Les dessous du retrait américain du Niger

Francoise Riviere
10 Min Read

Le ministère nigérien de la Défense nationale et le département américain de la Défense ont annoncé lundi 8 juillet la fin de la première phase du retrait des forces et des équipements américains du territoire nigérien. L’annonce a été faite au cours d’une cérémonie de signature de documents de rétrocession des installations américaines à l’armée nigérienne à la base aérienne 101 de Niamey.

Le 19 mai 2024, les représentants militaires du Niger et des États-Unis ont convenu que le retrait des troupes américaines du Niger serait achevé au plus tard le 15 septembre de cette année. L’annonce apparait bien laconique mais en réalité, cette nouvelle expulsion des troupes américaines, après celle d’Irak en 2010 et celle d’Afghanistan en 2021 avait commencé bien plus tôt.

Le retrait militaire américain du Niger, pays qui recèle d’énormes réserves en uranium, a été initié en mars après que le gouvernement de transition du général Tidjani, qui a pris le pouvoir en juillet 2023, a mis fin à l’accord militaire avec les États-Unis avec effet immédiat, invoquant les intérêts du peuple nigérien qui après une décennie de faux partenariat Occident-Sahel pour lutter contre le terrorisme, exigent un éloignement  de la sphère occidentale pour se rapprocher des puissances de l’Est que sont la Russie, la Chine ou encore l’Iran.

Le prétexte de la lutte contre le terrorisme, un fléau que les puissances occidentales ont fabriqué de toutes pièces et  à la faveur de leur intervention illégale en Libye, a permis à ces dernières d’occuper militairement des pans entiers des territoires sahéliens quitte à s’accaparer de leurs ressources et richesses naturelles. Dans ce cadre autant mettre un terme à cette présence militaire occidentale qui n’a cessé à être pour les populations sahéliennes que le synonyme de guerres infinis, de pauvreté grandissant, d’exodes massifs, de morts de masse.

En réalité, le retrait «  forcé » des forces américaines du Niger d’où elles espionnent depuis 2017 tout le Sahel ainsi qu’une grande partie du Nord de l’Afrique intervient dans un contexte de bouleversement rapide des rapports de force Est-Ouest et alors même que les Etats Unis se trouvent confrontés au  recul progressif de leur puissance militaire non seulement en Europe où l’OTAN a perdu leur guerre face à la Russie en Ukraine mais encore en Asie de l’Ouest où Israël peine à s’imposer dans une guerre déjà perdue face aux combattants de Gaza. Les Etats-Unis cherchent-ils à redéployer leurs militaires en Irak sur fond de guerre génocidaire d’Israël à Gaza puisque l’entité israélienne, moribonde, n’a d’autres choix que de s’engager dans  une grande confrontation avec cette alliance communément appelée « Axe de la Résistance » ? En effet, au stade où en est la guerre d’usure que mènent depuis dix mois les combattants palestiniens et libanais et leurs alliés yéménites, irakiens et iraniens contre Israël, le parrain américain n’aurait d’autres choix que d’élargir les fronts déjà multiples de combat. Mais ce redéploiement de troupes US qui intervient entre  le Sahel et le Moyen Orient ne prouvent-ils pas déjà  les limites qui paralysent désormais toute action militaire américaine où qu’elle serait entreprise ?

Niger : l’armée américaine achève son retrait de la base de Niamey

L’armée américaine a achevé, dans la nuit de dimanche à lundi, son retrait de sa base située dans la capitale nigérienne Niamey, base considérée par l’armée américaine comme le plus grand site de drone hors des territoires américains. Que l’armée américaine décide d’achever au plus tard le 15 septembre un retrait déjà  débuté le 7 juin dernier, suite à un accord imposé  le 19 mai par les autorités militaires nigériennes aux militaires  américains, cela revient à restreindre le champ d’action et d’influence de Washington au profit des puissances auprès de qui les Etats africains cherchent alliance et partenariat équitables. Il s’agit d’un retentissant recul stratégique des Etats-Unis dans une région considérée pendant de longues décennies comme étant la chasse-gardée de l’Occident. Surtout que les soldats US étaient regroupés dans deux principales bases, une dans la capitale Niamey et une autre à Agadez, la principale ville du nord située près des frontières libyenne et algérienne et qu’il reste désormais aux forces américaines à entamer leur retrait de la stratégique base aérienne d’Agadez, réhabilitée à grands frais et inaugurée en 2019. Des analystes politiques soulignent que cette débandade  s’explique primo par l’échec américain à contrer l’émergence  d’un mouvement souverainiste qui s’étend d’Etat en Etat en Afrique de l’Ouest et qui sanctionne la présence militaire occidentale et secundo par l’urgence d’un conflit à grande échelle qui s’annonce en Asie de l’Ouest et où les Etats Unis doutent pour la première fois de leur histoire de leur capacité à gagner.

Les Etats-Unis reportent la réduction de leurs forces stationnées en Irak

Le retrait des forces américaines du Niger coïncident en effet avec l’annonce  officielle du report d’une réduction des troupes US en Irak, prévue cette semaine.

Les sources ont indiqué que la partie américaine était revenue sur sa décision d’annoncer la réduction des troupes après des délibérations internes et que ce changement de plan s’est produit avant que les États-Unis ne rencontrent la partie irakienne dans le cadre du Comité bilatéral irako-américain et donc au mépris total du principe de souveraineté de l’Irak. Or ce report intervient au risque de susciter la réaction des groupes de résistance irakiens qui n’ont accepté la trêve dans leurs attaques contre les troupes d’occupation US que pour laisser à Bagdad l’occasion de gérer le départ US.

Des sources ont ajouté que la décision de retarder l’annonce est liée à la récente priorité accordée au départ des troupes américaines du Niger, mais à vrai dire, personne  ne doute que les Etats-Unis appréhendent surtout  avoir à se battre directement contre la Résistance alors même qu’après le 7 octobre et la spectaculaire opération « Tempête d’al Aqssa » des combattants de Gaza, il ne reste plus rien du mythe d’invincibilité de l’armée israélienne.

Vers une escalade des tensions entre le tandem américano-sioniste et l’axe de la Résistance ?

C’est le scénario cauchemar que les États-Unis et leurs alliés redoutent le plus: que la guerre entre Israël et Gaza ne déborde au Liban avec le risque d’une conflagration régionale.

Escalade des échanges de tirs entre le Hezbollah et l’armée israélienne à la frontière entre le Liban et Israël, tension en mer Rouge, frappes « ciblées » de la Résistance islamique d’Irak contre les positions israéliennes : les combats font rage entre le camp américano-israélien et l’« axe de la Résistance », dix mois après  le déclenchement de la guerre à Gaza.

De fait, la mise en œuvre, par l’axe de la Résistance, d’opérations conjointes et étroitement hybride contre «Israël», montre une coordination étroite entre les parties et un plan solide pour resserrer progressivement l’étau sur l’ennemi sioniste. Ainsi, la Résistance islamique au Liban et dans le cadre de ses ripostes à l’assassinat de ses commandants, a haussé le niveau de la confrontation et ce, parallèlement à l’entrée de la Résistance yéménite en cinquième «  phase » de ses opérations contre la flotte américaine, israélienne en mer Rouge et à la multiplication des frappes irakiennes directe contre les territoires occupés.

Les observateurs estiment que ces opérations constituent un message sur le scenario prévu en cas de l’élargissement de la guerre par «Israël», à la lumière des nouveaux types d’arsenaux dévoilés ou encore non-dévoilés par le Hezbollah et ses alliés.

Retour de Trump et le risque d’une confrontation régionale

Alors que Trump a présenté une nouvelle candidature à l’élection présidentielle, il est légitime de s’interroger sur l’impact possible de son retour au pouvoir et l’effet qu’aura ce retour sur le conflit Israël-Résistance.  Une réélection de Trump pourrait signifier une continuation, voire une intensification, des politiques qui ont conduit à l’opération du 7 octobre 2023 de la Résistance palestinienne. Une Amérique en perte de vitesse qui quitte le Sahel pour se concentrer au Moyen Orient le sait pertinemment.

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