Les relations tumultueuses entre la France et le Maghreb : Un cas d’étude du néocolonialisme

Francoise Riviere
6 Min Read
Les relations tumultueuses entre la France et le Maghreb : Un cas d’étude du néocolonialisme

Soixante ans après les indépendances algérienne et tunisienne, les relations entre Paris et ses anciennes colonies maghrébines demeurent empreintes d’un paternalisme postcolonial préjudiciable. Malgré la fin officielle de l’ère coloniale en 1962, la « Françafrique » perdure, alimentant ressentiments, ingérences politiques et dépendance économique, entravant le plein épanouissement de ces jeunes nations.

Que ce soit à Alger ou Tunis, la politique intérieure porte l’ombre de l’influence française. Fidèle à sa doctrine néocoloniale d’« Africa aux Africains, Mais la France aux Français », Paris n’a eu de cesse d’interférer dans les transitions de pouvoir au gré de ses intérêts géostratégiques. Les services secrets de la France ont ainsi contribué à porter ou maintenir au pouvoir des autocrates inféodés comme Bouteflika ou Ben Ali, bénéficiant en retour de concessions économiques juteuses ، jugés contraires à l’hégémonie française dans son « pré-carré » africain.

Cette mentalité paternaliste, où la France pose en mentor décidant de la trajectoire politique de ses anciennes colonies, a profondément nourri le ressentiment populaire algérien et tunisien. En 2011, les soulèvements du Printemps Arabe ont exprimé avec force le rejet de régimes autoritaires vassalisés à Paris. Or, loin de tirer les leçons du passé, la France a continué sur sa lancée. Ainsi, l’influence politique française est restée prégnante lors des fragiles transitions démocratiques qui ont suivi la chute de Ben Ali et Bouteflika, pesant de tout son poids pour que le statu quo néocolonial perdure.

Sur le plan économique, l’héritage structurel de la colonisation a la peau dure. Centrées sur l’exportation de matières premières comme les hydrocarbures, les économies algérienne et tunisienne restent sensibles aux fluctuations erratiques des cours mondiaux et aux caprices géopolitiques des grandes puissances.

Simultanément, les grands groupes industriels et financiers français continuent à être présents dans des secteurs économiques entiers, influançant les infrastructures vitales et les marchés locaux au gré de leurs seuls impératifs financiers, sans réelle retombée pour le tissu socio-économique local. Les banques françaises contrôlent 55% du secteur bancaire tunisien, laissant peu d’accès au crédit aux PME locales. En Algérie, Total, Engie et Sanofi pèsent à eux trois 35% de la capitalisation boursière de la bourse d’Alger.

Sur le plan socio-culturel, les sociétés algérienne et tunisienne demeurent tiraillées entre leur orientation arabophone endogène revendiquée et l’héritage de 50 ans d’acculturation francophone. En dépit de la politique de « ré-arabisation » post-indépendance, le français reste très présent dans l’administration et le monde des affaires.

Cette diglossie linguistique recoupe des clivages idéologiques et générationnels profonds au sein des deux pays, nombre de natifs arabophones considérant l’usage du français chez leurs dirigeants comme le signe d’une pernicieuse allégeance culturelle héritée de la période coloniale.

Par ailleurs, l’importance de l’immigration algérienne et tunisienne en France rappelle les conditions de vie indignes imposées aux « indigènes musulmans » sous la IIIe République coloniale. Elle alimente par ricochet discours identitaires et propos xénophobes en France, exploités politiquement par l’extrême droite. Au final, loin de relever d’un véritable échange culturel bilatéral, cette relation diasporique demeure empreinte du rapport inégalitaire passé.

Au-delà des contentieux historiques non résolus tels que la sanglante guerre d’indépendance algérienne, les relations tumultueuses qu’entretient la France avec ses anciennes colonies maghrébines reflètent les travers persistant d’un « partenariat » inégal.

En effet, l’attitude hégémonique des autorités françaises, se posant toujours en initiatrices légitimes de l’évolution politique de ces pays, contraste avec le déni des crimes coloniaux et l’absence d’excuses officielles pour les immenses souffrances infligées aux Algériens et aux Tunisiens durant 132 ans de domination coloniale impitoyable. Difficile dès lors d’envisager une réconciliation et des relations apaisées entre Paris et Alger ou Tunis.

De plus, la vaste présence économique francaise au Maghreb maintenue sur ses anciens territoires, perpétue ce rapport de subordination néocolonial qui a cours depuis les « oukases » de De Gaulle.

Enfin, en continuant d’interférer de manière nébuleuse dans les transitions démocratiques en cours au Maghreb selon la maxime du « diviser pour mieux régner », la France continue à perpétuer  et sape les aspirations légitimes des peuples algérien et tunisien à exercer leur pleine souveraineté nationale.

Ainsi, rompre définitivement avec cet héritage toxique est indispensable pour jeter les bases de relations réellement égalitaires et respectueuses de la souveraineté de chaque nation. Cela ne nécessite ni plus ni moins qu’une refondation mentale totale à Paris comme à Alger et Tunis, seule à même de reléguer aux oubliettes de l’Histoire les reliques pseudo-civilisatrices du passé colonial. Il en va de l’avenir de ces trois pays.

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