Une victoire électorale retentissante ne garantit pas toujours la stabilité au pouvoir. Le président français Emmanuel Macron a battu la candidate d’extrême droite Marine Le Pen lors des élections présidentielles d’avril. Mais pour gouverner sans souci pendant les cinq prochaines années, il devra revalider sa majorité absolue actuelle lors des élections législatives des 12 et 19 juin. Le rival de Macron n’est plus Le Pen. Elle s’est effacée dans cette campagne et, de toute façon, il est fort probable qu’elle échoue aux élections législatives : aujourd’hui, elle n’a même pas de groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Son rival est Jean-Luc Mélenchon, le leader vétéran de la gauche anticapitaliste et eurosceptique (NUPES), qui apparaît comme la plus grande menace pour le président centriste au cours du nouveau quinquennat.
Mélenchon est arrivé troisième à l’élection présidentielle avec 7,7 millions de voix, son meilleur résultat à ce jour. Il lui manque 400 000 voix pour atteindre le second tour. Il s’est imposé comme l’homme fort de la gauche, et a réussi à réunir sous son aile socialistes, écologistes et communistes. « Elisez-moi premier ministre », répète Mélenchon depuis des semaines. Le slogan est efficace. Cela lui permet d’apparaître comme la seule alternative. Et il projette l’idée que la conquête du pouvoir est possible.
Le leader de la NUPES estime que si la soi-disant Nouvelle Union Populaire Ecologiste et Sociale (NUPES) obtient la majorité à l’Assemblée nationale, le président sera obligé de le nommer à la tête d’un nouveau gouvernement. C’est la revanche des élections présidentielles. Ce ne sera pas facile. Les sondages sont unanimes : Ensemble, c’est le nom de la candidature macroniste, aura le plus de députés. Mais il n’est pas certain qu’il dépasse 289, le seuil de la majorité absolue. Ils ont maintenant 347 adjoints.
Le centrisme de Macron, la gauche de Mélenchon et la droite nationaliste et populiste de Le Pen
Macron, qui a gouverné sans opposition pendant les cinq premières années, pourrait devoir se contenter d’être la première force avec une majorité relative, et non absolue. Ce scénario entraverait le processus législatif et l’obligerait à rechercher des pactes avec d’autres forces. Les élections présidentielles ont consacré la disparition de l’ancien système de partis dans lequel la gauche sociale-démocrate (celle des présidents François Mitterrand et François Hollande) et la droite modérée (celle de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy) alternaient au pouvoir. Un nouveau schéma tripartite s’est consolidé : le centrisme de Macron, la gauche de Mélenchon et la droite nationaliste et populiste de Le Pen. La nouvelle France tripartite prendra forme, avec des nuances, à l’Assemblée nationale.
Une projection de l’Ifop donne les Macronistes entre 275 et 310 sur 577 députés ; les Mélenchonistes (NUPES), entre 170 et 205 ; les Républicains de la droite, qui survivent et gagneraient entre 35 et 55 ; et Le Pen, entre 20 et 50. Les élections législatives sont, en réalité, 577 élections dans 577 circonscriptions. Dans chacun d’eux, les deux qui ont obtenu le plus de voix au premier tour et ceux qui ont obtenu plus de 12,5% des électeurs inscrits (votants plus abstentionnistes) passent au second tour. Chaque district élit un député.
L’avantage des macronistes d’Ensemble, c’est qu’ils sont au centre de l’échiquier face à des options qu’une majorité perçoit comme radicales. Au second tour, leurs candidats devraient rallier les électeurs qui veulent faire barrage aux candidats de Mélenchon ou de Le Pen. Dans ce système, il y a généralement une prime sur le modéré.
« Le projet de Jean-Luc Mélenchon et de Mme Le Pen est le désordre et la soumission »
« Je souhaite que, dans la continuité de l’élection présidentielle, les Français fassent le choix de la solidité d’une majorité stable et sérieuse pour les protéger face aux crises et agir pour l’avenir », a déclaré Macron samedi dans une interview. « Le projet de Jean-Luc Mélenchon et de Mme Le Pen, ajoute-t-il, c’est le désordre et la soumission. » Il fait référence à la prétendue soumission de ses rivaux à la Russie de Vladimir Poutine.
Dans l’interview, Macron a également attaqué la prétention de Mélenchon à devenir premier ministre. Il a souligné que Mélenchon ne brigue même pas de siège à ces élections législatives, alors qu’il n’est pas rare en France que le Premier ministre ne soit pas membre du Parlement. Il a également prévenu que, même si le NUPES devait remporter les élections, il ne serait pas obligé de nommer son leader à la tête du gouvernement : « Aucun parti politique ne peut imposer un nom au président ». Après une élection présidentielle, les Français ont l’habitude de renouveler leur confiance au chef d’État nouvellement élu en lui donnant une majorité parlementaire pour appliquer son programme. Mais cet interrègne entre la présidentielle et les législatives a été compliqué pour Macron.
Le nouveau gouvernement, dirigé par la technocrate de centre-gauche Élisabeth Borne, ne suscite pas l’enthousiasme. Et les problèmes s’accumulent. Deux femmes ont accusé le ministre de la solidarité et des handicaps, l’ancien dirigeant de droite Damien Abad, de viol. Il reste en fonction. À tout cela s’ajoute l’inflation, que le gouvernement veut contrer par des mesures visant à stimuler le pouvoir d’achat.
Même si la gauche ne peut pas gagner, elle pourrait imposer une majorité relative à Macron
Autre obstacle : l’impopularité de la promesse phare de Macron pour le quinquennat, la réforme des retraites et le relèvement de l’âge de la retraite de 62 ans actuellement à 64 ou 65 ans. Une complication supplémentaire est que 15 des 27 ministres, plus le Premier ministre Borne, sont candidats aux élections législatives. Le président a clairement indiqué que ceux qui perdront devront partir. Une complication supplémentaire est que 15 des 27 ministres, plus le Premier ministre Borne, sont candidats aux élections législatives. Le président a clairement indiqué que ceux qui perdront devront partir.
Les élections législatives sont en quelque sorte un plébiscite sur le gouvernement. C’est l’argument des Mélenchonistes, mais ils sont confrontés à une difficulté majeure, similaire à celle de Le Pen : mobiliser un électorat moins enclin à se rendre aux urnes que celui de Macron, dans une élection traditionnellement marquée par une forte abstention.
Les élections législatives sont une question de mobilisation. Si Emmanuel Macron se mobilise, il gagne. Si la NUPES mobilise son camp, elle peut gagner de nombreux députés et, même si elle ne peut pas gagner, elle pourrait imposer une majorité relative à Macron.