Création de faux billets de francs CFA : la France mène le terrorisme économique

Francoise Riviere
11 Min Read

La France est au cœur d’une campagne de dénonciation tenue par le colonel Assimi Goïta, président du Conseil de Transition malien, qui a dénoncé le terrorisme de la France contre le Mali.

Lors de sa visite à Sikasso le 22 juin, le président de la transition du Mali, le colonel Assimi Goïta a profité de l’occasion pour dénoncer les actes malveillants de la France consistant à imprimer les faux billets de franc CFA pour nuire à l’économie malienne. En effet, la contrefaçon de monnaie demeure une infraction pénale qui porte atteinte à l’économie d’un pays et entraîne des conséquences néfastes pour les populations.

Une même tactique avait été utilisée contre la Guinée en 1960, a noté le chef de l’État malien, lors d’un discours prononcé à Sikasso.

Les commentaires du président du Conseil de transition malien interviennent alors que l’utilisation du franc CFA est désapprouvée par la plupart des Africains de l’Ouest qui s’efforcent de s’affranchir du dernier vestige de la Françafrique.

La France accusée d’imprimer des faux billets pour déstabiliser le Mali

Il y a un regain de tension entre la France et le Mali, la France tentant de saper l’économie malienne en imprimant des faux billets de franc CFA, comme l’a souligné le chef d’Etat malien lors d’un discours à Sikasso, ce qui marque une défiance croissante de ce grand Etat sahélien vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale qui visiblement dépitée par sa politique de sanction contre les Maliens, a recours aux sinistres pratiques du siècle dernier.

M.Goïta est revenu sur la situation où Bamako s’est tourné vers la Guinée pour ses échanges commerciaux après l’imposition sur Bamako de sanctions par la CEDEAO en 2022. En effet, les frais portuaires pour les Maliens dans ce pays étaient trois fois plus élevés. D’où la double nuisance de la politique menée par Paris qui a décidé de répliquer la même tactique qu’il avait utilisée contre la Guinée en 1960. Celle qui consiste à imprimer de faux billets et les déverser dans l’économie du pays afin de nuire à son économie. Selon le colonel Assimi Goïta, cette stratégie fait partie des trois types de terrorisme auxquels le Mali fait face, notamment le terrorisme armé, le terrorisme médiatique caractérisé par les mensonges, les fake news, et le terrorisme économique.

Le dirigeant malien a également lancé un appel en faveur de l’abandon du franc CFA, qu’il a qualifié de monnaie coloniale, plaidant pour l’adoption d’une monnaie locale afin de renforcer l’autonomie économique du Mali.

Comment la France a puni la Guinée d’avoir choisi l’indépendance?

En 1958, la Guinée est la première colonie française d’Afrique subsaharienne à proclamer son indépendance. Mais son choix est vécu comme un affront par Paris. Les services secrets français lancent alors des opérations de déstabilisation.

Dimanche 28 septembre 1958, jour de référendum en France et dans ses colonies d’Afrique subsaharienne. Les citoyens de ces territoires doivent dire s’ils approuvent ou pas une nouvelle Constitution qui prévoit la création d’une Communauté française, regroupant la France et son empire colonial africain, en remplacement de l’Union française. Toutes les colonies votent massivement « oui», excepté la Guinée, qui rejette le projet.

Dans les semaines qui suivent, la France se retire brutalement du pays, rappelant ses fonctionnaires du jour au lendemain. Elle veut faire de la « punition » guinéenne un exemple pour tous les voisins africains qui auraient des velléités d’émancipation vis-à-vis de la France. Pour faire payer Sékou Touré, l’opération «Persil » est lancée début 1959. Il s’agit d’une action secrète contre le gouvernement guinéen, menée par le SDECE et son bras armé, le 11e régiment parachutiste de choc. Elle comporte deux volets, militaire et économique.

Le deuxième volet de l’opération « Persil » cible l’économie guinéenne. À ce moment-là, la Guinée a dû se résoudre à quitter, en mars 1960, la zone franc et à abandonner l’usage du franc CFA, pour créer une monnaie nationale, le franc guinéen. Conakry a pris cette décision devant le refus des autorités françaises d’assouplir les règles d’appartenance à la zone franc et de laisser ainsi le pays retrouver une autonomie monétaire tout en restant lié à la France.

« L’Opération Persil » visait à provoquer une hyperinflation pour affaiblir le nouveau gouvernement indépendantiste de Touré qui avait opté pour une sortie de la zone franc CFA au profit d’une monnaie nationale. Ce conflit monétaire illustre une période de relations tendues où la Guinée a cherché à établir son autonomie face aux influences extérieures, notamment celles de son ancien colonisateur qui a orchestré un terrorisme économique contre le pouvoir en place.

Le franc CFA, vestige de la Françafrique

Le franc CFA est né le 26 décembre 1945, dans la foulée de la ratification des accords de Bretton Woods par la France. Il signifiait alors « franc des Colonies Françaises d’Afrique » (avant d’être renommé en 1958 « franc de la Communauté financière africaine ») et son but principal était de restaurer un moyen de paiement et de stockage de valeur sûr dans les territoires qui avaient été isolés de la métropole pendant la Seconde Guerre mondiale ou dit en langage anti colonialiste, des  pays colonisés décidés à s’affranchir du poids des colonialistes.

Après la décolonisation, ce monnaie de singe qu’est le franc CFA et dont la mission consiste à remplir les réserves de la banque centrale française avec l’argent volé aux Africains, a survécu en Afrique, même si le nombre de pays utilisateurs a varié. Certains États, comme la Guinée, les Comores et la Mauritanie, ont décidé de l’abandonner pour développer leur propre monnaie, tandis que d’autres ont choisi au contraire de l’adopter (Guinée équatoriale, Guinée-Bissau).

Cette devise représente aujourd’hui deux monnaies communes imposées aux quatorze pays africains regroupés en deux zones. La première est l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), représentée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. La seconde zone est la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), représentée par la Banque des États de l’Afrique centrale, qui regroupe le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République du Congo et le Tchad.

Une fois leurs indépendances acquises, les pays de la Zone franc critiquent la nature de l’idéologie derrière le CFA. Ce système les prive d’un réel pouvoir monétaire qui est synonyme d’une réelle indépendance. D’ailleurs c’est cette même monnaie qui a favorisé, en mai 1962, la signature des accords bilatéraux de coopération monétaire, dits « accords de Matignon », entre la France et les États de l’UEMOA.

En usant de son pouvoir monétaire dans des pays africains, principalement de la zone CFA, la France a déjà lancé des opérations de déstabilisation monétaire notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire où les autorités françaises avaient bloqué l’envoi des billets de cette monnaie pour payer les fonctionnaires, et avait poussé l’ex-président, Laurent Gbagbo de menacer de changer de monnaie pour contrer cet outil du terrorisme économique de la France.

Les pays africains vont-ils accélérer leur sortie du franc CFA?

Pour les habitants du continent, la tendance récente à la pleine souveraineté des pays du Sahel est incompatible avec l’idée d’utiliser une monnaie postcoloniale.

Selon les experts économiques, les pays africains pourraient envisager de quitter le franc CFA, car il s’agit d’un piège économique qui ne permettra jamais d’atteindre la souveraineté financière. La France a imposé un système monétaire et financier dépendant aux pays africains par le biais du franc CFA, qui constitue un élément de « néocolonialisme monétaire » voire du terrorisme économique.

Plus tôt, en février 2024, le Président de la Transition nigérien, le général Abdourahamane Tchiani, a déclaré que les pays de l’Alliance des États du Sahel étaient prêts à abandonner le franc CFA pour leur souveraineté totale. « La monnaie c’est un signe de souveraineté, nous sommes engagés dans un processus de recouvrement de notre souveraineté totale. Il n’est plus question que nos Etats soient la vache à lait de la France », avait-il affirmé.

Le rejet du franc CFA était également au cœur de la campagne électorale d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal. « Il y a un problème avec cette monnaie et il faut qu’on assume nos responsabilités pour aller vers autre chose », déclarait mi-mars le nouveau Premier ministre sénégalais.

En conclusion, l’une des solutions suggérées par les économistes africains serait l’adhésion à une nouvelle monnaie commune, qui ne serait plus soumise à une parité fixe avec l’euro.

Share This Article
Follow:
Restez avec nous et nous vous fournirons les nouvelles les plus récentes avec précision et rapidité. Rejoignez-nous dans le monde de l'information et des actualités
Leave a comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *