Emeute des réfugiés afghans à Paris : nouveau défi pour le gouvernement

Francoise Riviere
11 Min Read

Samedi 20 avril, la capitale française a été le théâtre de violences de rue de la part des réfugiés afghans. Alors que les troubles sont passés inaperçus dans la grande presse, la droite nationale a condamné l’aveuglement volontaire des médias nationaux. Les violences ont été déclenchées par un sordide épisode de meurtre et d’incendie criminel survenu le 7 avril rue de Charonne, dans le 11e arrondissement de Paris.

Un rassemblement en hommage aux victimes a été organisé par la communauté afghane samedi 20 avril dans l’est parisien. L’atmosphère était particulièrement tendue et la manifestation a dégénéré en violence et en destruction. Aurélien Véron, homme politique parisien de droite proche de Rachida Dati, s’interroge à haute voix sur les causes exactes de la colère des Afghans descendus dans la rue.

Ces violences, qui relancent le débat sur la politique migratoire de la France, mettent en lumière la politique à géométrie variable du gouvernement Macron à l’égard des réfugiés et sonnent comme un avertissement sur l’épineuse question de la sécurité à l’approche des Jeux Olympiques de 2024.

Une manifestation de réfugiés afghans qui dégénère en émeute

Le 7 avril 2024, un incendie a fait trois morts au 146, rue de Charonne dans le 11e arrondissement parisien. Du moins en apparence, puisqu’il s’est avéré que deux des victimes avaient préalablement pris des balles dans la tête. C’est peut-être le tueur qui s’est tué en se défenestrant, pour échapper à l’incendie qu’il avait allumé afin de faire disparaître toute trace de son forfait. Un règlement de comptes entre Afghans ? Peut-être mais il est aussi possible qu’il s’agisse d’un crime raciste. Samedi, la communauté afghane a organisé une marche blanche pour demander au gouvernement français une enquête approfondie. La manifestation ayant dégénéré était, selon la préfecture de police de Paris, une mobilisation en hommage aux victimes de l’incendie du 7 avril 2024 rue de Charonne.

Au moment de la dispersion de la mobilisation parisienne du 20 avril, « certains des quelques 200 manifestants, qui s’étaient maintenus sur place, sont partis en cortège sauvage, rapidement bloqués par les forces de l’ordre », a fait savoir le lendemain sur X la préfecture. Selon la même source, les autorités ont procédé à l’interpellation de quatre individus ayant commis notamment des dégradations de mobilier et la situation serait revenue au calme environ vingt minutes plus tard. Les forces de l’ordre ont fait usage, dans ce contexte, de grenades lacrymogènes.

Ces incidents ne sont pas sans rappeler ceux qui émaillèrent les manifestations de décembre 2022 après la mort de trois Kurdes à Paris. S’agissant de la communauté afghane, on ne peut plus parler d’une minorité. Depuis six années consécutives, les réfugiés afghans représentent la première nationalité en nombre de demandes d’asile en France. Ainsi, 82.761 Afghans sont arrivés en France, en six ans. Soit l’impact direct d’une guerre dévastatrice que les USA ont lancée en 2001 contre l’Afghanistan et qui s’est soldée 20 ans plus tard par la débandade totale des troupes US et de ses alliés de l’OTAN dont la France.

La droite française dénonce l’incapacité de l’État à assurer la sécurité du pays

Un silence gêné entoure les manifestations des réfugiés afghans en France. Lundi 22 avril, il était encore difficile de retrouver la moindre trace de la manifestation dans la presse, hormis des vidéos d’individus postées sur les réseaux sociaux et relayées par des personnalités politiques de droite qui n’ont pas hésité de passer allègrement sur les tares de la politique extérieur de la France quitte à dénigrer les étrangers en général et les Afghans en particulier.

Jordan Bardella, chef du parti Rassemblement National aux prochaines élections européennes, a ainsi exprimé son indignation sur X en relayant l’une de ces vidéos : « J’en ai marre que notre pays devienne le paillasson du monde, le pays où les gens peuvent s’évader, avec quoi que ce soit en toute impunité », a-t-il déclaré.

Sa rivale Marion Maréchal, du parti Reconquête, a déploré le silence des médias sur la manifestation afghane et a appelé les émeutiers à « rentrer chez eux, en Afghanistan ».

Certains d’autres regrettent la couverture médiatique quasi-inexistante de ces événements. À part le JDD et CNews, les médias mainstream ont tu cette marche qui fait écho aux erreurs de la politique de l’Elysée dues à son suivisme envers Washington.

La chaîne d’information de droite CNews a évoqué les événements et, par la voix de la journaliste Véronique Jacquier, a dénoncé une « logique de conquête de la rue » se nourrissant des travers de l’État.

Le statut des réfugiés afghans en France inquiète les associations

En France la procédure d’asile s’est pourtant complexifiée depuis la fin 2020 pour les Afghans . La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a ainsi changé sa politique concernant les Afghans, premier contingent à réclamer une protection en France avec environ 10.000 demandes par an. Cette institution devant laquelle les migrants refusés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) font appel, appliquait auparavant la « jurisprudence Kaboul ».

À défaut du statut de réfugié, réservé aux cas de persécution individuelle, elle attribuait à l’immense majorité des Afghans une « protection subsidiaire », motivée par la violence aveugle générée par le conflit armé dans la capitale afghane, point de passage obligé en cas de rapatriement.

Mais depuis novembre 2020, la CNDA a officiellement changé de pratique. Elle raisonne désormais au cas par cas, en fonction du niveau de violence estimé région par région, avec un code couleur pour chaque province, du rouge au gris.

Ces nouvelles pratiques inquiètent les associations, notamment après la polémique suscitée par Emmanuel Macron. Au moment où la chute de Kaboul réveillait en Europe le spectre de la crise migratoire provoquée par le conflit syrien, le président a assuré que la France aiderait les Afghans « qui sont les plus menacés », tout en avertissant qu’elle devrait se « protéger contre les flux migratoires irréguliers importants ».

Des propos « indignes de la tradition française de l’accueil et de l’asile », ont fustigé dans un communiqué plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l’homme.

La France accueille-t-elle de la même manière les Ukrainiens et les Afghans?

Le président Emmanuel Macron avait affirmé, dans une interview, que les services de l’État étaient pleinement mobilisés pour « héberger, soigner et accompagner » les déplacés ukrainiens, comme ils l’avaient été « pour les Afghans » lors de la reprise de Kaboul par les Taliban en été 2021. Mais en matière de logement, de visa, d’accès aux soins et au travail, les disparités sont fortes.

InfoMigrants a choisi de comparer les mesures mises en place lors de la guerre en Ukraine, d’une part, et de la crise afghane, d’autre part, deux événements survenus sous le mandat d’Emmanuel Macron.

Pour héberger les Ukrainiens arrivés en France, l’État via les « grands opérateurs d’hébergements » a ouvert 1 137 places supplémentaires, avait indiqué à l’époque le Premier ministre Jean Castex. Paris n’avait pas ouvert d’hébergements supplémentaires pour se préparer à un afflux de ressortissants venus d’Afghanistan. Les réfugiés Afghans, venus des mois plus tard par leurs propres moyens en traversant les frontières à pied, dorment aujourd’hui pour la plupart dans les campements informels de Paris ou de Calais, malgré leur demande de protection.

Dans le domaine de la santé aussi, les disparités sont importantes. Les déplacés ukrainiens bénéficient d’un accès aux soins par le biais de la protection universelle maladie. Les autres demandeurs d’asile peuvent bénéficier de soins mais les procédures sont longues.

Les associations d’aide aux migrants y voient également un deux poids, deux mesures par rapport à l’accueil réservé aux migrants en provenance du Sud.

La sécurité, l’immense défi du gouvernement à trois mois des JO de Paris

Les manifestations violentes des réfugiés afghans surviennent alors la sécurité est l’enjeu majeur pour la réussite des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. À deux semaines de l’arrivée de la flamme à Marseille, le 8 mai, à trois mois, donc, du début des Jeux et d’une cérémonie d’ouverture inédite en plein air, au long de la Seine, la pression est déjà maximale et des défis de taille restent encore à gérer : comme les transports ou la sécurité, dans un contexte international particulièrement tendu.

À l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, la France se mobilise pour assurer la sécurité d’un événement qui captivera l’attention mondiale. L’ampleur du défi sécuritaire est immense, combinant la menace persistante du terrorisme et les contestations socio-politiques. Et c’est dans un pareil contexte que les refugiés se trouvent systématiquement diabolisés.

Les jeux Olympiques à Paris mettent alors sous tension la police et les forces de l’ordre françaises. Aucun des 250 000 policiers et gendarmes ne pourra prendre de congé aux mois de juillet et d’août 2024. Au pic du rendez-vous, le 26 juillet, date de la cérémonie d’ouverture, plus de 35 000 fonctionnaires de sécurité seront mobilisés. Cette situation ne prête-t-elle à ce que « Autrui » soit ostracisé, décrié et jeté à la vindicte publique comme la racine de tous les maux et manquements ?

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