Pourquoi faire attention aux politiques de l’énergie au milieu de la campagne présidentielle ?

Remy Legaros
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Des gestes simples, comme baisser légèrement le chauffage, pourraient aider à faire face à la hausse sans précédent des prix de l'énergie, a souligné le ministre de l'économie, Bruno Le Maire.

Un degré de moins sur le thermostat à la maison, une grosse économie dans la poche de chacun. Les autorités gouvernementales françaises et les hauts responsables de l’énergie se sont mis d’accord pour lancer un message d’appel à la solidarité des citoyens face à la hausse sans précédent des prix de l’énergie que la guerre en Ukraine va provoquer. Car si les Français sont protégés cette année par un « bouclier tarifaire » qui a empêché le doublement de leur facture d’électricité et si la crise se poursuit l’hiver prochain, il pourrait y avoir une pénurie de gaz. Des gestes simples, comme baisser légèrement le chauffage, pourraient aider, a souligné le ministre de l’économie, Bruno Le Maire.

Une mesure déjà évoquée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui l’a incluse la semaine dernière dans ses 10 propositions pour réduire rapidement la dépendance de l’Europe au gaz russe, ce qui représente 45% de ses importations et 40% de sa consommation totale. Selon l’organisation internationale, l’abaissement des températures représenterait une réduction de près de 10 milliards de mètres cubes par degré d’abaissement du thermostat de chauffage.

« Il va falloir accélérer notre indépendance vis-à-vis des énergies fossiles »

Le responsable du géant de l’énergie Engie a souligné que la pénurie de gaz n’est pas immédiate, étant donné que l’Europe sort maintenant de l’hiver, mais qu’il s’agit d’un scénario extrême pour la saison à venir, les réserves de gaz se reconstituant au printemps et en été. Cependant, il convient de réfléchir à des mesures qui pourraient limiter la demande à part l’abaissement des radiateurs, tandis que les géants de l’énergie travaillent sur l’offre pour essayer de diversifier les sources d’approvisionnement. Dans ce sens, les responsables de l’énergie ont insisté sur le fait que « nous devons accélérer le biométhane et les énergies renouvelables », des sources d’énergie qu’ils espèrent que la société regardera d’une manière différente. « Il va falloir accélérer notre indépendance vis-à-vis des énergies fossiles (…) s’il y a une chose positive c’est de bâtir notre indépendance totale en matière énergétique », a également déclaré M. Le Maire.

Deux défis majeurs sont l’indépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe et l’augmentation soudaine et massive des coûts de l’énergie. Une politique d’indépendance énergétique et de promotion des énergies renouvelables est cruciale. Bien qu’Emmanuel Macron ait récemment présenté la stratégie énergétique de la France, cette stratégie ne sert qu’au moyen et au long terme. Construire 6 ou 12 réacteurs pressurisés européens entre 2035 et 2045 est une stratégie plusieurs fois critiquée mais qui s’inscrit dans le cadre des scénarios envisagés, tant par Réseau de transport d’électricité (RTE) que par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Quels changements sont nécessaires pour faire face à ces inquiétudes ?

C’est ce que proposent les responsables européens en présentant une nouvelle orientation vers une plus grande utilisation des énergies renouvelables. De manière plus limitée, une accélération de l’utilisation du biogaz a également été proposée. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour savoir quelle sera la situation à l’automne prochain en France, mais la nécessité d’assurer l’indépendance vis-à-vis du gaz russe, ainsi que de répondre à la hausse massive des coûts de l’énergie, demeurera.

Pourquoi ce changement a-t-il été effectué ? Peut-être trois raisons principales pourraient être citées. Le premier concerne le caractère hautement social des prix de l’énergie. Fin 2021, les prix du gaz et de l’électricité ont fortement augmenté, ce qui a un effet tangible sur les ménages, et par conséquent sur les électeurs, et sur l’industrie. Deuxièmement, la crise énergétique est étroitement liée à des facteurs géopolitiques qui poussent les pays européens à réexaminer leur autonomie énergétique, cinq décennies après le premier choc pétrolier.

Enfin, la troisième raison est la plus cruciale : il n’y aura pas de changement environnemental sans changement énergétique. La décarbonisation de l’énergie est au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique. Préserver le pouvoir d’achat des citoyens, garantir l’indépendance énergétique de la France et faire face à la question climatique sont autant d’enjeux présidentiels dans lesquels les politiques énergétiques ont un effet essentiel. Quels changements sont nécessaires pour faire face à ces inquiétudes ? Dans un souci de clarté et d’éducation, nous considérerons les trois fondamentaux de l’économie : l’offre, la demande et le prix.

Il faut investir dans l’efficacité des centrales nucléaires actuelles

Dans ces conditions, il n’est pas question de construire de nouveaux réacteurs nucléaires ; il s’agit avant tout d’investir dans l’efficacité des centrales nucléaires actuelles pour qu’elles puissent fonctionner. La seule chose urgente, c’est que si un tiers des centrales nucléaires sont fermées, l’approvisionnement en électricité sera extrêmement faible. En plus de l’énergie nucléaire, il y a deux politiques immédiates qui doivent être poursuivies. La première, sur le modèle de ce qui a été adopté en 1973 et de ce que le Japon a mis en place après Fukushima, est une politique de sobriété énergétique à grande échelle.

Il ne s’agit pas de proposer de faire attention à la consommation d’énergie, comme l’a fait récemment Bruno Le Maire, mais de la diminuer par des dispositions réglementaires spécifiques : éviter de l’éclairage nocturne des fenêtres et l’éclairage tout au long de la journée, réduction du chauffage à 19° voire 18°. … Quelques mesures installées au Japon pourraient également être envisagées. Les exemples incluent la réduction de moitié de l’utilisation des ascenseurs et des escaliers, l’élimination de l’éclairage diurne et même la réorganisation de la production des industries à forte consommation d’électricité. De telles mesures sont impopulaires lors de période de la présidentielle, mais amener le pays à l’arrêt serait encore moins populaire.

Il faut lever tous les obstacles qui ont été mis en place pour tenter de réduire leur expansion

La deuxième politique est un ensemble extraordinaire d’initiatives pour encourager les énergies renouvelables. Tous les obstacles qui ont été systématiquement mis en place pour tenter de réduire leur expansion doivent être immédiatement levés ; les consommations collectives, soumises à des règles de périmètre très limité (2km), doivent être normalisées pour permettre aux collectivités d’acquérir une autonomie énergétique ; le décret sur les communautés locales de l’énergie, toujours bloqué au ministère, doit être prioritaire pour mettre en place ces outils extrêmement efficaces. Un système de tiers payant, à l’instar de ce qui a été fait en Allemagne avec la banque des territoires, pourrait être mis en place par la Caisse des Dépôts pour soutenir financièrement de telles installations. Ainsi, nous répondrions non seulement à un besoin énergétique urgent mais aussi à une urgence environnementale et à la nécessité de réorganiser nos territoires et de devenir autosuffisants.

Lors du débat présidentiel télévisé de 2007, aucun des deux candidats au second tour n’a pu dire quelle part de la production française d’électricité provenait du nucléaire. Quinze ans plus tard, aucun candidat n’ignore ce fait.

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