La France cherche à nationaliser EDF pour renforcer l’approvisionnement énergétique national

Francoise Riviere
8 Min Read
Elisabeth Borne devrait entamer dans les prochains jours des sondages avec les groupes politiques à l'Assemblée nationale

La France annonce son intention de nationaliser entièrement la compagnie d’électricité EDF. La Première ministre française, Elisabeth Borne, estime que le gouvernement, qui détient déjà près de 84 % de l’entreprise, a besoin d’un contrôle total pour renforcer l’indépendance énergétique et atteindre l’objectif de zéro émission. L’Etat français veut prendre le contrôle total du capital d’EDF, a confirmé mercredi la Première ministre Elisabeth Borne lors de la présentation de la feuille de route de son gouvernement à l’Assemblée nationale. L’incertitude du marché de l’énergie causée par la guerre en Ukraine et la nécessité d’agir avec force sur le changement climatique imposent une nationalisation que le président, Emmanuel Macron, avait déjà avancée pendant la campagne électorale, a justifié sa cheffe du gouvernement.

« Nous devons avoir le contrôle total de notre production d’électricité et de ses performances », a souligné Borne devant les députés. C’est pourquoi, a-t-elle ajouté, « je confirme l’intention de l’Etat de reprendre 100% du capital d’EDF ». Selon la Première ministre, il est essentiel de « garantir notre souveraineté face aux conséquences de la guerre et aux défis colossaux qui nous attendent ». Et cela signifie « prendre des décisions que, sur ces mêmes bancs, d’autres ont prises avant nous, à une période de l’histoire où le pays devait aussi gagner la bataille de l’énergie et de la production », a-t-elle rappelé. Dix-sept ans après l’ouverture de son capital et son entrée en bourse fin 2005, l’entreprise est toujours largement aux mains de l’État, qui contrôle actuellement 83,88 % des actions de la compagnie d’électricité. Les employés en détiennent 1 % et les actionnaires institutionnels et individuels les 15 % restants. Suite à cette nouvelle, les actions de la société ont augmenté de plus de 15 % à la bourse de Paris. La décision de renationaliser EDF n’a pas été une totale surprise. Lors de sa campagne de réélection en avril, Macron a prôné la nationalisation de l’entreprise pour renforcer l’indépendance énergétique de la France et son ambition zéro émission par la construction de nouvelles centrales nucléaires.

De plus, ce n’est un secret pour personne qu’EDF est en grande difficulté financière. Un problème de corrosion affecte une partie non négligeable de ses réacteurs nucléaires, 12 sur 56 – obligeant l’entreprise à revoir ses objectifs de production à plusieurs reprises cette année. La situation a été aggravée par la décision du gouvernement d’instaurer un bouclier tarifaire pour les consommateurs français afin d’éviter une explosion des prix de l’énergie et donc de l’inflation, qui, selon Mme Borne, reste aujourd’hui « la plus faible de la zone euro ». Mais les économies réalisées par les consommateurs et les petites entreprises, à qui le gouvernement a promis en janvier que leur facture d’électricité n’augmenterait pas de plus de 4 % en 2022, coûtent à EDF, qui a été contrainte de fournir aux fournisseurs alternatifs français de l’électricité nucléaire à des prix bien inférieurs à ceux fixés par le marché.

En outre, l’énergéticien français a subi plusieurs revers, comme l’énorme retard de plus de dix ans dans la construction de son nouveau modèle de réacteur, l’EPR, qu’il installe à la centrale de Flamanville et dont le prix a quadruplé pendant ce temps. La renationalisation « permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener à bien, le plus rapidement possible, les projets ambitieux qui sont essentiels pour notre avenir énergétique », a déclaré Borne. Au-delà de la reprise du contrôle total d’EDF, le Premier ministre a insisté sur la nécessité de réformes profondes pour lutter contre le changement climatique. « Nous serons la première grande nation verte à abandonner les combustibles fossiles », a-t-elle promis. Mais la situation géopolitique, tout comme la situation environnementale, exige également des efforts de la part de chacun pour « consommer moins », a-t-elle souligné.

« Bien que notre pays soit moins dépendant du gaz russe que nos voisins, nous ne pouvons pas croire ou faire croire que nous serons à l’abri des décisions unilatérales de la Russie. Si la Russie devait couper ses exportations de gaz, nous serions également touchés », a-t-elle déclaré, prévenant que cela nécessiterait de « prévoir tous les scénarios concrets, même les plus difficiles, et de partager les conséquences avec les acteurs et les Français ». « Nous pouvons tenir le coup, mais nous devrons tous faire notre part », a-t-elle insisté. Lors de son intervention, Borne a déclaré que la transition énergétique française s’articulera autour de deux axes.

« Pour laisser le carbone derrière nous, nous adopterons un mix énergétique équilibré basé sur les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. Nous allons accélérer le déploiement des énergies renouvelables et nous allons investir dans le nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs et des innovations pour l’énergie nucléaire du futur ». Elle a également appelé les Français à ne pas s’adonner au gaspillage d’énergie. « Nous devons éviter toute consommation inutile dans le logement », a-t-elle déclaré. L’annonce de la Première ministre coïncide avec le soutien du Parlement européen, mercredi, pour que le gaz et l’énergie nucléaire soient considérés comme des énergies vertes, une décision qui a suscité la controverse, mais qui permettrait aux deux énergies d’avoir un label vert grâce auquel elles peuvent attirer des investissements de plusieurs millions de dollars.

La nationalisation offre une certaine sécurité sur les finances d’EDF à un moment crucial pour l’entreprise. Le président-directeur général de longue date, Jean-Bernard Lévy, 67 ans, devrait quitter ses fonctions dès septembre. La production nucléaire d’EDF représentait 69 % de l’approvisionnement en électricité de la France en 2021. Cependant, cette année, ce niveau d’approvisionnement devrait tomber à son plus bas niveau depuis plus de trois décennies en raison d’une combinaison de maintenance, de rechargement en combustible et de réparations sur 12 réacteurs.

Par ailleurs, la France a conclu lundi un accord énergétique à long terme avec les Émirats arabes unis pour la fourniture de carburant et de gaz, dans le but de réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe, qui représentait environ 17 % de ses approvisionnements en gaz avant la guerre. Au Royaume-Uni, une décision de planification retardée sur l’avenir de la centrale nucléaire Sizewell C, soutenue par EDF, devrait être annoncée par le gouvernement. Hinkley Point C ne devrait pas être en service avant 2027 en raison des retards de construction.

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