La dette de la France envers la Polynésie française

Remy Legaros
10 Min Read
La France a reconnu sa dette envers la Polynésie
  • Ecrit par Martin Yang

Le président français Emmanuel Macron a déclaré que la France avait une dette envers la Polynésie française. C’est en raison des essais nucléaires qui ont été effectués dans le Pacifique entreles années 1960 et 1970. S’exprimant à Papeete mardi, Macron a déclaré : « Je veux briser le silence aujourd’hui pour faire entendre toute la vérité. Afin qu’elle soit partagée et que le monde entier sache exactement ce qui a été fait et ce qui était connu, et ce qui est connu aujourd’hui. Je prends mes responsabilités et je veux la vérité et la transparence avec vous. »

Paris a effectué 193 essais nucléaires, dont 41 en surface, sur les atolls de Moruroa et Fangataufa en Polynésie française entre 1966 et 1996. Ils étaient tous dans le cadre de son programme de développement d’armes nucléaires. Macron a ajouté que la France avait « une dette envers la Polynésie française ». Il a admis que « nous ne pouvons absolument pas dire que les essais nucléaires étaient propres, non ».

Antony Géros : « Ce pays a tellement souffert de ces essais nucléaires et il continue de souffrir »

Plusieurs organisations politiques de Polynésie française mettent en garde depuis des années contre les effets à long terme des radiations issues des essais nucléaires. “Ce pays a tellement souffert de ces essais nucléaires et il continue de souffrir. Quand on voit que d’éminents scientifiques prédisent maintenant que les maladies dues aux radiations ont un effet transgénérationnel, on se demande ce qu’on va transmettre à nos enfants”, a déclaré Antony Géros, vice-président du parti indépendantiste Tavini Huiraatira, à la chaîne de médias Outre-Mer La 1re, avant la visite de Macron.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Papeete le 17 juillet. Cette manifestation était dans le but de rendre hommage aux victimes de l’un des essais les plus polluants, baptisé Centaure, (réalisé à cette date en 1974 près de Moruroa). Une précédente manifestation avait eu lieu le 2 juillet, date anniversaire du premier essai nucléaire français en Polynésie française. Ces protestations font suite à de nouvelles révélations sur les conséquences des essais au cours des derniers mois. Une enquête intitulée « Toxic », publiée en mars par l’ONG française Disclose, affirme que la population a été exposée à des doses de radioactivité plus élevées que celles annoncées officiellement. Et que la France n’a ni averti ni protégé sa population. “Toxic” affirme qu’après l’essai Centaure, « environ 110 000 personnes ont été dangereusement exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels de l’époque ».

La promesse de Macron pour financer des abris anticycloniques

Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé la présence de sa nation dans le Pacifique lors d’une visite en Polynésie française. Un voyage visant à contrer la domination croissante de la Chine dans la région. Ce voyage visait également à souligner le soutien du gouvernement français aux Polynésiens. C’est aussi à panser les blessures causées par les essais nucléaires français sur les atolls de l’ancienne colonie, à une demi-planète de Paris.

Macron n’a pas présenté d’excuses , mais a reconnu la « dette » de la France envers les Polynésiens concernant les essais souterrains et atmosphériques, qui ont eu lieu de 1966 à 1996. Les manifestants polynésiens ont salué ses paroles, mais ont déclaré qu’ils attendaient de voir s’il allait donner suite à ses actions. Macron a promis de financer des abris anticycloniques. Cet acte était en vue d’aider le territoire insulaire à faire face au changement climatique. l était aussi de renforcer l’aide à la lutte contre la pandémie de COVID-19 dans une région où la plupart des îles n’ont pas d’aéroport et où il faut parfois des heures, voire des jours, pour atteindre les services médicaux d’urgence.

Le leader séparatiste : « La France continue de mentir »

La France a effectué 17 essais nucléaires dans le désert du Sahara en 1966. Le dernier essai a eu lieu en janvier 1996. C’est après que le président de l’époque, Jacques Chirac, eut rompu le moratoire de trois ans décrétés par François Mitterrand. Les essais de Chirac ont suscité des protestations devant les ambassades françaises du monde entier. Selon Toxic, jusqu’à 110 000 Polynésiens pourraient etre victime de ces essais.

Les enquêteurs ont examiné 2 000 pages de documents militaires français déclassifiés. Ils ont découvert que le taux de contamination avait été gravement sous-estimé par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). L’étude a révélé que le CEA a sous-estimé la contamination du sol de plus de 40%. Pourtant, la France a fondé ses indemnisations sur les statistiques du CEA. L’étude indique qu’en dehors du personnel militaire et des sous-traitants, seules 63 personnes avaient été indemnisées cette année. Le leader séparatiste Oscar Temaru affirme que les essais nucléaires constituent un crime contre l’humanité. Ses partisans ont annoncé qu’ils allaient porter plainte contre la France devant la Cour pénale internationale. Temaru affirme que la France continue de mentir et que la majorité des Français soutiennent sa cause.

Le ministère de la Défense : « Il faut permettre à tous les Polynésiens d’accéder à leur histoire »

L’absence d’excuses officielles est également étroitement liée à la question de l’indemnisation. “Reconnaître ce qui s’est passé signifie aussi indemniser massivement la population”, a déclaré Philippe. Il estime à 700 millions d’euros le coût de l’indemnisation des victimes de cancers potentiellement causés par les essais atmosphériques. Nombreux sont ceux qui continuent de réclamer une certaine forme de réparation. Mais ils se heurtent au Comité français d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), qui n’a pas encore reconnu que les retombées nucléaires ont provoqué des cancers. Lors de la table ronde de juillet, il est apparu que les demandeurs avaient besoin d’aide pour constituer leur dossier.

Le CIVEN reçoit 140 à 150 demandes d’indemnisation par an. Le nouveau président du CIVEN, Gilles Hermitte, prévoit une augmentation des demandes en cas de décision officielle d’indemnisation. Il est essentiel que ces personnes disposent de la bonne information, a-t-il déclaré à l’AFP. En revanche elles ont besoin d’aide pour « entreprendre les démarches afin d’obtenir les documents nécessaires à leur dossier». La France veut réparer ses relations troubles avec le territoire malgré une histoire qui continue d’empoisonner les relations. Le ministère de la Défense a déclaré qu’il s’engageait à « permettre à tous les Polynésiens d’accéder à leur histoire, à leurs archives et à leurs données sanitaires en toute transparence, pour savoir ce qui s’est passé pendant cette période, tout en préservant certains secrets qui pourraient permettre à des puissances étrangères de commencer à acquérir des armes nucléaires ».

« Face à des pays dangereux », l’arsenal nucléaire français est plus important que jamais. »

Macron a promis d’éliminer « l’ombre » qui plane sur l’histoire nucléaire de la France. Il a défendu la décision de De Gaulle de faire de la France une puissance nucléaire, la qualifiant d’ « importante, visionnaire et courageuse ». Il a déclaré que « face à des pays dangereux », l’arsenal nucléaire français est plus important que jamais. Mais il admet que ce choix a des conséquences. « En effet, nous ne réaliserons pas ces essais nucléaires dans la Creuse (située dans le centre de la France) ou en Bretagne », a-t-il déclaré. « Nous ne pouvons absolument pas dire que l’essai est totalement inoffensif », a admis Macron, affirmant que la France « a une dette envers la Polynésie française. »

Il a confirmé que le gouvernement français est responsable du nettoyage des terres contaminées, de la publication des documents gouvernementaux, de la création d’une agence de médiation permanente entre le pays et la zone locale sur cette question, et de l’accélération de l’indemnisation des résidents locaux. Le gouvernement local a déclaré que 10 ans après la déclaration du premier lot de demandes, seules 186 des 416 demandes ont été résolues.

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