Rien n’est encore prévisible, ce qui se passe dans les deux semaines est décisif pour la France et pour l’Europe. Emmanuel Macron devance Marine Le Pen après le premier tour de l’élection présidentielle française mais tout, comme toujours, se jouera au second tour le 24 avril.
« Vous pouvez compter sur moi », a déclaré le président sous les acclamations de ses militants à la Porte de Versailles à Paris, appelant ses compatriotes de toutes couleurs politiques à barrer la route à l’extrême droite. Macron a remporté le premier tour, 4% de plus que lors de son élection en 2017, et a repoussé Mme. Le Pen. Mais tout peut être remis en cause dans deux semaines et si le leader sortant, à 28,4% contre les 23,4% de son challenger, peut compter sur le soutien d’une grande partie de la droite et de la gauche, les calculs des analystes disent qu’au moins 7% de voix supplémentaires convergeront vers Marine Le Pen par rapport à celles qu’elle a recueillies lors de la présidentielle 2017 : celles d’Éric Zemmour, qui a exhorté ses partisans à voter pour elle.
Le reste de la scène électorale française anormale, dominée d’abord par le Covid et ensuite par la guerre en Ukraine, a vu l’évaporation définitive de la droite néo-gaulliste et de la gauche modérée, menée par un parti socialiste dont la candidate, Anne Hidalgo, est mélancoliquement à 2%. En revanche, il faut souligner le triomphe populaire de Jean-Luc Mélenchon, le tribun de la gauche radicale, qui, pour la première fois, dépasse les 20% et arrive en troisième position. Et, surtout, il a répondu aux craintes de ceux qui estimaient possible que quelques-uns de ses partisans votent pour Le Pen dans une fonction anti-Macron : « Pas une voix à Marine Le Pen ! » a-t-il crié quatre fois depuis la scène, enthousiasmant ses partisans.
Zemmour a payé le prix de ses déclarations pro-russes
L’ambiance est différente chez le polémiste d’extrême droite Éric Zemmour, qui est passé en quelques semaines de 16% (il était au coude à coude avec Le Pen au départ) à 7% dans les sondages. Il a payé le prix de ses déclarations pro-russes, mais il a surtout perdu le pari de supplanter la présidente du Rassemblement national comme leader de l’extrême droite. Le Pen a recueilli trois fois plus de voix que lui, malgré la fuite infructueuse de certains de ses partisans, dont sa nièce Marion Maréchal, pour rejoindre le parti Reconquête, le mouvement créé par Zemmour.
Le soir 10 avril, il est apparu confiant en lançant un appel aux Français « de toutes sensibilités », « à tous ceux qui n’ont pas voté pour Macron » pour « rejoindre ce grand Rassemblement national et populaire ». Les autres résultats décrivent principalement des défaites retentissantes, comme celle de Valérie Pécresse, première femme à se présenter à l’Élysée pour les Républicains néo-gaullistes, qui a sombré de 16-17% initialement à 5% ce soir. Son prédécesseur dans la course à l’Élysée, François Fillon, pourtant handicapé par le scandale des assistants parlementaires, avait remporté 20 % des voix il y a cinq ans. Plus attendu, car souligné dans les sondages depuis des semaines, les 2% d’Anne Hidalgo, maire socialiste de Paris, qui ces derniers jours avait déjà anticipé sa défaite en proclamant la nécessité d’une refondation du PS.
Le grand rassemblement de Macron en plein air la semaine prochaine à Marseille
Les écologistes ont également fait un mauvais score, avec Yannick Jadot sous le seuil des 5%, en pleine urgence climatique qui a été le sujet le plus ignoré de la campagne électorale. A gauche, plus que jamais, il ne reste que Mélenchon, qui a lancé son leadership sur la gauche, se proposant comme le porte-parole d’un nouveau camp populaire.
Du côté de Macron, on attend avec impatience le défi télévisuel en direct qui devrait être confirmé dans une semaine. Il y a cinq ans, ce débat l’avait vu sortir vainqueur incontesté, Marine Le Pen apparaissant désarmée d’arguments devant la France entière. L’élection s’est terminée par 66-34, mais les situations ont changé. Et même si Valérie Pécresse a déclaré qu’elle voterait pour lui, l’immense réservoir néo-gaulliste a subi une fuite de 15% des voix, dont certaines risquent de se retrouver chez Le Pen. La bataille est encore longue, le croque-mitaine Le Pen est encore loin d’être vaincu.
Emmanuel Macron prévoit d’organiser un grand rassemblement en plein air la semaine prochaine à Marseille, le grand port du sud de la France sur la Méditerranée. Le président-candidat, arrivé hier en tête avec 27,85% des voix au premier tour de l’Élysée devant Marine Le Pen (23,15%), entend multiplier les déplacements et les apparitions médiatiques avant le scrutin du 24 avril. Le 20 avril, les deux candidats s’affronteront à la télévision pour la traditionnelle confrontation avant le vote.
Selon Macron, « Rien n’est joué et le prochain débat est décisif pour le pays et l’Europe »
Bien que Macron ait reçu plus de voix que n’importe quel autre candidat au premier tour, il est un personnage polarisé dont la cote de popularité a baissé au cours de son premier mandat. Dans un discours prononcé après la fermeture des bureaux de vote dimanche, il a exhorté les citoyens à voter au second tour. « Rien n’est joué et le débat que nous aurons dans les 15 jours à venir est décisif pour notre pays et notre Europe », a-t-il déclaré. « Je ne veux pas d’une France qui, ayant quitté l’Europe, aurait pour seuls alliés les populistes et les xénophobes internationaux. Ce n’est pas nous. Je veux une France fidèle à l’humanisme, à l’esprit des Lumières », a-t-il dit.
Macron cherche à devenir le premier président français à être réélu depuis Jacques Chirac en 2002. Les sondages lui ont donné un avantage constant sur le reste du terrain, mais la course s’est considérablement resserrée au cours du dernier mois.
Le choix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon pour le second tour pourrait décider de la présidence.
Le soutien de Le Pen n’a cessé de croître ces dernières semaines. Bien qu’elle soit surtout connue pour ses politiques d’extrême-droite, telles que la restriction massive de l’immigration et l’interdiction du foulard musulman dans les lieux publics, elle a mené une campagne plus traditionnelle cette fois-ci, en adoucissant son langage et en se concentrant davantage sur les questions financières telles que l’augmentation du coût de la vie, une préoccupation majeure de l’électorat français. Dans son discours de dimanche, Le Pen a promis d’être une présidente pour « tous les Français » si elle remporte le second tour, et a appelé ceux qui n’ont pas voté pour Macron à la soutenir au second tour. La figure de proue de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, est arrivé en troisième position, avec 22 % des voix au premier tour. Il a bénéficié d’une poussée tardive de soutien et était considéré comme un possible candidat fantôme pour défier Macron. Selon les experts, le choix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon pour le second tour pourrait décider de la présidence. Mélenchon a déclaré à ses partisans que « nous ne devons pas donner une seule voix à Le Pen », mais n’a pas explicitement soutenu Macron.