Montée de l’extrême droite en France : dynamique nouvelle ou alternative inquiétante?

Francoise Riviere
11 Min Read

Introduction

En France, l’extrême droite, incarnée par Jordan Bardella, semble avoir le vent en poupe. Tous les sondages réalisés ces derniers temps annoncent une performance historique de l’extrême droite aux prochaines élections européennes.

Ces sondages installent une étrange atmosphère en France. Comme si le pays s’apprête inévitablement à confier son destin pour la première fois à l’extrême droite, faisant du Rassemblement National non seulement un parti dominant, mais la seule force capable de porter une dynamique nouvelle.

Reste à savoir si la progression de l’extrême droite dans les urnes et dans les sondages est-elle la conséquence d’une adhésion grandissante à ses idées fondamentalement xénophobes et autoritaires.

Parallèlement, l’extrême droite gagne du terrain en Europe. Déjà à la tête des gouvernements italiens et hongrois, plus récemment c’est au Portugal et aux Pays-Bas que l’extrême droite a battu des records. A moins de deux mois des élections européennes, qui se dérouleront entre le 6 et le 9 juin prochain, faut-il craindre une forte poussée de ce courant politique? Une question légitime se pose: qu’est-ce qui explique cette montée en puissance?

Extrême droite : chronique d’une ascension fulgurante

Il y a 22 ans, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de la présidentielle. C’était alors un « coup de tonnerre »… Aujourd’hui, l’extrême droite en France s’est durablement installée dans le paysage politique.

L’expression a longtemps traîné dans le langage commun. « Un 21 avril » renvoyait à un événement historique, à un traumatisme démocratique. Un « 21 avril », pour le reste du pays, ce fut longtemps l’évocation d’une stupeur, d’un cri, d’un « coup de tonnerre ». Que reste-t-il en ce 22 avril 2024 de cette émotion nationale du 21 avril 2002 ?

Depuis, l’extrême droite française s’est imposée au second tour des présidentielles, en 2017 et en 2022. En vingt-deux ans, les successeurs du Front national ont remporté les deux derniers scrutins européens, en 2014 et en 2019. Ils sont aujourd’hui plébiscités dans les intentions de vote de celui de juin, avec plus de dix points d’avance sur leurs adversaires.

Dans ce contexte, les analystes et les politologues s’emploient à expliquer la fragmentation du pays et l’adhésion de l’opinion publique aux thèses chères à l’extrême droite.

Selon une enquête d’Ipsos publiée ce 21 avril 2024 par La Tribune dimanche, 33 % des Français sont « satisfaits » par la perspective de voir Marine Le Pen entrer à l’Élysée en 2027. Pour la première fois depuis 1984, les Français sont plus nombreux à penser que le Rassemblement national ne présente pas de danger pour la démocratie (45 %) que le contraire (41 %), selon l’institut Verian-Epoka. Les différentes listes d’extrême droite sont annoncées autour de 35 % aux élections européennes de juin et Jordan Bardella, président du RN, ferait même « un bon premier ministre de cohabitation» pour 46 % des Français, selon un sondage Elabe publié mercredi.

Echecs du gouvernement Macron : l’extrême-droite tire ses marrons du feu

Portée par d’insolubles problématiques de l’immigration liées à des difficultés de vivre ensemble, le discours de l’extrême droite semble actuellement le seul audible pour les Français.

Cette situation est un échec personnel d’Emmanuel Macron. Lorsqu’il a été élu président, sa principale promesse politique était de veiller à ne pas laisser l’extrême droite sortir de sa niche. Aujourd’hui elle semble non seulement en position de franchir les limites qui la maintiennent loin du pouvoir, mais, ironie de l’histoire, elle s’impose pour beaucoup de Français comme la seule alternative à la gouvernance de Macron.

En effet, les scores promis par les sondages à l’extrême droite sont tellement hauts qu’ils lui permettent tous les rêves et toutes les audaces. Jordan Bardella avait déjà eu l’occasion de préciser que si ces résultats se confirmaient, son parti demanderait des élections législatives anticipées pour pouvoir renforcer la présence de Rassemblement National à l’Assemblée nationale et pouvoir préparer les présidentielles dans de bonnes conditions.

Dans cette compétition, le camp d’Emmanuel Macron a cumulé des revers. Après avoir trop tardé à choisir une tête de liste capable d’incarner la dynamique présidentielle, donnant cette impression que les enjeux européens ne figuraient pas parmi les priorités françaises, Emmanuel Macron a été contraint de prendre Valérie Hayer comme tête de liste. Malgré la grande mobilisation des ministres du gouvernement Attal, la liste Renaissance ne parvient pas à monter dans les sondages et sa tête de liste Valérie Hayer peine à s’imprimer dans les opinions.

Violences urbaines : l’extrême-droit tente d’occuper l’espace

En été 2023, la France a été secouée par des événements d’une gravité sans précédent, plongeant le pays dans un état de choc profond. Les émeutes survenues à la suite du décès de l’adolescent Nahel, âgé de 17 ans ont laissé une empreinte indélébile sur le paysage social et politique.

La mort du jeune Nahel a soulevé plusieurs questions qui devraient être repensées par les responsables gouvernementaux, dont a priori celles de l’immigration. Cette affirmation trouve un appui solide dans un récent sondage réalisé par l’institut Elabe pour BFMTV, révélant que 63% des Français jugent la politique migratoire du président Macron trop « laxiste ». Depuis 2017, de nombreux observateurs constatent un changement d’opinion de l’électorat de droite, qui se tourne de plus en plus vers les positions de l’extrême droite lepéniste, celle-ci s’efforçant de se dé-diaboliser afin de se présenter comme une alternative crédible et viable aux figures issues des partis traditionnels.

Désormais deuxième force politique à l’Assemblée nationale, le Rassemblement national a transmis le discours ouvertement raciste, xénophobe et identitaire qu’incarnait son fondateur Jean-Marie Le Pen à Éric Zemmour, porte-étendard de la « Reconquête ». C’est dans cette situation que plusieurs analystes entrevoient les premières conséquences politiques des violences urbaines : cela pourrait augmenter les chances d’Éric Zemmour de renforcer la représentation de son parti lors des élections européennes de juin, ainsi que les chances du Rassemblement National de représenter la plus grande délégation française au Parlement européen.

En attendant, tout scénario demeure possible pour les élections présidentielles de 2027, Marine Le Pen restant au stade actuel favorite dans les sondages.

L’Extrême-droite, une menace pour les Musulmans français

Les tendances extrémistes semblent de plus en plus menaçantes en France. Suite aux graves mécontentements sociaux contre le régime Macronie, l’extrême-droite renforce ses lignes. Les Musulmans et les réfugiés sont explicitement ciblés par ces mouvements fascistes.

On estime qu’il y a environ trois mille militants d’extrême droite en France, un chiffre qui est resté relativement constant au fil des années. Mais de nouveaux groupes extrémistes ont commencé à opérer en France, qui ont des activités extrémistes en ligne, n’appartiennent à aucun mouvement ou groupe, et estiment que la France est en déclin et doit agir.

Malgré les avertissements répétés du ministère de l’Intérieur, cette menace n’a été prise au sérieux qu’au cours des quatre ou cinq dernières années, et le coût de ce retard sera certainement payé.

Un rapport de 2020 du Comité de sécurité des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, a révélé que les attaques terroristes, inspirées par l’extrême droite, avaient augmenté de 320 % au cours des cinq années précédentes. Mais au lieu de se concentrer sur le terrorisme d’extrême droite, qui est devenu particulièrement dangereux en ligne, le gouvernement français se focalise sur les tendances islamiques en plein essor en France.

L’extrême droite va-t-elle dominer les élections européennes?

Selon le groupe de réflexion European Council on Foreign Relations (ECFR), les populistes eurosceptiques devraient arriver en tête des sondages dans neuf pays de l’UE – dont l’Autriche, la Belgique, la France et les Pays-Bas – lors des élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin. Ils devraient également arriver en deuxième ou troisième position dans neuf autres pays.

Cette poussée de l’extrême droite pourrait permettre à une coalition composée de démocrates-chrétiens, de conservateurs et de l’extrême droite radicale de réunir une majorité et de diriger la politique de l’UE pour la première fois, selon l’étude.

Dans tous ces pays, l’extrême droite s’installe durablement dans le paysage politique. Seul revirement en Europe: la Pologne. Dans le pays, après 8 ans au pouvoir, la droite ultraconservatrice a été battue par l’opposition centriste. Mais le parti populiste reste très puissant en Pologne.

Dans tous les cas, d’après les sondages, l’extrême droite et la droite radicale sont annoncées au Parlement européen. Dans ce contexte, obtenir des majorités sera sans doute beaucoup plus compliqué, surtout pour élire le ou la prochaine présidente de la Commission européenne.

Cette consolidation des mouvements d’extrême droite devrait représenter un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024. Sur la base des enquêtes nationales d’intentions de vote dont on dispose, ces formations pourraient totaliser plus de 180 sièges au Parlement de Strasbourg, contre autour de 130 actuellement.

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