Outre la cuisante défaite du parti au pouvoir aux élections européennes et dans la foulée, l’annonce fracassante d’Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale, un autre événement a secoué la France ces derniers jours : le licenciement par Radio France de l’humoriste Guillaume Meurice. La cause?
La présidente de Radio France, Sibyle Veil, lui reproche sa « déloyauté répétée» pour avoir réitéré ses propos polémiques sur le premier ministre du régime israélien, Benyamin Netanyahu alors que ce dernier a les mains souillées de sang de près de 50. 000 civils masacrés depuis le 7 octobre 2023 à Gaza. Cependant, la présidente, visiblement atteinte de cécité, ose assurer que «ni la liberté d’expression, ni l’humour, n’ont jamais été menacés» dans le groupe public, dans un message au personnel.
Mais l’humoriste n’est pas de cet avis : il a rapidement réagi sur X (ex-Twitter), félicitant ironiquement plusieurs personnalités qui l’avaient attaqué et souligne que «l’extrême droite » a remporté une «victoire idéologique » après son licenciement par Radio France pour ce qu’elle qualifie de « faute grave » mais qui n’est pas après tout que fustiger un criminel de guerre qui se trouve aux commandes d’une entité criminelle, la dénommée Israël.
A vrai dire, ce licenciement est un événement symptomatique de l’état d’esprit qui règne dans l’Hexagone depuis quelques années et particulièrement depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël contre la bande de Gaza. Il met également en lumière le double langage des dirigeants français en matière de la liberté d’expression et de la liberté de presse.
Ce que l’on sait du licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice de Radio France
Dans une chronique sur les ondes de France Inter le 29 octobre, soit trois semaines après le début de la guerre d’Israël contre la bande de Gaza, l’humoriste Guillaume Meurice a qualifié le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de «nazi sans prépuce». Le sketch a immédiatement provoqué de vives réactions dans le paysage politique et médiatique français lourdement dominé par les lobbies pro sionistes. Et pourtant il s’agissait d’une chronique de quelques minutes qui n’aurait jamais dû déclencher un si grand tollé dans un pays qui se présente constamment en modèle de liberté d’expression. «En ce moment, il y a le déguisement Netanyahou qui marche pas mal pour faire peur, vous voyez qui c’est ? Une sorte de nazi, mais sans prépuce», avait dit l’Humoriste.
Accusé d’antisémitisme, et visé par une plainte finalement classée sans suites, Guillaume Meurice avait reçu un avertissement de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
Début mai, l’humoriste français avait annoncé sur ses réseaux sociaux qu’il avait été convoqué par sa direction et qu’il risquait une « éventuelle sanction disciplinaire ». Il était depuis suspendu d’antenne.
Cette flagrante injustice n’a toutefois pas laissé le personnel médiatique indifférent. Car la suspension de Meurice a entraîné une journée de grève sur France Inter le dimanche 12 mai. Fin mai, les syndicats de Radio France et la rédaction de France Inter avaient demandé à la direction de renoncer « à une décision de licenciement » de l’humoriste, estimant que cela « créerait un précédent grave » pour « la liberté d’expression ».Certains participants dénonçaient littéralement un “virage éditorial” de France Inter.
Le 12 juin également, Guillaume Meurice a publié une lettre sur X, qu’il envoie à France Inter. Il y explique que l’extrême droite, avec cette histoire, a remporté une victoire idéologique en ajoutant que cette affaire a au moins le mérite d’exposer au grand jour la brutalité des « âmes de si peu de scrupules, qui dirigent la boite ». Et il décrit l’avenir sombre qu’il imagine pour France Inter, où l’on fait taire déjà les humoristes, sans doute les journalistes.
Des accusations d’antisémitisme à l’encontre de Guillaume Meurice
En pleine guerre d’Israël contre la population de Gaza, les propos de l’humoriste français, de confession juive, ont provoqué des réactions des figures pro sionisme sur la toile. Un «antisémite de salon», c’est la formule retenue par le sénateur Les Républicains (LR) des Bouches-du-Rhône Stéphane le Rudulier, qui sur X (anciennement Twitter) estime qu’«il faut surtout circoncire Guillaume Meurice du service public».
«Antisémite de salon», une formule reprise par le député israélien qui agit en porte-voix de Tel-Aviv à l’Assemblée nationale française Meyer Habib sur le même réseau social, qui affirme au passage que le chroniqueur est l’«héritier de Je Suis Partout et de la pire presse antisémite !», en référence au principal journal antisémite français sous l’occupation allemande. «Licenciement, sanction ? On attend !», conclut l’élu, fustigeant le «silence coupable de la chaîne». Aux fanfaronnades de parlementaires s’est ajoutée celle de journalistes et chroniqueurs, parmi lesquels l’ancien élu socialiste devenu chroniqueur sur la chaîne CNews Julien Dray qui va jusqu’à la surenchère réclamant des «excuses à la République» sans lesquelles Guillaume Meurice n’aurait «plus rien à faire sur le service public». Autre chroniqueur à la solde des sionistes de cette chaîne à s’indigner, l’avocat Gilles-William Goldnadel, qui sur le plateau de Pascal Praud estime carrément que l’humoriste devra «répondre devant la justice» pour les trois mots qu’il avait prononcés sur le compte du bourreau des enfants de Gaza.
Face à ces attaques, rares sont les personnalités indépendantes et éclairés à braver le sionisme français et à apporter leur soutien à l’humoriste. Le journaliste Alexis Poulin regrette que Guillaume Meurice soit ainsi «qualifié d’antisémite dieudonnesque» après une «blague de mauvais goût». L’un des pères des Guignols de l’info, Bruno Gaccio, tient également à lui témoigner son soutien.
Antisémitisme et antisionisme : l’amalgame dangereux qui déferle sur la France
En France comme en Occident, les pro-israéliens adoptent de nouveaux éléments de langage pour défendre Israël, comme les tentatives d’assimiler l’antisionisme et de l’antisémitisme.
Les nouveaux éléments de langage sont destinés à la fois à faire taire les voix discordantes, c’est-à-dire celles qui continuent à croire qu’il y a une injustice historique en Palestine qu’il faut réparer, et à couvrir les crimes de l’armée israélienne, de plus en plus flagrants et indéniables.
Si la France s’est dotée d’un arsenal juridique contre l’antisémitisme et la dénégation des crimes contre l’humanité, cet arsenal devrait aussi couvrir des milliers de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et contre la paix qu’ont commis et continuent de comettre les forces sionistes depuis plus de huit mois à Gaza.
Au stade où sont les choses, assimiler l’antisionisme à de l’antisémitisme sur les plateaux télé ou les colonnes des journaux ne suffit pas pour faire taire les critiques et les désapprobations croissantes envers Israël même si les lobbies veulent aller plus loin et pénaliser l’antisionisme.
Face à l’ampleur de la solidarité internationale avec les Palestiniens en Europe, en Amérique, en Asie et en Afrique, les partisans de Benyamin Netanyahou tentent de trouver la parade à chaque fois, pour éviter de débattre sur les vraies raisons des opérations du Hamas et de la guerre permanente que mène Israël contre les Palestiniens, à savoir la colonisation et la répression. Le licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice s’inscrit dans ce cadre.
France : La liberté d’expression bafouée et réprimée
Les faits de guerre israélienne dans la bande de Gaza continuent depuis le 7 octobre 2023 à être amplement commentés. Un processus parallèle demeure toutefois hors du champ de la réflexion : le rétrécissement de l’espace laissé en Europe, et en France en particulier, à toute forme d’expression de soutien aux droits des Palestiniens et à la dénonciation des atrocités israéliennes, une critique qui a abouti au licenciement de l’humoriste Guillaume Meurice.
L’interdiction pure et simple de manifester a été contredite par le Conseil d’État dans sa décision du 18 octobre 2023, et diversement appliquée ensuite par les préfets. Interdite à Paris le 28 octobre, mais autorisée par exemple à Marseille. Il n’en demeure pas moins que l’assimilation par le gouvernement des manifestations à l’expression d’un soutien à la Palestine a conduit à réduire la surface de la mobilisation, à la marginaliser en lui assignant de facto un sens politique radical.
Hors du strict périmètre du pouvoir politique, le champ médiatique est lui-même partie prenante du rétrécissement de l’espace laissé à la parole favorable aux droits des Palestiniens. Dans ce contexte contraint, divers spécialistes de la société palestinienne ou universitaires, pourtant rodés aux plateaux de radio ou de télévision, ont préféré refuser de s’exprimer. D’autres ont vu leurs invitations subitement annulées par les médias qui venaient pourtant de les convier.
Au-delà des effets directs sur celles et ceux qui s’expriment pour défendre les droits des Palestiniens, cette régression européenne, française en particulier, de l’espace d’expression marquent un tournant: sous la tutelle du sionisme, la France bascule dans la dictature médiatique.