Macron accueille les chefs d’État européens de l’UE à Versailles pour un sommet sur l’Ukraine. Lors d’un sommet informel près de Paris, les dirigeants européens s’efforceront de trouver des solutions pour faire face aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a touché l’économie du continent et mis en évidence sa fragilité défensive. Le sommet à Versailles devrait être le point culminant des six mois de présidence française de l’UE. Mais le président Emmanuel Macron sera plutôt à la tête d’un sommet de crise pour répondre à la perturbation brutale par le leader russe Vladimir Poutine de décennies de stabilité en Europe.
« La guerre d’agression menée par la Russie constitue un bouleversement géopolitique dans l’histoire de l’Europe », affirme un projet de déclaration finale du sommet de deux jours. Les chefs d’État se pencheront sur « la manière dont l’UE peut assumer ses responsabilités dans cette nouvelle réalité, en protégeant nos citoyens, nos valeurs, nos démocraties et notre modèle européen ». Les 27 chefs d’État et de gouvernement se réunissent alors que les affrontements font rage depuis 15 jours en Ukraine et que plus de deux millions de réfugiés ont fui, principalement vers la Pologne mais aussi vers d’autres pays d’Europe.
Le conflit a provoqué une vague de soutien de l’UE en faveur du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Les dirigeants devraient se concentrer sur le plaidoyer de ce dernier pour accélérer l’adhésion de son pays à l’Union européenne. “Notre première priorité est d’envoyer un message politique à l’Ukraine pour qu’elle fasse partie de la famille européenne”, déclare un responsable du bureau du président français.
Macron : « A court terme, je ne vois pas de solutions diplomatiques »
Cette réunion a débuté quelques heures après le bombardement de l’hôpital pour enfants de Marioupol et la rencontre en Turquie entre le ministre ukrainien des affaires étrangères Dmytro Kuleba et son homologue russe Sergueï Lavrov, qui n’a débouché sur aucune avancée dans la résolution du conflit.
S’il est certain que l’objectif commun de tous est de mettre fin au conflit, il est moins certain de la manière d’y parvenir. “Je suis inquiet, pessimiste, je ne vois pas de cessez-le-feu dans les prochains jours”, a déclaré Macron avant le sommet. “A court terme, je ne vois pas de solutions diplomatiques”, a-t-il ajouté. “Mais je l’espère et nous continuerons à insister, à pousser les Russes vers un compromis, à les aider. Mais nous ne pouvons pas décider à la place des parties. »
Ensuite, il y a la question de la défense. Dans un document préparatoire, les chefs d’État européens déclarent vouloir renforcer résolument les investissements dans la défense et les technologies innovantes. Cela prendra la forme d’une décision d’augmenter considérablement les dépenses de défense en se concentrant sur les lacunes stratégiques identifiées et les capacités de défense développées en collaboration au sein de l’Union européenne. Cet objectif sera également atteint par le développement de subventions pour la recherche et l’innovation dans le domaine civil, de la défense et de l’espace.
Selon des sources européennes, la proposition de la France d’adopter un plan de relance européen de 800 milliards d’euros ne fait pas l’unanimité. En particulier, c’est l’Allemagne qui n’apprécie pas la proposition qui prendrait la forme, selon les sources de l’Elysée, d’un emprunt commun pour atténuer les conséquences de la guerre. “Il n’y a pas de plan de ce type sur la table”, a déclaré le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.
« RePowerEu » ; un paquet qui pourrait réduire de deux tiers les importations en provenance de Russie
La quête d’une plus grande indépendance énergétique de l’Union est également à l’ordre du jour. Comme le rappelle les chiffres, aujourd’hui, environ 30 % du gaz importé par l’UE provient de Moscou et ce pourcentage passe à 50 % si l’on ne considère que les importations non européennes. « Dans les semaines à venir, l’UE est appelée à prendre des décisions ensemble pour être plus solide économiquement, moins dépendante du gaz russe et capable de renforcer nos capacités de défense » a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel à son arrivée au sommet.
L’UE a déjà présenté son plan : « RePowerEu », un paquet qui pourrait réduire de deux tiers les importations en provenance de Russie dans un délai d’un an et prévoit la diversification des approvisionnements, l’augmentation de la production d’énergie à partir de sources renouvelables mais aussi une plus grande efficacité énergétique. Ces mesures constituent le point de départ du sommet, mais selon certaines rumeurs, il est peu probable qu’il aille plus loin.
La question des euro-obligations pour financer les dépenses énergétiques n’est pas à l’ordre du jour, notamment parce que la transition énergétique est déjà un pilier du plan de relance et que des ressources ont déjà été allouées en ce sens. Cela n’empêchera pas les chefs d’État européens de discuter d’une autre proposition émanant d’Athènes : celle de la fixation d’un plafond pour les prix du gaz.
L’UE veut également devenir plus indépendant dans d’autres domaines afin de construire une base économique plus solide. C’est pourquoi elle souhaite également fixer des objectifs pour les matières premières critiques (la production nationale et le recyclage devant couvrir au moins un tiers des besoins d’ici à 2030), les semi-conducteurs (produire 20 % de la part de marché mondiale dans l’UE d’ici à 2030), mais aussi l’alimentation et l’intelligence artificielle.
La crise des prix de l’énergie engendrée par le conflit ukrainien a mis en péril l’économie européenne
Cependant, selon les diplomates, le principal objectif à Versailles est de trouver d’urgence des moyens de renforcer l’autonomie de l’Europe dans un monde de plus en plus périlleux, particulièrement sur le plan énergétique. La crise des prix de l’énergie engendrée par le conflit ukrainien a mis en péril l’économie européenne qui a souffert des conséquences de la pandémie de coronavirus et a suscité un débat intense sur la façon de protéger les consommateurs.
La sécurité collective dans l’Union européenne est principalement assurée par l’alliance de l’OTAN dirigée par les États-Unis. Mais la France, première puissance militaire de l’UE, souhaiterait que le bloc joue un rôle plus important. Depuis l’agression de la Russie contre son voisin pro-UE, les membres de l’Union ont approuvé une aide à la défense d’un demi-milliard d’euros en faveur de l’Ukraine. Berlin a rompu de manière spectaculaire avec la doctrine de longue date en annonçant qu’elle allait consacrer 100 milliards d’euros à la défense nationale. Compte tenu des défis à relever, « nous devons résolument investir davantage et mieux dans les capacités de défense et les technologies innovantes », devraient déclarer les dirigeants.
Les alliés occidentaux ont déployé des vagues de sanctions contre la Russie, dont les effets en chaîne ont mis en évidence la dépendance précaire de l’Europe vis-à-vis de Moscou pour le gaz et le pétrole – une réalité à laquelle le sommet cherchera à remédier. La dépendance de l’Europe à l’égard de l’énergie russe a mis en évidence la première fracture dans la réponse unifiée de l’Occident à l’agression de Poutine, l’UE hésitant à interdire purement et simplement les importations de pétrole russe, comme l’ont fait les États-Unis et la Grande-Bretagne. L’UE importe environ 40 % de son gaz naturel de Russie. L’Allemagne, première économie européenne, est particulièrement dépendante de ce flux énergétique, tout comme l’Italie et plusieurs pays d’Europe centrale. Environ un quart des importations de pétrole de l’UE proviennent également de Russie.