L’euroscepticisme va-t-il jusqu’où en France ?

Remy Legaros
9 Min Read
Il est possible que le groupe pro-européen du président Macron finisse par obtenir une majorité

En France, le premier tour des élections législatives se réalise ce dimanche, et tout indique que le vote dépeindra une fois de plus un pays très eurosceptique. Il est possible que, grâce à la distorsion produite par le système électoral français, le groupe pro-européen du président Macron finisse par obtenir une majorité. Mais la vérité est différente et ne doit pas être oubliée.

Seuls 32 % des Français ont tendance à faire confiance à l’UE, selon le dernier Eurobaromètre, contre une moyenne de 47 % pour l’Union dans son ensemble. La somme des formations plus ou moins eurosceptiques aboutira à une très large majorité. Les sondages donnent une égalité technique avec le parti de Macron, 28% à la formation de Mélenchon, dont le programme présidentiel prône la rupture des traités quand ils ne conviennent pas, 20% à Le Pen et 6% à Zemmour.

Les conservateurs traditionnels, Les Républicains, avec 11% des voix, ne sont pas formellement eurosceptiques, mais ils ont été fortement contaminés par cette idéologie et plusieurs de leurs candidats à la présidentielle ont promis des référendums pour affirmer la primauté du droit français sur le droit européen, une torpille dans la ligne de flottaison du projet commun. La France, pays fondateur et élément clé de l’UE aux côtés de l’Allemagne, nourrit depuis longtemps des réticences généralisées à l’égard de l’UE. C’est le pays qui a voté non à la Constitution européenne lors du référendum de 2005, et il est toujours dans le marasme.

L’euroscepticisme est largement enregistré dans les classes ouvrières

L’euroscepticisme est largement enregistré dans les classes ouvrières, parmi les chômeurs, parmi les citoyens moins éduqués. Mais il ne s’agit pas d’un bloc monolithique de rejet pur et simple. Il s’agit en partie d’une véritable phobie et en partie d’un sentiment plus diffus. Tout cela est brassé dans un soupçon de dégoût pour le capitalisme, la mondialisation, les diverses idées libérales, et c’est aussi fait d’attachement aux valeurs associées à la nation. Pour que l’UE fasse le bond en avant dont elle a besoin, un plus grand degré de consensus dans ce pays clé est essentiel, pour regagner ceux qui se trouvent dans le segment diffus.

La dissolution de ces nœuds nécessite un puissant mélange de politiques. Il y a eu un peu des deux ces dernières années, par exemple avec les fonds européens et le concept de Macron d’une « Europe qui protège ». Mais il en faudra beaucoup plus pour secouer l’européisme en France. Il faudra un prodige d’imagination pour tracer une voie qui traversera toutes les mines et sera viable, qui ne marchera pas sur les tabous et qui fera ressentir les gens. La rationalité, la didactique et l’explicitation ne suffisent pas, ou ne sont d’aucune utilité. La contrepartie nationaliste évoque les sentiments d’une manière brutale. Cette Méduse pétrifiante doit être éviscérée avec un esprit subtil qui évoque d’autres sentiments d’une manière différente.

Gustave Flaubert a réussi à écrire l’un des passages les plus sensuels de l’histoire de la littérature sans décrire une quelconque relation intime ni même mentionner une quelconque partie du corps humain. Emma Bovary et Léon, enflammés par une profonde attirance mutuelle, montent dans une calèche à Rouen. Le narrateur, généralement omniscient, prend du recul. Et nous sommes tous suspendus à l’extérieur de la voiture, rideaux baissés, suivant de l’extérieur ses cercles sans fin dans les rues de la ville, tandis que les habitants observent avec étonnement les allées et venues apparemment inexplicables du véhicule. Il faudra l’équivalent d’un génie politique pour contourner les mines et les tabous de la morale dominante et faire vibrer la corde sensible.

La France a, à présent, un président et un premier ministre. Le président est le chef de l’État, la personne la plus puissante de la politique française et généralement la figure de proue la plus connue du gouvernement français. Le public élit le président, qui représente généralement l’un des partis politiques français. Il incombe au président français de nommer un premier ministre à la tête du gouvernement. Souvent, les premiers ministres français ne vont pas jusqu’au bout de leur mandat parlementaire, et beaucoup d’entre eux ont démissionné avant terme pour diverses raisons. Bien que le président n’ait pas le pouvoir de révoquer les premiers ministres, il peut leur demander de démissionner.

Dans la politique française, le terme libéral tend à signifier uniquement le libéralisme économique

L’actuel président de la France est Emmanuel Macron, qui est arrivé au pouvoir en 2017 avec 66,1 % des voix. Il a été réélu en 2022 avec 58,5 % des voix. Macron représente La République En Marche ! et a battu Marine Le Pen du Rassemblement national (anciennement le Front national) au second tour du scrutin. Le Premier ministre actuel est Élisabeth Borne, qui a été nommée en 2022 par Emmanuel Macron. Elle est associée à l’alliance centriste des partis (dont En Marche !) qui a remporté la majorité aux élections législatives de 2022.

Les partis politiques en France peuvent être déroutants pour un expatrié. En effet, il existe une pléthore de partis dans tous les domaines, et ils se fragmentent souvent ou mutent en un nouveau parti, forment des alliances entre eux, ou parfois se dissolvent tout simplement. Cela contraste avec des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, où un petit nombre de partis ont dominé pendant des années. La plupart des partis français peuvent être placés assez facilement sur l’ancienne échelle économique gauche-droite. Il est intéressant de noter que, dans la politique française, le terme libéral tend à signifier uniquement le libéralisme économique (marché libre), l’opposé du socialisme, plutôt que le libéralisme social (droits civils, etc.) auquel on fait souvent référence dans le discours américain et britannique. Vous trouverez ci-dessous un aperçu des principaux partis politiques actuels en France.

Une avance solide et légèrement croissante pour Macron

Les Français décideront, lors de ces élections, si le président centriste et pro-Union européenne Emmanuel Macron conserve sa majorité à l’Assemblée nationale ou s’il est détrôné par l’eurosceptique de l’extrême gauche de Mélenchon ou de l’extrême droite de Marine Le Pen, ce qui constituerait un véritable séisme politique. Les sondages d’opinion de ces derniers jours donnaient à Macron une avance solide et légèrement croissante, les analystes estimant que Mélenchon, malgré ses efforts pour adoucir son image et atténuer certaines des politiques de son parti, cette Union populaire de gauche pourrait bien met en péril la majorité de « LAREM » ou le parti nouvellement baptisé « Renaissance » d’Emmanuel Macron.

Les sondages montrant qu’aucun des groupes politiques ne peut compter sur un nombre suffisant des sympathisants pour l’emporter, beaucoup dépendra de ceux qui pèsent encore leur anxiété face aux implications d’une majorité d’extrême gauche et leur colère face au bilan de Macron depuis son élection en 2017. Une victoire éventuelle de Mélenchon aux législatives pouvait marquer un bouleversement politique pour les démocraties occidentales, au même titre que le Brexit ou l’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016, mettant fin à des décennies de règne des dirigeants français traditionnels et faisant peser une nouvelle menace sur l’avenir de l’Union européenne.

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