de prévenir un embrasement sans pour autant oser traiter le mal à ses racines et mettre une camisole de force à l’entité criminelle.
Lors de leur réunion d’urgence, les ministres des Affaires étrangères de l’UE n’ont donc cessé de marcher sur les œufs en évaluant les possibilités de sanctions. Certains dirigeants du G7 ont proposé de blacklister les forces de défense du Corps des Gardiens de la Révolution islamique une proposition sur laquelle l’UE a longtemps réfléchi mais n’a jamais réussi à trouver un consensus par crainte que l’Iran n’en fasse autant.
Aussi et faute de mieux, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré que des sanctions contre les « programmes de drones et de missiles » iraniens étaient envisagées, une mesure sans aucune originalité puisque les drones iraniens qui ont pulvérisé la nuit du 13 avril plusieurs bases aérienne d’Israël dont Novatim sont depuis leur participation dans la guerre russe conte l’OTAN en Ukraine soumis aux strictes sanctions sans que cela n’affecte en rien leur pertinence et operabilité.
Malgré son soutien à Israël, l’Occident appelle à la désescalade avec l’Iran
Mais pourquoi les chancelleries européennes négocient-elles de l’imposition des sanctions contre l’Iran et appellent curieusement à la plus grande retenue après avoir militaire aidé le régime israélien à tenter de contrer l’opération de représailles iraniennes ?
Les Etats-Unis, la Grande Bretagne sont intervenus pour empêcher les drones et missiles iraniens d’atteindre l’entité sioniste et ont conjugué leur force aérienne et les pièces les plus sophistiquées de leur arsenal de DCA en Irak, en Syrie et en Jordanie mais elles ont lamentablement échoué. Plus de 70 pc des missiles tactiques iraniens ont pénétré la défense multicouche d’Israël et ont atteint avec succès leurs cibles malgré les dizaines des bombardiers britanniques qui participaient aux côtés des bombardiers américains pour intercepter les drones iraniens dans l’espace aérien jordanien. Des responsables israéliens ont aussi évoqué une participation française.
Mais heureusement qu’en politique le ridicule ne tue pas : ayant activement pris part à la protection de l’entité sioniste, Londres ose encore marteler par voix de son PM ce message sur la plateforme X juste après une réunion du G7 le 14 avril : «nous continuerons à œuvrer pour mettre fin à la crise à Gaza et éviter une nouvelle escalade régionale» !
Même outrecuidance du côté de Berlin. Le chancelier pro-sioniste allemand Olaf Scholz a indiqué : «l’Allemagne fera tout pour éviter une nouvelle escalade au Moyen-Orient».
Du côté français, c’est le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné qui s’est payé le luxe de jouer au donquichotte et de hausser le ton contre Téhéran non pas dans le sens des intérêts français mais pour plaire aux lobbies sionistes : «C’est les Iraniens qui ont attaqué Israël. Ça fait maintenant depuis 1979 que l’Iran a mis au cœur de sa diplomatie la haine contre Israël» a dit l’intéressé dans une claire tentative visant à inverser la place de la victime et du bourreau.
Sanctions : le paradoxe de la démarche européenne
Juste un jour après que le ministre français des Affaires étrangères a reçu des éloges pour avoir déclaré que des sanctions contre Israël pourraient être imposées en raison de son refus d’autoriser l’aide humanitaire à Gaza, il a rapidement fait marche arrière lors d’une séance du Parlement.
De nombreux observateurs estiment que ce revirement révèle l’influence particulièrement forte du sionisme en France. A rappeler que la France compte la communauté juive la plus « sionisée » et la plus anti-palestinienne d’Europe. Et cette communauté exerce beaucoup de contrôle sur les médias et la classe politique.
En 2019, l’Assemblée nationale française a assimilé de manière controversée l’antisionisme à l’antisémitisme et elle examine actuellement une proposition visant à criminaliser pleinement l’antisionisme, ce qui signifie que toute critique du sionisme pourrait être un acte criminel. Ainsi, partout en Occident et tout particulièrement en France, la principale menace à la liberté d’expression est le mouvement sioniste et pro-israélien.
La France avait déclaré le 9 avril qu’elle pourrait envisager d’imposer des sanctions pour pousser Israël à autoriser l’entrée de davantage d’aide humanitaire à Gaza.
Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a affirmé que la France était l’un des premiers pays à proposer des sanctions européennes contre les colons juifs illégaux de Cisjordanie impliqués dans des actions violentes contre les Palestiniens mais il a fini par faire marche arrière.
Israël est accusé de génocide par la Cour internationale de Justice (CIJ), qui a rendu en janvier un arrêt provisoire ordonnant à Tel-Aviv de mettre fin aux actes de génocide et de prendre des mesures pour garantir qu’une aide humanitaire soit fournie aux civils à Gaza.
Ainsi, la France étant incapable de critiquer ouvertement la politique d’Israël, nombreux sont ceux qui pensent qu’il serait peu probable que Paris réduise son soutien inconditionnel à Tel-Aviv, quelle que soit l’ampleur des crimes de guerre commis par l’entité israélienne.
Par contre, dans le cas de l’Iran, la réponse légitime de l’Iran à l’agression d’une entité criminelle fournirait aux pays européens un bon prétexte pour décider de durcir les sanctions contre Téhéran.
Durcissement des sanctions : l’erreur stratégique de l’Europe contre l’Iran
Pourtant, l’expérience des sanctions montre qu’elles n’ont jamais pu arrêter les nations dans leur marche en avant. Elles ont au contraire discrédité les politiques occidentales en matière de respect des nations et de la démocratie.
Les sanctions visent principalement à forcer les gouvernements et les nations à changer de politiques et de position et suivent objectifs : premièrement, affaiblir un pays jusqu’à le conduire vers un effondrement total, deuxièmement, préparer le terrain au lancement d’une intervention militaire et changer ses mécanismes. Dans les deux cas, les sanctions ont échoué de façon spectaculaire concernant l’Iran.
Non seulement, les sanctions européennes contre l’Iran n’ont pas changé la politique régionale de l’Iran, mais encore, elles ont révélé au grand jour la mauvaise foi des Européens dans le contexte des évolutions actuelles.
Autrement dit, les sanctions tous azimuts imposées à l’Iran l’ont redoutablement renforcé sur le plan militaire mais aussi politique en créant un sentiment de sympathie envers la nation iranienne et suscité un scepticisme accru à l’égard de l’Occident, ce qui sera certes considéré comme une erreur stratégique pour l’Europe. Cette approche à géométrie variable du bloc des 27 est due en grande partie à l’influence des lobbys pro-israéliens dans de nombreux pays de l’Union européenne.