La stratégie maritime des Houthis contre le commerce israélien

Francoise Riviere
6 Min Read

Alors que la résistance palestinienne mène une guérilla urbaine classique contre l’armée israélienne et que le Hezbollah procède à une campagne tonitruante de frappes dans le nord d’Israël pour coincer et épuiser les forces israéliennes, les Houthis yéménites devraient être considérés comme la force de l’axe de la Résistance ayant porté les coups les plus dommageables à l’entité sioniste.

Et ce ne sont pas seulement les missiles et les drones  tirés par les Yéménites en direction d’Eilat qui sont en cause, mais la capture des cargos et les attaque par drone et missiles contre pas moins de 25 porte-conteneurs et pétroliers, toutes ces opérations ayant été menées au détroit de Bab el-Mandeb en mer Rouge, l’une des voies maritimes les plus importantes pour le commerce mondial.

En ce sens, Ansarallah se pose en puissance maritime absolue capable d’imposer un total embargo à l’entité israélienne à qui les Etats Unis apportent un soutien total. De toute évidence, les Houthis redéfinissent la géopolitique classique.

Alfred Mahan, officier de marine américain considéré en Occident comme le père de la géopolitique maritime, estimait qu’une nation devait contrôler les voies maritimes et les flux commerciaux pour accéder au statut d’hégémonie.

À l’instar de tout pouvoir maritime typique qui voit le commerce comme le centre de la politique, Mahan pensait que la fonction des forces armées est de servir la projection économique et commerciale de l’État dans sa quête de puissance mondiale.

Considérant les mers comme des « biens à exploiter », il affirmait le caractère stratégique du contrôle des points de passage obligés via des bases navales et une importante flotte active pour “privatiser” les mers en maîtrisant les routes commerciales et les lignes de communication.

Ces points de passage essentiels sont les détroits, canaux et câbles sous-marins à travers le monde.

Il existe de nombreux sites stratégiques, mais les principaux sont huit détroits primordiaux (Panama, Suez, Gibraltar, Ormuz, Malacca, Bosphore/Dardanelles, Cap de Bonne-Espérance et Bab el-Mandeb) et sept secondaires (Tartarie, Béring, Pas de Calais, Magellan, Corée, Skagerrak, Torres).

Bab el-Mandeb, juridiquement sous contrôle yéménite et djiboutien, est le détroit reliant la mer Rouge à l’océan Indien et constituant le lien maritime principal entre la Méditerranée (et donc l’Europe) et l’Asie. Ce détroit n’a acquis ce statut qu’après l’ouverture du canal de Suez au 19ème siècle ; Suez et Bab el-Mandeb sont donc indissociables. Les problèmes affectant un bout de la mer Rouge impactent considérablement les flux à l’autre bout.

Cinquante millions de tonnes de produits agricoles et près de deux milliards de barils de pétrole transitent chaque année par le détroit de Bab el-Mandeb, soit environ 10% du commerce maritime mondial de pétrole. La région est également cruciale pour le gaz naturel liquéfié (GNL), 10% du négoce mondial passant par ce détroit. Et son importance pour le GNL tend même à croître avec la guerre en Ukraine.

Mais si Bab el-Mandeb revêt une importance capitale pour le monde, il est encore plus vital pour Israël.

98% du commerce extérieur israélien, importations comme exportations, se fait par voie maritime. Bien qu’Israël dispose d’un port sur la mer Rouge à Eilat, ce port est sous-utilisé car éloigné du centre du pays et non relié au reste du territoire par le rail. L’essentiel du commerce d’Israël avec l’Asie continue de transiter par le canal de Suez.

Or ce n’est pas anodin, puisqu’environ 30% du commerce international israélien concerne l’Asie et que la totalité de ce trafic passe par le détroit de Bab el-Mandeb.

Israël avait déjà conscience de ces risques. D’où les accords perfides d’Abraham prévoyant une coopération militaire entre Israël et les Émirats arabes unis (EAU), pays occupant des ports yéménites et y érigeant des bases  pour offrir à Israël une assise. Rappelons que les EAU étant alliés de l’entité sioniste, s’est le moins exprimé en faveur de la Palestine dans le conflit actuel.

Le cargo attaqué le 19 novembre, le Galaxy Leader, appartenait à Ray Shipping, spécialisé dans le transport automobile, propriété d’Abraham Ungar, 22ème fortune d’Israël.

Le navire attaqué par drone le 24 novembre et celui récemment capturé appartenaient à la famille Ofer. Le premier à Eastern Pacific Shipping d’Eyal Ofer et le second à Zodiac Maritime d’Idan Ofer. Eyal Ofer est le 3ème homme le plus riche d’Israël, Idan le 9ème.

L’attaque du 25 novembre a consisté en la capture d’un bâtiment de Zim, également propriété de la famille Ofer.

En résumé, les cibles des Yéménites qui exigent l’arrêt du génocide israélien à Gaza pour finir leur campagne d’attaques, sont le commerce israélien et les fortunes des milliardaires israéliens. Avec la saisie de plusieurs navires, les primes d’israéliens ont flambé, en particulier pour les bateaux israéliens.

Israël, de son côté, devra contourner l’Afrique pour atteindre les marchés asiatiques et en recevoir ses importations.

S’ajoutant aux autres coûts et pertes de la guerre, combien de temps l’économie israélienne pourra-t-elle encaisser ces coups mortels ?

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