Durant cette période de la campagne présidentielle française, l’extrême droite a pu obtenir un résultat surprenant. En cas d’alliance entre les deux candidats d’extrême droite au premier tour, Marine Le Pen aurait pu recueillir plus de voix que Macron.
Dimanche soir, après avoir perdu l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron mais réalisé un résultat historique pour l’extrême droite, Marine Le Pen a annoncé qu’elle était prête à travailler avec tous les patriotes pour remporter le plus de sièges possibles aux élections législatives de juin.
Mais lorsque son rival d’extrême droite Éric Zemmour a pris la parole peu après, censé appeler à une coalition similaire, l’ancien pundit de la télévision qui prêche sur le déclin de la France et la menace civilisationnelle de l’islam, n’a pas pu s’empêcher de commencer par une pique. « Hélas, hélas, hélas, c’est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen », a-t-il déclaré, ajoutant les pertes de Marine Le Pen à celles de son père qui a fondé le parti d’extrême droite français « Le Front National ». Mais cette déclaration ne reflétait pas la dynamique de pouvoir en jeu, étant donné qu’il avait terminé en quatrième position au premier tour avec seulement 7 % des voix.
Étant donné que le système français d’élection de l’Assemblée nationale favorise fortement les sortants et les partis traditionnels, faire équipe améliorerait les chances de l’extrême droite d’obtenir plus de sièges que les maigres 8 sur 577 que le parti de Le Pen, le Rassemblement national, détient aujourd’hui.
La politique est l’affaire de la famille Le Pen
Mais au-delà des sarcasmes, il reste des obstacles majeurs qui rendent probable la poursuite de la guerre frontale. Il n’y a pas seulement des facteurs sociologiques, politiques et financiers qui s’y opposent, il y a aussi le facteur familial Le Pen. La politique est l’affaire de la famille Le Pen. Comme d’autres avant lui, Zemmour a tenté de les détrôner et a échoué.
Sociologiquement, la base de Zemmour est plus riche et plus urbaine que celle de Le Pen, qui penche plutôt du côté des électeurs ruraux et de la classe ouvrière. La liste des endroits où il a enregistré ses meilleurs scores correspond directement à des zones bourgeoises comme Saint-Tropez, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Versailles et Neuilly-sur-Seine. Celles de Le Pen se situent dans le nord de la France, où la destruction des emplois industriels a laissé de profondes cicatrices, et dans les petites villes de l’Est, où elle a recueilli plus de 50 % des voix au premier tour.
Bien que les deux camps soient d’accord sur les questions fondamentales que sont la limitation de l’immigration et la lutte contre la criminalité, leurs politiques économiques sont en fait très différentes. Zemmour adhère à un conservatisme traditionnel qui préconise la réduction des dépenses publiques, la diminution du secteur public et la baisse des impôts. La vision économique de Le Pen, dans la mesure où elle en a une, puisqu’elle évolue en permanence, est plus protectionniste et populiste et met l’accent sur les questions de coût de la vie et un rôle plus important pour l’État.
La logique passera-t-elle après la vengeance ?
Cela se traduit par des stratégies différentes. Zemmour rêve d’une grande coalition de tous les droitiers, quel que soit leur parti, de son nouveau parti, baptisé Reconquête, au RN, en passant par l’aile conservatrice de Les Républicains. Le Pen, quant à elle, a cherché à attirer les électeurs de la classe ouvrière, y compris la gauche, dans une stratégie opposant ce qu’elle appelle le « bloc populaire » au « bloc des élites ».
Enfin, il y a l’argent en jeu. Les partis politiques français obtiennent leur financement public en fonction de leurs résultats au premier tour des élections législatives, ce qui les incite à présenter de nombreux candidats même s’ils ont peu de chances de gagner. Chaque siège que Le Pen donne à l’équipe de Zemmour signifie moins d’argent pour son parti pour rembourser des dettes d’environ 24 millions d’euros.
Malgré tout cela, faire la paix serait tactiquement avantageux. Ensemble, ils obtiendraient au moins 117 sièges à l’Assemblée nationale, contre 75 si le RN faisait cavalier seul, ce qui en ferait de loin le plus grand groupe d’opposition à la majorité attendue de Macron. La logique passera-t-elle après la vengeance ? Le Pen pourrait choisir d’anéantir Zemmour et son nouveau mouvement. Sans accord, les analystes estiment que Reconquête pourrait bien ne remporter aucun siège aux élections législatives. Ils se soucient moins de gagner que d’être la seule force d’extrême droite. C’est le clan Le Pen avant tout.
Le président français Emmanuel Macron vient peut-être de remporter un second mandat, mais les analystes politiques estiment que la montée continue de l’extrême droite lui causera d’importants maux de tête dans les années à venir. La proximité réelle, la proximité relative du vote et le fait que Le Pen ait obtenu plus de 40 %, c’est qu’on constate que c’est une condamnation accablante de l’état de la politique française et peut-être même de l’état des inégalités et du niveau de vie en Europe. Le centriste Macron a obtenu 58% des voix dimanche, tandis que sa rivale nationaliste et d’extrême droite Le Pen a obtenu plus de 41%.
Un second mandat aussi troublé que le premier pour Macron
En 2017, lorsque les deux politiciens se sont également affrontés le second tour de la présidentielle française, Macron l’avait emporté avec 66,1% contre 33,9% pour Le Pen. S’adressant à ses partisans à Paris dimanche soir, Le Pen a concédé sa défaite, mais a déclaré son parti victorieux. D’après son point de vue ses idées que son parti représente atteigne un sommet. Elle a mentionné aussi que lors des prochaines élections législatives de juin, son parti, le Rassemblement national, sera une véritable opposition à Macron et à l’establishment politique français. En France, le président est la plus haute figure de l’État, mais les prochaines élections législatives à l’Assemblée nationale montreront si Macron pourra facilement faire passer de nouvelles lois ou s’il sera confronté à des barrages difficiles pour faire passer son programme pro-business et pro-UE.
Les résultats de Le Pen notamment une majorité d’électeurs de la classe ouvrière et des victoires dans de nombreuses circonscriptions rurales, illustrent les profondes divisions de la société française qui rendra le second mandat de Macron aussi troublé que le premier. La performance de Le Pen lors de l’élection de 2022 a bénéficié d’un changement de ton de la part du leader d’extrême droite. Les analystes politiques ont noté comment elle est devenue plus modérée cette fois-ci, évitant de se concentrer sur l’immigration ou de se rallier à l’intégration européenne. Au lieu de cela, Le Pen a choisi de parler de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat des citoyens français. Il ne faut pas négliger l’augmentation de sa part de voix ; tout cela montre que ses efforts pour normaliser son parti et ses politiques fonctionnent.