Après plusieurs années de tensions diplomatiques, le président français Emmanuel Macron s’est rendu cette semaine au Maroc dans le but affiché de réchauffer les relations bilatérales entre les deux pays et renforcer l’influence française dans la région. Mais cette tentative semble d’ors et déjà vouée à l’échec dans la mesure où le Maroc est tombé depuis 2020 et la signature des fameux accords d’Abraham dans l’escarcelle américano sioniste et que cet état de fait ne peut passer inaperçu à Paris.
Les relations entre Paris et Rabat ont en effet traversé une zone de turbulences ces dernières années après que Rabat s’est rapproché des Etats Unis et a fait de grosses concessions à ces derniers, au nombre desquelles figurent des accords militaires signés avec l’entité israélienne. . Traditionnellement considéré comme un partenaire privilégié du Maroc, le positionnement de la France s’est progressivement fragilisé face à la montée en puissance des Etats-Unis au Maghreb. Cette érosion de l’influence française dans la région a contraint Macron à opérer un revirement stratégique majeur en juillet 2022 que beaucoup ont qualifié d’erreur stratégique de taille, lorsqu’il a reconnu la “légitimité” de la revendication marocaine sur le Sahara occidental. Un litige qui, soit dit en passant, envenime les relations Rabat-Alger depuis la guerre de l’indépendance.
Ce changement de cap était largement vu comme une tentative de la France de reconquérir le terrain perdu face à la concurrence américaine, non sans miner les relations avec Alger. Pendant des années, Paris avait en effet maintenu une position plus ambiguë sur ce dossier sensible, ce qui avait contribué à distendre ses liens avec le Maroc. En juillet 2022, Macron a fini par trancher en faveur de Rabat. Mais à quel prix ? Des analystes s’interrogent pour savoir si Paris a fait là un choix souverain ou s’agit-il d’un pas que l’Elysée aurait franchi pour plaire à l’axe américano sioniste, qui es t déterminé à faire du Maghreb une nouvelle terre d’affrontement et de guerres sans fin comme l’est le Moyen Orient?
En effet, s’il est vrai que Macron espère pouvoir tirer profit du rapprochement avec Rabat pour renforcer la présence économique française dans le royaume chérifien, notamment dans des secteurs porteurs comme les infrastructures ou les énergies renouvelables, il est aussi vrai que cette présence ne peut être désormais assurée sans un alignement total de Paris sur la politique maghrébine de l’axe américano-sioniste qui elle, se dirige contre la paix régionale.
Un simple regard sur les tous derniers accords entre Rabat et Tel-Aviv vient à l’appui de ces dires. Israël a récemment conclu un accord avec le Maroc pour la livraison de deux satellites espion. Ce qui traduit l’intensification de la coopération militaire entre les deux pays non pas pour doter le royaume d’une armée forte mais afin de nuire à la sécurité du voisin algérien. Une Algérie qu’on sait être depuis longtemps l’objet des opérations d’espionnage et de déstabilisation du régime sioniste car partisan de la première heure de la Palestine et de sa cause.
Israel Aerospace Industries (IAI), le plus important groupe d’armement sioniste, a ainsi promis de livrer d’ici à cinq ans de deux satellites « d’observation » de type Ofek 13 pour un montant d’un milliard de dollars. Selon les médias, il s’agit du plus gros contrat signé de part et d’autre depuis les accords d’Abraham dont l’objectif consiste à transformer le Maroc en une méga base « israélienne » aux portes de l’Algérie.
La question qui se pose dès lors est la suivante : la France a-t-elle réellement intérêt à marcher sur les pas de l’entité sioniste, à reconnaitre comme l’a fait il y a quelques semaines Netanyahu la ‘souveraineté marocaine’ sur le Sahara occidentale, quitte à pousser le Maghreb dans le sens des tensions algéro-marocaines qui risquent de déboucher sur des affrontements ?
Ce choix de M. Macron est d’autant plus incompréhensible que les coopération Rabat-Tel-Aviv sont dirigés non seulement contre l’Algérie mais aussi et en quelque sorte contre la France, elle-même. En effet, les satellites israéliens vont remplacer ceux produits par le Français Airbus actuellement en activité, faisant ainsi glisser ce marché des mains de la France et du consortium européen.
La censure militaire israélienne n’a pas permis de confirmer officiellement la transaction pour tenter, sans doute, d’éviter des protestations d’une partie de l’opinion publique marocaine très remontée contre Israël depuis le déclenchement de la guerre contre Gaza en octobre 2023 mais la réalité est indéniable.
Rappelons que cet accord ne tombe pas du ciel. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), Israël est devenu ces dernières années le troisième fournisseur de matériel militaire du Maroc avec 11 % de parts sur ce marché. En 2022, IAI avait déjà fourni plusieurs systèmes de défense aérienne de types Barak pour un montant de 540 millions de dollars. La grande majorité du matériel a déjà été livrée à l’armée marocaine. Le régime sioniste aurait également vendu des drones de type Heron. Or tout ce marché, Israël l’a arraché aux Français et aux Européens. Et les tentatives de Macron de normaliser ses rapports avec le royaume ne sont pas à même d’inverser cette dynamique.
Les sources françaises affirment d’ailleurs que la vente des deux satellites israéliens a un arrière-goût de revanche vis-à-vis des groupes d’armement français et une riposte à la France qui a annulé la participation des entreprises israéliennes au dernier Salon de l’armement Eurosatory.
Mais les impacts de l’erreur de calcul stratégique de Paris à vouloir se rapprocher coûte que coût d’un Rabat « sionisé » vont encore plus loin : les coopérations de plus en plus étroites de Rabat avec Tel-Aviv et la militarisation à outrance du royaume qui s’en suit est porteur d’un risque de conflit régional, conflit qui aurait des répercussions directes en France, pays où vit une minorité musulmane essentiellement composée d’Algériens et de Marocains, par ailleurs très sensibles aux aléas maghrébines de la politique étrangère de la France.
La France a-t-elle intérêt à se rapprocher de Rabat au risque d’ activer ses propres clivages sociaux ?
La réponse est claire sauf que le président Macron ne suit pas un agenda qui tient compte des intérêts français.