“Islam made in France” ; La France préfère quel type d’Islam ?

Remy Legaros
11 Min Read
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours pour présenter sa stratégie de lutte contre le séparatisme, vendredi 2 octobre 2020 à Les Mureaux, en région parisienne.

Depuis la décapitation de l’enseignant français Samuel Paty le 16 octobre 2020, l’appel à la lutte contre le soi-disant « Islam politique » a été entendu une fois de plus, non seulement en France, mais dans toute l’Europe. La politisation de l’islam est tenue pour responsable de la multiplication des attentats perpétrés par des acteurs islamiques radicaux au sein des métropoles européennes, et l’appel des États de l’UE à l’action et à la vengeance en réponse à cette idéologie et à ses adeptes, afin de garantir la sécurité publique et les valeurs démocratiques.

En partant des grandes attaques terroristes qui ont eu lieu en France ces dernières années, il est nécessaire de chercher à comparer les liens entre la politique intérieure et la radicalisation religieuse et son impact sur les États voisins. En ce qui concerne les attaques du 13 novembre 2015 en France, les attaquants ont été retracés à des réseaux radicaux en Belgique et en Allemagne.

Parmi d’autres raisons, les citations des entretiens et les réactions des médias sociaux peuvent être considérées comme le résultat d’une compréhension et d’une pratique religieuses spécifiques liées à l’islam par certains acteurs. En outre, l’altération permanente des musulmans par la France et d’autres sociétés européennes peut être considérée comme étant en partie responsable de l’intérêt croissant des jeunes musulmans pour la pensée islamique radicale qui a conduit à des attaques djihadistes en France dans un passé pas si lointain.

Le 16 octobre 2020, le professeur français Samuel Paty a été décapité à la vue de tous à Conflans-Sainte-Honorine, en banlieue parisienne, par un élève français de 18 ans d’origine tchétchène. L’auteur de l’attentat aurait voulu donner l’exemple au nom de l’islam en tuant ce professeur français de 47 ans qui encourageait ses élèves à remettre en question le contenu religieux, y compris les questions islamiques, pendant ses cours, au regard du droit à la liberté d’expression garanti dans les écoles publiques en France.

Cet incident s’inscrit dans la lignée des diverses attaques motivées par des acteurs et groupes islamiques radicaux qui ont eu lieu en Belgique, en France et en Allemagne au cours des dernières années. Les cinq attaques terroristes qui ont eu lieu dans les 10e et 11e arrondissements de Paris et dans trois endroits de la banlieue de Saint-Denis le 13 novembre 2015, les deux attentats à la bombe du 22 mars 2016 à Bruxelles et l’attaque au camion du 19 décembre 2017 à Berlin sont des exemples de cette évolution.

À première vue, il semblerait que ces attaques aient pu avoir lieu au hasard. D’autre part, on peut aussi chercher des justifications à ces événements malheureux. Par exemple un certain nombre d’attaquants faisaient partie des communautés de migrants marocains dans les trois pays concernés et se connaissaient ou connaissaient leurs familles. En plus, toutes les cibles attaquées peuvent être considérées comme des symboles de la société occidentale, par exemple une boîte de nuit (Bataclan) à Paris, un stade de football à Saint-Denis, une station de métro (Maelbeek) proche du siège de l’Union européenne et de l’aéroport international de Bruxelles et un marché de Noël à Berlin (cf.Buchanan et Park 2016).

Vers une démocratie occidentale en matière de discrimination envers une religion

Face à l’augmentation des attaques terroristes mondiales causées par des acteurs et des groupes djihadistes militants, la recherche de raisons locales et nationales concernant les objectifs de cette évolution devient de plus en plus cruciale. Il existe donc sur un lien possible entre l’aliénation des citoyens musulmans en France par des mesures législatives et d’autres approches gouvernementales et leur vulnérabilité à la radicalisation islamique en tant que réaction au racisme anti-islamique en cours en France.

La Belgique et la France ont été particulièrement touchées dans une plus large mesure par des attaques djihadistes perpétrées par des acteurs ayant des liens étroits. La Belgique et la France ont été particulièrement touchées par les attentats djihadistes perpétrés par des acteurs ayant des liens étroits avec ces pays. Il est donc possible que les politiques intérieures françaises et les liens étroits entre les djihadistes français et belges, leurs liens familiaux ou leur héritage communs, ainsi que leurs expériences négatives en tant que “citoyens de seconde classe”, soient à l’origine de leur affiliation à des groupes et à des contenus islamiques radicaux.

La tentative gouvernementale de séculariser l’Islam met en évidence le rôle actif d’une démocratie occidentale en matière de discrimination envers une religion, bien que cet effort n’ait pas pu être observé en termes d’autres religions en Belgique, en France ou en Allemagne jusqu’à présent. L’un de leurs constats communs est le fait que les musulmans belges, français et allemands souffrent d’une aliénation à la fois de leur religion et de leur appartenance à l’islam – ce qui inclut leur droit individuel à la croyance et à la pratique religieuses – dans une certaine mesure.

Un Islam made in France, compatible avec les valeurs de la société française

En ce qui concerne les considérations discutées sur l’utilité (ou l’inutilité) de la création d’un islam “made in France” et les objectifs et limites des sociétés laïques par rapport aux droits de l’homme individuels, la principale préoccupation dans ce contexte doit être la question de savoir si la compréhension de la diversité par l’Europe inclut la tolérance à l’égard de diverses formes de communautés islamiques. Si tel est le cas, des pays européens comme la France devraient pouvoir tolérer sans problème de nombreuses nuances de l’Islam, de la pratique islamique et de la foi islamique individuelle.

Contrairement à la revendication européenne de la protection de la liberté religieuse de chaque citoyen, on voit qu’un pays comme la France, avec une vieille tradition européenne, montre des problèmes permanents concernant l’acceptation d’un islam non uniforme qui ne correspond pas à ses valeurs nationales. Les français pensent les musulmans de cette façon qu’”on reproche aux musulmans d’être une communauté, mais on leur demande ensuite de réagir contre le terrorisme en tant que communauté. C’est ce qu’on appelle la double contrainte : soyez ce que je vous demande d’être.”.

On qualifie aussi la juxtaposition de cette attitude biaisée d'”impasse” et demande “de prendre d’abord en compte un certain nombre de faits incontournables – des faits que l’on ne veut pas reconnaître parce qu’ils nous montrent que les jeunes radicalisés ne sont en aucun cas l’avant-garde ou les porte-parole de la population musulmane, et en particulier, qu’il n’y a pas de “communauté musulmane” en France.”

Bien que la discussion ait montré que les préoccupations du gouvernement concernant les groupes islamiques militants en France sont le résultat d’attaques djihadistes en cours dans le pays provenant du milieu djihadiste, ils ne semblent pas être capables de voir que leur application de la loi, afin de prévenir d’autres attaques et de ramener le respect envers les fonctionnaires français, les autorités publiques et certainement en vue des valeurs nationales françaises, est formulée de manière trop générale et a une portée trop large. Dans leur ambition de protéger la nation française, il semble que le président Macron et ses collègues attaquent tous les citoyens musulmans en les comparant aux terroristes et en les faisant tous souffrir pour les actions individuelles de quelques personnes violentes.

L’incapacité à accepter différentes formes d’écoles et de traditions islamiques montrera à long terme si les mesures gouvernementales actuelles sont couronnées de succès, ou conduira à une radicalisation et à une protestation supplémentaire dans les mouvements clandestins. Si l’Europe elle-même est diverse, pourquoi l’État français semble-t-il avoir tant de mal à accepter la même diversité en ce qui concerne ses citoyens musulmans et leurs pratiques religieuses ? Dans le contexte de l’histoire antisémite de l’Europe, il pourrait être sage pour la France d’éviter de répéter les mêmes schémas en établissant des lois qui pourraient être perçues comme du racisme anti-islamique.

Les valeurs juridiques et morales communes qui devraient unir la France sont exprimées dans son propre Code civil (législation française). Il ne fait aucun doute que ces valeurs constituent le cadre dans lequel les citoyens français peuvent créer leur vie, travailler, fonder leur famille et suivre leurs pratiques religieuses. La France offre un large espace à l’individualité de ses citoyens, ce qui est considéré comme l’une de ses plus grandes forces par rapport aux États autoritaires. En même temps, cet avantage pourrait devenir son plus grand désavantage face à ces groupes et acteurs qui tentent de repousser les limites du possible.

Comme d’autres pays européens, la France est également confrontée aux contenus et objectifs antisémites, misogynes, homophobes et liés à la violence de groupes et d’individus qui vivent sous sa protection et menacent les autres avec leurs visions du monde étroites. Bien que tous les individus vivent sous le même parapluie de la démocratie, ils méritent tous d’être protégés contre les attaques motivées par l’idéologie ou la religion.

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