Emmanuel Macron est désormais le nouveau leader de l’Europe. Le président français dispose d’un nouveau mandat électoral. Au cours des cinq prochaines années, il s’en servira pour tenter de transformer non seulement la France, mais aussi l’Europe.
Si Macron réussit vraiment, son deuxième et dernier mandat verra l’UE émerger comme une puissance géopolitique majeure, au même titre que la Chine et les États-Unis. Cet objectif de création d’une superpuissance européenne peut sembler lointain, voire illusoire. Mais les circonstances se conjuguent pour donner à Macron sa meilleure chance de faire avancer cette vision.
Pendant son premier mandat, Macron a souvent été éclipsé par Angela Merkel. Mais Merkel a quitté son poste de chancelière allemande. Son remplaçant, Olaf Scholz, manque de charisme et a connu des débuts incertains. Macron, avec le prestige accru que lui confère sa réélection, cherchera à apporter des idées et du dynamisme à l’UE.
La vision de Macron pour la France et sa vision pour l’Europe ont toujours été inséparables. Après ses deux victoires à l’élection présidentielle, dimanche soir et en 2017, il est monté sur scène au son de l’hymne européen, l’ « Ode à la joie » de Beethoven. Pendant une grande partie de son premier mandat, les projets du président français pour l’Europe ont reçu un accueil froid à Berlin. Mais la percée sur la dette commune a fini par se faire. Cela encouragera Macron à croire qu’il peut gagner la prochaine série d’arguments sur l’intégration européenne.
Un pacte de défense signé par la Grèce et la France
Le président français a des alliés importants au sein de l’UE. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, partage son désir d’une Europe « géopolitique ». Macron entretient également des relations avec Mario Draghi, le Premier ministre italien. Le dirigeant français entretient également une relation étroite avec Kyriakos Mitsotakis, le premier ministre grec. La Grèce et la France ont récemment signé un pacte de défense, reflétant leur préoccupation commune à l’égard de la Turquie. Mais les obstacles à la réalisation de la vision de Macron restent également redoutables. Le président français peut être charmant et brillant. Il peut aussi être arrogant et rebutant.
Macron est prompt à s’offenser et à le faire. Son premier mandat a été ponctué de querelles diplomatiques flamboyantes. En 2019, la France a retiré son ambassadeur d’Italie, en signe de protestation contre ce qu’elle considérait comme des attaques infondées et des revendications farfelues de la part de ministres italiens. Pendant la récente campagne électorale, Macron a qualifié le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, d’antisémite d’extrême droite. Il est très inhabituel que des dirigeants européens s’attaquent mutuellement en ces termes, ce qui jette de sérieux doutes sur la capacité de Macron à unir l’UE-27.
Les relations du président français avec ses alliés hors de l’UE ont également été tendues. En 2021, la France a retiré ses ambassadeurs des États-Unis et d’Australie (très brièvement) après la signature secrète du pacte de sécurité Aukus, qui a entraîné la perte d’un important contrat d’armement français. À Londres, Macron est perçu comme le dirigeant européen le plus hostile à la Grande-Bretagne.
Macron a une grande opportunité de construire l’Europe au cours des cinq prochaines années
Contrairement à ses relations parfois tendues avec les dirigeants des nations alliées, Macron a lancé une offensive de charme ratée visant à établir des liens avec Vladimir Poutine en Russie. Dans les années précédant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France a poussé une tentative unilatérale et infructueuse de rapprochement avec Moscou. Les efforts de Macron pour garder des lignes ouvertes avec Poutine, avant et après l’invasion de l’Ukraine, ont été accueillis avec mépris et suspicion par certains en Europe centrale.
Ce sont ces divisions sur la question critique de la Russie et de l’Ukraine qui constituent aujourd’hui le plus grand obstacle à la vision de Macron pour l’Europe. Dans une grande partie de l’Europe du Nord et de l’Europe centrale, la France est considérée comme trop instinctivement hostile à la puissance américaine, et trop désireuse d’une éventuelle réconciliation avec la Russie, pour être un leader stratégique fiable.
A la suite de la guerre en Ukraine, de nombreux pays de l’UE sont maintenant plus désireux que jamais de garder la Grande-Bretagne et les États-Unis dans la pièce lorsque la sécurité européenne est discutée. Ils se méfient donc du discours français sur l’autonomie stratégique de l’UE. L’importance renouvelée de l’OTAN est signalée par le nouvel intérêt de la Finlande et de la Suède (toutes deux membres de l’UE) à rejoindre l’alliance.
Macron a une grande opportunité de construire l’Europe au cours des cinq prochaines années. Mais le succès pourrait exiger plus que du brio et de l’énergie. Il faudra aussi des qualités pour lesquelles le président français est moins connu : la patience et l’empathie.
La réélection de Emmanuel Macron ; un résultat positif pour la France
La réélection du président Emmanuel Macron est un résultat positif pour la France, l’UE, l’alliance occidentale et la démocratie libérale dans le monde. Sur ces quatre plans, une victoire de Marine Le Pen, son adversaire d’extrême droite, aurait été tout simplement désastreuse. Toutefois, le deuxième mandat de Macron promet d’être encore plus difficile que le premier, qui a été marqué par une résistance farouche à ses réformes intérieures, par la pandémie et, dans les derniers mois, par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Avec sa victoire de 58,5 % contre 41,5 % sur Le Pen dimanche, Macron est devenu le premier président français à être réélu depuis Jacques Chirac en 2002. C’est un hommage aux compétences politiques et administratives dont il a fait preuve depuis 2017 qu’il n’ait pas perdu la confiance des électeurs à la manière de Nicolas Sarkozy et François Hollande, ses prédécesseurs immédiats. Au cours de son premier mandat, il a remporté des succès notables qui leur ont échappé, comme la réduction du chômage, l’adoption de mesures pro-entreprises bien conçues et l’attribution à la France d’un rôle plus dynamique et constructif dans les affaires européennes.
Pourtant, Macron doit également sa victoire aux faiblesses de Le Pen et à ses projets superficiellement attrayants mais malavisés, voire dangereux. Dans une certaine mesure, l’accent mis par sa campagne sur les questions liées au coût de la vie a porté ses fruits. Sa part du vote était de loin la plus élevée de tous les candidats anti-establishment depuis la naissance de la Cinquième République en 1958. Elle a reçu son plus fort soutien des électeurs âgés de 25 à 59 ans.
Une possibilité de cohabitation dans le nouveau gouvernement de Macron
Le Pen a souffert de ses propositions économiques incohérentes, de ses sympathies pro-russes et de la perception fondée de millions d’électeurs qu’elle était plus extrême sur des questions telles que l’immigration que ne le laissait supposer sa nouvelle image de bon sens patriotique. La défaite du premier ministre slovène Janez Jansa aux élections législatives de dimanche a constitué un nouveau revers pour le populisme de droite en Europe.
Maintenant, Macron doit conserver sa majorité parlementaire absolue, ou au moins s’assurer qu’il a une coalition gérable de législateurs derrière lui, lors des élections à deux tours de l’Assemblée nationale les 12 et 19 juin. Il n’est pas sans précédent qu’un président français gouverne avec une minorité législative et un premier ministre issu d’un groupe politique différent. Mais une telle cohabitation tend à produire des frictions entre des personnalités et des branches du gouvernement concurrentes, ce qui dilue l’efficacité de l’élaboration des politiques.