Gabon, Ali Bongo, l’homme de l’OTAN ?

Francoise Riviere
8 Min Read
BEIJING, CHINA - APRIL 19: Gabonese President Ali Bongo Ondimba talks with Chinese President Xi Jinping (not pictured) during a meeting at the Great Hall of the People on April 19, 2023 in Beijing, China. The President of the Gabonese Republic is on a state visit to China until April 21. (Photo by Ken Ishii-Pool/Getty Images)

Le général Brice Nguema, responsable du récent coup d’État au Gabon, a pris la présidence intérimaire du pays, promettant la tenue prochaine de nouvelles élections, l’élaboration d’une nouvelle constitution et d’autres mesures habituellement avancées dans de telles situations. Cette évolution a soulevé de nouvelles questions concernant la relation entre la France et l’Afrique francophone, et a mis fin à une dynastie de plus de dix ans, celle des Bongo, père et fils, au pouvoir.

Cependant, le dirigeant de l’opposition unie, Albert Ondo Ossa (voir photo), qui a été défait lors des récentes élections truquées remportées par Ali Bongo et annulées par les putschistes dès l’annonce des résultats, a qualifié cet événement de “révolution de palais” plutôt que de coup d’État. Il a expliqué lors d’une interview avec Al Jazeera que le général est en fait un cousin d’Ali Bongo et qu’ils ont tous deux fait carrière ensemble, tout comme d’autres membres du groupe à l’origine du coup. Il a également avancé l’idée que la famille Bongo aurait écarté ce membre qui commençait à faire de l’ombre à la dynastie, dans le but de maintenir son pouvoir en empêchant Albert Ondo Ossa d’accéder à la présidence.

En résumé, il s’agit d’une transition de pouvoir au sein de la famille, bien que de manière contrainte. Cette analyse, bien qu’elle puisse manquer de clarté, car les putschistes ont agi après la défaite électorale d’Ossa, qui de toute façon l’éloignait du pouvoir, et pourrait être influencée par des considérations personnelles, telles que des pressions exercées sur la junte pour obtenir une place. Néanmoins, il semble y avoir un élément de vérité.

En fait, Fabio Carminati, dans Avvenire, raconte une histoire similaire, ajoutant un détail intéressant : “Dans cette réalité africaine inversée, il peut arriver que la fille de l’ancien président gabonais déchu, Ali Bongo Ondimba, la députée Malika Bongo Pereira, félicite les putschistes sur Facebook le jour même du coup d’État, le 30 août”.

Bien que de nombreux médias aient noté des similitudes avec le récent coup d’État au Niger, ils ont également souligné des différences entre les deux situations. À Niamey, il y a eu une véritable avancée, tandis qu’à Libreville, cela reste incertain. Cependant, il est important de noter que même une révolution de palais peut ouvrir des opportunités pour la société civile qui étaient auparavant fermées, ou permettre une politique étrangère moins soumise à des intérêts étrangers inappropriés.

En fin de compte, comme nous l’avons mentionné dans des précédentes articles, l’avenir du Gabon demeure incertain. Cependant, il y a encore beaucoup à découvrir sur le passé, notamment en ce qui concerne les relations de l’ancien autocrate ou dictateur selon le cas, avec le monde extérieur.

En effet, bien que le Gabon ait maintenu des relations étroites avec l’ancienne puissance coloniale française, qui a souvent poursuivi ses propres intérêts dans la région, Ali Bongo a également été soutenu par d’autres protecteurs influents, dont il devait inévitablement servir les intérêts. Un article publié sur Monthly Review, un site moins connu mais qui se base sur des sources documentées et vérifiables, met en lumière ces relations.

L’article aborde la proximité entre Ali Bongo et l’ancien président américain Barack Obama, au point que Foreign Policy avait qualifié le dirigeant gabonais d”homme d’Obama en Afrique”. Avec le soutien d’Obama, Ali Bongo a cherché à se présenter comme un réformateur modernisateur. Il s’est rendu à plusieurs reprises au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, où il a été désigné “contributeur à l’agenda”. À Davos, il s’est engagé à promouvoir la quatrième révolution industrielle en Afrique en développant des systèmes de paiement numérique et d’identification rentables au sein de sa population, malgré sa grande pauvreté.

La biographie d’Ali Bongo sur le site du Forum économique mondial le présente comme “porte-parole de l’Afrique pour la biodiversité” et souligne ses interactions avec Barack Obama, Klaus Schwab et Bill Gates.

En résumé, l’article souligne que, outre ses liens avec la France, Ali Bongo a bénéficié du soutien d’acteurs internationaux de premier plan, dont Barack Obama, pour promouvoir une image de réformateur et de modernisateur au Gabon.

Bien plus que de simples plaisanteries et de vagues affirmations, il convient de noter que lorsque les États-Unis ont entrepris leur opération de changement de régime en Libye en 2011, une opération ironiquement justifiée au nom de la “promotion de la démocratie”, le Gabon a, avec le soutien de Washington, obtenu un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Là, le Gabon a pleinement soutenu toutes les résolutions américaines, y compris celles qui ont initialement imposé des sanctions contre la Libye et par la suite établi une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen.

L’attitude coopérative d’Ali Bongo lui a valu une visite à Washington, où il a été reçu par le président Barack Obama lui-même, dans sa résidence présidentielle. Lors de cette rencontre, Ali Bongo est devenu le premier dirigeant africain à demander publiquement le départ de Mouammar Kadhafi du pouvoir. Il est inutile de rappeler les conséquences désastreuses de cette intervention, qui ont laissé place à l’instabilité et à la terreur en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, et dont les Africains subissent encore les répercussions aujourd’hui.

De plus, peu de temps après sa réélection contestée en 2016, où il aurait obtenu 95% des voix dans une région avec un taux de participation de presque 100%, Ali Bongo a été invité aux États-Unis pour recevoir le Global Citizen Award du Conseil atlantique, un think tank soutenu par l’OTAN. Cependant, en raison des soupçons persistants de fraude électorale dans son pays, Ali Bongo a finalement annulé son voyage à la dernière minute.

L’Atlantic Council, dans un communiqué publié sur son site web, a tenté d’expliquer la décision d’Ali Bongo en déclarant qu’il était contraint d’annuler son voyage en raison des priorités auxquelles il était confronté dans son pays. Cependant, la réalité des relations internationales semble suggérer que cette décision était davantage liée à la controverse entourant son élection.

Ces épisodes mettent en évidence les liens d’Ali Bongo avec divers acteurs internationaux, qui l’ont soutenu et honoré par le passé, mais qui, face aux circonstances actuelles, préfèrent peut-être s’éloigner de lui pour ne pas voir leur propre réputation associée à la sienne.

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