L’Europe s’unit pour contourner les sources d’énergie de la Russie

Francoise Riviere
9 Min Read

Les gouvernements européens appellent la population à réduire sa consommation d’énergie : Si beaucoup le font, cela peut faire la différence. La France, l’un des pays les plus exposés, appelle à la « sobriété énergétique », L’Allemagne lance une campagne de sensibilisation à grande échelle et l’Italie exhorte ses citoyens à choisir entre une température confortable et l’armement de Poutine. L’Europe commence à se rendre compte de ce qui l’attend en hiver si la Russie met ses menaces à exécution et ferme le robinet du gaz. Bien qu’avec plus de retard que ne le souhaiteraient les organisations environnementales et bon nombre de spécialistes de l’énergie, les trois plus grands pays de la zone euro, l’Allemagne, la France et l’Italie, ont déjà pris des mesures pour accélérer le remplissage de leurs réservoirs de gaz et tenter d’éviter le précipice.
Les longs mois de campagne électorale en France ont atténué les messages d’alarme sur une éventuelle pénurie d’énergie à l’approche de l’hiver qui ont été entendus avec force chez d’autres voisins européens. L’urgence politique et électorale était de contenir l’inflation et de préserver le pouvoir d’achat. Maintenant que les élections sont terminées, des voix commencent à se faire entendre de manière pressante. Dans son premier discours à l’Assemblée nationale au début du mois, le Premier ministre Élisabeth Borne a prévenu que si Moscou interrompt l’approvisionnement en gaz de l’Europe, même si la France est moins dépendante que ses voisins, elle en ressentira également les effets. D’autant plus que l’électricien EDF, que le gouvernement veut renationaliser, a réduit à plusieurs reprises ses objectifs de production en raison des problèmes de plusieurs de ses réacteurs nucléaires. « Nous ne pouvons pas croire ou faire croire que nous serons épargnés par les décisions unilatérales de la Russie », a-t-il déclaré aux députés.
Récemment, le président Emmanuel Macron, a haussé le ton et l’urgence en annonçant dans une interview télévisée que la France doit également préparer un « plan de sobriété énergétique » pour consommer moins à tous les niveaux, de l’administration publique aux entreprises privées et aux citoyens eux-mêmes. Selon Macron, la Russie utilise le gaz comme une « arme de guerre » et, pour cette raison, « nous devons nous préparer à un scénario dans lequel nous vivrons tous complètement sans gaz russe ». Nous devons « entrer collectivement dans une logique de sobriété », a-t-il insisté.
Les messages officiels rejoignent l’appel commun et inhabituel à améliorer « l’efficacité énergétique et à faire la chasse au gaspillage national » lancé fin juin par les dirigeants des trois principales entreprises énergétiques du pays : Engie, EDF et TotalEnergies. « Nous appelons à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous, chaque consommateur, chaque entreprise, change son comportement et limite immédiatement sa consommation d’énergie, d’électricité, de gaz et de pétrole. Chaque geste compte », ont déclaré Catherine MacGregor (Engie), Jean-Bernard Lévy (EDF) et Patrick Pouyanné (Total) dans un article publié dans l’édition du Journal du Dimanche.
Une première proposition d’ « effort citoyen » avait déjà été lancée, quoique timidement, en mars : MacGregor proposait de baisser d’un degré la température du thermostat dans les foyers. « C’est l’équivalent de 12 à 15 méthaniers qui arrivent en France », a-t-il dit à propos d’une mesure qui a reçu le soutien immédiat du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, mais qui n’est jamais devenue une obligation. En fait, il n’existe toujours pas de catalogue concret de mesures immédiates, bien qu’il y ait des objectifs à atteindre : réduire la consommation d’énergie de la France de 10% par rapport à 2019 dans les deux prochaines années et, à plus long terme, mettre fin aux combustibles fossiles dans le pays d’ici 2050.
Pour trouver des moyens d’atteindre ces objectifs, le gouvernement organise depuis des semaines des groupes de travail sur la « sobriété énergétique » avec différents secteurs, petits commerçants et artisans, entreprises et grande distribution, entre autres, afin de voir quelles mesures peuvent être prises et comment améliorer le respect des réglementations, comme celle sur l’éclairage public limité.
En l’absence de gestes individuels concrets, le Premier ministre Borne a déjà esquissé quelques mesures officielles à moyen et long terme, qui seront toutefois indispensables pour économiser l’énergie et aussi pour accélérer la nécessaire transition vers des modèles plus respectueux de l’environnement. La France va étendre le plan de rénovation des logements dits « puits de chaleur » en raison de leur mauvaise isolation à 700 000 logements par an, promouvoir le train comme transport propre et encourager l’utilisation de véhicules à zéro émission avec la mise en place, non encore datée, d’un « système de location longue durée à moins de 100 euros par mois » pour ce type de voiture propre. De son côté, Macron a annoncé la présentation, cet été, d’une « loi d’urgence pour réduire les délais » pouvant aller jusqu’à 10 ans dans la planification des parcs éoliens ou des centrales solaires. « Nous devons aller beaucoup plus vite », a-t-il insisté.
L’Allemagne, principal consommateur de gaz de l’Union européenne, surveille les oreilles du loup depuis des semaines. En juin, elle a décrété la deuxième phase du niveau d’alerte et n’est plus qu’à une étape du niveau d’urgence, qui permet d’imposer des restrictions à la consommation. Les ménages seraient les derniers à souffrir du rationnement ; avant cela, les industries qui ne sont pas vitales pour le pays seraient fermées. Berlin a mis en œuvre plusieurs mesures d’économie de gaz, comme la mise hors service de vieilles centrales électriques au charbon gardées en réserve et la production d’électricité à partir de celles-ci. La priorité du gouvernement est d’utiliser le gaz disponible pour remplir les réservoirs de gaz avant l’hiver, lorsque le chauffage, la moitié des foyers allemands sont chauffés au gaz – fera augmenter la demande.
Berlin retient son souffle ces jours-ci en raison de l’arrêt pour maintenance du gazoduc Nord Stream 1, actuellement la principale voie d’approvisionnement en gaz. Le travail, qui se termine en théorie le 21, pourrait être l’excuse parfaite pour Vladimir Poutine de décider d’utiliser son arme la plus puissante contre les économies occidentales et de couper les approvisionnements qui avaient déjà été réduits à 40% depuis la mi-juin. Le remplissage des réserves, qui sont à 64,5 %, est au point mort depuis quelques jours.
L’Italie se prépare à un automne difficile en raison d’éventuelles restrictions énergétiques dues à des coupures d’approvisionnement en gaz en provenance de Russie. Le gouvernement de Mario Draghi a été l’un des premiers en Europe à proposer des mesures d’austérité. En fait, le premier ministre lui-même a exhorté les citoyens à choisir entre une température confortable et l’armement de Vladimir Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine. En outre, son gouvernement a lancé ce que l’on appelle l’opération Thermostat, une règle qui régule la température de la climatisation dans les bâtiments publics du pays.

Share This Article
Follow:
Restez avec nous et nous vous fournirons les nouvelles les plus récentes avec précision et rapidité. Rejoignez-nous dans le monde de l'information et des actualités
Leave a comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *