Les victimes de pédophilie dans l’Église en France recevront une indemnisation maximale de 60 000 euros. Mercredi 1er juin, l’Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation (INIRR) a présenté sa mission, son fonctionnement et ses critères d’indemnisation financière des victimes de violences sexuelles infligées par des prêtres. La commission indépendante mise en place par la Conférence des évêques de France traite déjà 736 demandes de réparation. Une deuxième commission, celle des congrégations religieuses, a reçu 380 demandes dans ses premiers mois. Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR) de l’Église catholique française, sur une photo d’archive.
Les victimes de pédophilie dans l’Église catholique française pourront demander une indemnisation maximale de 60 000 euros à l’amiable. C’est le plafond fixé par les deux commissions indépendantes, l’une créée par la Conférence épiscopale française (CEF), l’autre par la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), chargées de recevoir les demandes d’indemnisation des personnes ayant subi des abus sexuels sur mineurs par des religieux ou des laïcs dans des institutions contrôlées par l’Église.
En octobre dernier, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) a établi que depuis 1950, au moins 216 000 personnes ont été abusées alors qu’elles étaient mineures par des religieux français. Un mois plus tard, les évêques ont formellement reconnu, lors de leur assemblée à Lourdes, la « responsabilité institutionnelle de l’Église » face à la pédérastie en son sein et son « devoir de justice et de réparation ».
« Le montant maximal se situe dans la fourchette la plus élevée des indemnisations dans le système de justice civile »
Le travail d’accompagnement des victimes qui souhaitent obtenir réparation – toutes ne souhaitent pas le faire et, parmi celles qui le font, toutes ne cherchent pas une compensation financière, soulignent les fonctionnaires – ne fait que commencer. Malgré tout, le tableau des indemnisations établi laisse penser qu’il s’agira d’un coup financier beaucoup moins sévère que, par exemple, celui de l’Église américaine, qui a déjà déboursé plusieurs milliards de dollars pour indemniser ses victimes. Plusieurs diocèses américains ont en effet déclaré faillite ces dernières années.
Cependant, Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR), la commission mise en place par la Conférence des évêques de France pour recevoir et traiter les allégations d’abus commis par des religieux, a défendu les réparations décidées mercredi lors d’une conférence de presse à Paris. « Le montant maximal se situe dans la fourchette la plus élevée des indemnisations dans le système de justice civile », a-t-il déclaré. Il est même, insiste l’INIRR, « supérieur aux montants maximaux convenus par la plupart des commissions mises en place en Europe ». En Allemagne, sa conférence épiscopale a convenu d’une indemnisation maximale de 50 000 euros, en Belgique elle est de 25 000 euros.
Jusqu’à présent, l’INIRR a reçu 736 plaintes de victimes de pédophilie
L’INIRR a établi trois « axes » pour décider de l’indemnisation financière due à chaque victime demandant une réparation financière : la « gravité de l’abus sexuel » subi ; la « gravité des déficiences » dans la prévention et le traitement de cet abus par l’Église ; et enfin, la « gravité des conséquences sur la santé » de la victime. Chacun de ces « axes » comporte à son tour dix niveaux de gravité.
Ainsi, en termes d’abus, le niveau 1 correspond à « l’exhibition sexuelle ou le partage d’images pornographiques ou de comportements inappropriés à la corruption d’un mineur », tandis que le plus grave, le niveau 10, implique « des viols multiples depuis plus de 5 ans, des viols depuis plus d’un an accompagné de sévices ou des viols collectifs multiples, quelle que soit leur durée ». D’autre part, l’axe des « déficiences » de l’Église va du plus léger, lorsque l’Église a non seulement reconnu les faits, mais a agi pour les faire cesser et est même allée en justice, au niveau 10 ou plus grave : « Déni total de l’Église et/ou hostilité active ou manipulation » des faits.
Jusqu’à présent, l’INIRR a reçu 736 plaintes de victimes de pédophilie. Cela laisse penser, selon Derain de Vaucresson, que le nombre de victimes qui se manifesteront au cours de cette première année de travail de l’INIRR (son président a un mandat de trois ans, renouvelable pour trois autres années) se situera probablement dans le bas de la fourchette comprise entre 1 500 et jusqu’à 8 000 plaintes que l’institution estimait en début d’année pour 2022. Le 10 juin, l’INIRR enverra sa proposition d’indemnisation pour les 10 premiers cas déjà analysés à la Société d’assistance et de lutte contre la maltraitance des enfants (Salam). Les montants demandés pour ces premières victimes vont de 8 000 à 21 000 euros, a révélé Derain de Vaucresson mercredi.
À ce jour, la CRR a reçu plus de 380 demandes de réparation
Salam est l’organisme également créé l’année dernière par la Conférence épiscopale pour collecter de l’argent au sein de l’Église française afin de verser des réparations aux victimes de pédophilie et, sur recommandation de l’INIRR, de financer les montants prévus par cette commission. En janvier, la Salam a annoncé qu’elle avait réussi à réunir les 20 premiers millions d’euros grâce à la vente de biens immobiliers et à des investissements provenant de divers diocèses et évêchés. Sur cette première enveloppe, cinq millions étaient destinés à « l’accompagnement financier » des victimes, tel que déterminé par l’INIRR, et un autre million à des « actions de prévention et de mémoire ».
Parallèlement (et de manière similaire) à l’INIRR se trouve la Commission de reconnaissance et de réparation (CRR), qui s’occupe des demandes des victimes de pédophilie dans les congrégations religieuses. Contrairement à l’INIRR, qui stipule l’indemnisation à verser par le fonds de l’Église, la CRR doit négocier dans chaque cas individuel la réparation financière avec la congrégation affectée, bien que le montant maximum soit également de 60 000 euros, avec un minimum de 5 000 (l’INIRR n’a pas voulu fixer un montant minimum de réparation car, dit-elle, toutes les victimes ne souhaitent pas une réponse monétaire). À ce jour, la CRR a reçu plus de 380 demandes de réparation, ont confirmé mercredi des sources au sein de l’institution, qui est gérée par des congrégations religieuses.