Mélenchon avance doucement vers une victoire aux élections législatives ?

Remy Legaros
9 Min Read
Mélenchon peut néanmoins espérer remporter des succès lors des élections législatives de juin.

En France, la gauche divisée s’est mise d’accord. L’alliance est menée par Jean-Luc Mélenchon, dont les positions heurtent aussi son propre camp. Il peut néanmoins espérer remporter des succès lors des élections législatives de juin.

Lundi était le jour de fête personnel de Jean-Luc Mélenchon, c’était aussi la journée internationale de la tortue. “Merci à tous ceux qui m’ont félicité”, a écrit l’ex-candidat de gauche à la présidentielle Mélenchon sur Twitter, rappelant une nouvelle fois à tous ses camarades tortues les deux principales échéances des semaines à venir : Les deux tours des élections législatives les 12 et 19 juin. Pour comprendre l’affection de Mélenchon pour les tortues, il faut connaître la fable de la tortue et du lièvre, qui a rendu célèbre en France le poète Jean de La Fontaine. L’histoire est exactement la même que celle du lièvre et de la tortue : le lièvre arrogant pense pouvoir gagner une course contre la tortue. Mais celle-ci est plus intelligente, plus modeste et plus endurante que lui.

Transposé à la politique française, le lièvre arrogant est bien sûr le président fraîchement réélu Emmanuel Macron. Mélenchon, quant à lui, s’est déclaré tortue il y a plusieurs mois déjà. La modestie n’est certes pas la première qualité qui viendrait à l’esprit du rampant Mélenchon. Malin et persévérant ? Certainement.

« Votez pour moi comme Premier ministre » !

L’élection présidentielle n’était pas encore jouée que Mélenchon la déclarait déjà accessoire entre les deux tours. Avec son programme anticapitaliste et radicalement écologiste, il avait obtenu 22% des voix au premier tour. Un résultat surprenant auquel les instituts de sondage ne s’attendaient pas. Mélenchon n’était devancé que d’un point par la candidate d’extrême droite Marine Le Pen. Pourtant, si l’on regarde les chiffres, on peut simplement lire que Mélenchon a manqué le second tour. Le septuagénaire l’a interprété autrement : « Votez pour moi comme Premier ministre » ! C’est avec ce slogan que Mélenchon s’est adressé à ses partisans dès la fin avril, avant même que Macron ne remporte les élections. En d’autres termes : quel que soit le président, le pouvoir nous appartient.

Eh bien, un mois plus tard, Mélenchon a construit une campagne solide et une alliance spectaculaire autour de son slogan audacieux. Non, en France, on n’élit pas un Premier ministre, c’est le président qui le désigne. Mais lorsque l’opposition détient la majorité au Parlement, elle oblige le président à choisir un Premier ministre dans ses rangs. Derrière Mélenchon, il n’y a plus seulement la France Insoumise (LFI), qu’il a lui-même créée et qui est plus un fan-club de Mélenchon qu’un parti, mais aussi les socialistes, les Verts français et les communistes qui le soutiennent.

Nupes ; Nouvelle union populaire, écologique et solidaire

« Nupes » est le nom de la nouvelle alliance de gauche : « Nouvelle union populaire, écologique et solidaire ». Si l’on veut voir les choses du bon côté, la gauche réussit enfin là où elle échoue depuis des années. “Nupes” est créditée d’un tiers des voix dans les sondages actuels pour les élections législatives. C’est autant que ce que les Verts, les socialistes, les communistes et Mélenchon auraient pu obtenir ensemble s’ils avaient réussi à se mettre d’accord sur un candidat ou une candidate commun(e) pour les présidentielles.

Malgré toutes les contradictions au sein de l’alliance, « Nupes » a tout de même réussi une chose : La nouvelle union montre que la France n’est pas divisée entre le camp nationaliste et le camp libéral. Ce clivage idéologique est certes décrit par Macron et Le Pen depuis 2017 comme le clivage central au sein du paysage politique, mais l’émergence de Nupes et le bon résultat de Mélenchon aux élections présidentielles montrent qu’il existe justement encore un fort électorat de gauche.

D’un point de vue moins bienveillant, on peut toutefois constater que : La nouvelle alliance de gauche repose sur des ruines. Jamais les socialistes français n’ont obtenu un aussi mauvais résultat lors d’une élection présidentielle que cette année avec leur candidate Anne Hidalgo. La maire de Paris n’a obtenu que 1,75 pour cent des voix. Lorsque le chef du parti, Olivier Faure, a décidé de s’allier avec Mélenchon, beaucoup d’anciens socialistes ont eu l’impression qu’ils bradaient leur patrie politique. Après tout, Mélenchon, avec son orientation anticapitaliste, n’est pas seulement nettement plus à gauche que les socialistes, il a fait de ce parti son ennemi juré, au moins depuis la présidence de l’infortuné gauchiste de compromis François Hollande. Les socialistes, si l’on écoute Mélenchon, sont des auxiliaires faibles de l’exploitation capitaliste.

Mélenchon a besoin de « Nupes » en partie par faiblesse

Pour les socialistes, Mélenchon a été ces dernières années avant tout un nationaliste qui s’en prend de manière dure et radicale à l’UE. Et voilà qu’en France, les socialistes et les Verts se rangent derrière celui qui appelle ouvertement à ignorer les règles de l’UE si elles ne servent pas l’intérêt national. Tout comme le font les gouvernements nationalistes en Pologne et en Hongrie.

Mélenchon veut également quitter l’OTAN. Depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine, l’ancien pourfendeur de Poutine Mélenchon (il a salué l’intervention de la Russie en Syrie) s’est certes fait plus discret en politique étrangère, mais la grande ligne reste pour lui une sagesse des années 80 : le plus dangereux est l’impérialisme américain.

Pour François Hollande, l’ancien présidente socialiste et d’autres poids lourds du parti comme l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, le fait de se ranger derrière Mélenchon a donc été une gifle. Et un renoncement au cours pro-européen que les socialistes ont toujours suivi. Mais l’alliance avec Mélenchon montre à quel point le parti était devenu faible. « Nupes » n’est pas un ralliement par enthousiasme, mais s’est fait par peur de disparaître.

Mélenchon a également besoin de « Nupes » en partie par faiblesse. La campagne présidentielle extrêmement personnalisée convient bien à un grand orateur comme lui. Mais à l’approche des élections législatives, sa France Insoumise est confrontée au problème de son faible ancrage local. Elle profite ici des structures régionales encore fortes des socialistes et des écologistes.

La majorité des Français considèrent Mélenchon comme « autoritaire »

Sur le fond, la nouvelle alliance de gauche s’est désormais mise d’accord sur un programme qui ressemble fortement à celui avec lequel Mélenchon s’est présenté aux élections présidentielles : économie planifiée écologique au lieu de croissance économique, retraite à partir de 60 ans, augmentation du salaire minimum et des salaires dans la fonction publique. Un énorme bouquet de promesses qui nécessitent toutes un nouvel endettement massif de l’Etat. Le cours écologique et social est toutefois proche des programmes des Verts et des socialistes.

Les points de désaccord sont identifiés par l’alliance « Nupes » – mais leur résolution est pour l’instant reportée. Il n’y a pas de position commune sur la politique européenne ni sur l’énergie nucléaire (les communistes veulent développer l’énergie nucléaire, Mélenchon veut en sortir). Ces questions seront réglées plus tard au Parlement, peut-on lire dans la déclaration commune. En d’autres termes : une fois que le plus grand nombre possible de députés de gauche et écologistes seront entrés au Parlement. Même si « Nupes » peut espérer un certain succès : Selon les sondages, ni les partisans des socialistes ni ceux des Verts ne souhaitent un Premier ministre Jean-Luc Mélenchon. Dans les sondages, la majorité des Français disent qu’ils considèrent Mélenchon comme « autoritaire » et que son succès les « inquiète ».

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