Accord de sécurité France-Ukraine : enjeux et perspectives ?

Francoise Riviere
8 Min Read

Après avoir passé la journée à Berlin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu le 16 février au soir à Paris où un accord de sécurité France-Ukraine a été signé en présence des deux présidents. Paris et Kiev sont dorénavant liés, pour une durée de dix ans et tant que l’Ukraine n’aura pas rejoint l’OTAN.

En plus de garantir un soutien civil et militaire à l’Ukraine dans la durée, la France s’engage dans ce traité à fournir en 2024 «jusqu’à trois milliards d’euros» d’aide militaire «supplémentaire» à Kiev.

Cet accord de sécurité France-Ukraine intervient au moment où Kiev connaît des difficultés sur le front, tandis que l’aide militaire cruciale des Etats-Unis est retardée par des batailles politiques au Congrès américain.

Un engagement de dix ans

Alors que la guerre lancée le 24 février 2022 par la Russie contre l’Ukraine s’apprête à entrer dans sa troisième année, c’est une nouvelle phase qui s’ouvre : La France s’engage à fournir en 2024 « jusqu’à 3 milliards d’euros » d’aide militaire « supplémentaire » à Kiev, après un soutien qu’elle chiffre à 1,7 milliard en 2022 et 2,1 milliards en 2023. Elaboré à la suite d’un engagement pris par les pays du G7 l’été dernier, l’accord de sécurité franco-ukrainien signé à Paris, comme celui conclu à Berlin, comporte essentiellement des engagements de principe en termes d’appui militaire et civil et vise avant tout à réaffirmer le soutien de la France à l’Ukraine. Les pays du G7 s’étaient engagés à apporter à Kiev un soutien militaire « sur le long terme » afin de l’aider à combattre l’actuelle offensive russe mais aussi dissuader Moscou de toute attaque future contre l’Ukraine.

Ce texte, « conclu pour une durée de dix ans », « comprend des engagements précis, y compris financiers » dans les domaines militaire et civil, selon la présidence française. Cet accord « inscrit non seulement notre soutien dans la durée mais aussi dans une démarche et une logique collectives », a déclaré Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse à l’Elysée au côté de son homologue ukrainien.

Point d’orgue sur l’adhésion de l’Ukraine dans l’UE

Les trois principaux points des engagements français à long terme sont les suivants: « la fourniture d’une assistance globale à l’Ukraine », la « prévention, la dissuasion active » face à toutes nouvelles agressions russes, et enfin le « soutien à l’intégration de l’Ukraine » dans l’UE et à « l’interopérabilité avec l’Otan ».

Sur ce dernier point, « la France confirme que la future adhésion de l’Ukraine à l’Otan constituerait une contribution utile à la paix et à la stabilité en Europe », stipule aussi ce nouveau pacte.

Par cet accord de sécurité France-Ukraine, d’une durée de 10 ans et visant, selon Emmanuel Macron, à combler un « vide » d’ici une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Otan, la France s’engage à fournir une assistance globale à l’Ukraine pour la protection et le rétablissement de son intégrité territoriale dans ses frontières internationalement reconnues, ainsi que pour son relèvement économique et sa reconstruction après la guerre. Elle promet aussi de l’aider à prévenir toute future « agression » de la part de la Russie. Elle entend enfin soutenir les efforts d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et un rapprochement avec l’Otan.

Plus tôt dans la journée, Olaf Scholz et Volodymyr Zelensky ont aussi signé un accord de sécurité similaire qualifié d’« historique » par le chancelier allemand qui a assuré sa détermination à soutenir l’Ukraine « aussi longtemps que nécessaire » contre l’agresseur russe.

Ces deux accords de sécurité devraient donner une impulsion aux États-Unis où une nouvelle aide se prépare difficilement, a affirmé M. Zelensky lors de la conférence de presse à Paris.

L’aide américaine toujours bloquée

Le 12 janvier, le chef du gouvernement britannique, Rishi Sunak, avait signé à Kiev un traité similaire, promettant également davantage d’aides financières ainsi que des armes supplémentaires. Ces accords, qui avaient été promis lors du Sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet dernier, surviennent avec les chancelleries européennes au moment où une aide américaine de 60 milliards de dollars demeure bloquée au Congrès. Ces aides bilatérales s’ajoutent aux 50 milliards d’euros, échelonnés sur quatre ans, que les Européens ont décidé d’allouer le 1er février. Entre janvier 2022 et octobre 2023, selon un décompte du think tank allemand Kiel Institute, les chancelleries occidentales auraient fourni ou se seraient engagées à fournir à l’Ukraine un soutien financier et militaire de 230,4 milliards d’euros.

Le possible retour au pouvoir à la fin de l’année de Donald Trump, qui a menacé de ne plus soutenir certains Alliés face à la Russie s’ils ne payaient pas plus au sein de l’Otan, suscite aussi toutes les inquiétudes.

L’Ukraine manque d’armes et d’hommes

Alors qu’une nouvelle enveloppe d’aide américaine est bloquée au Congrès et face à la menace d’un désengagement de Trump en cas de sa victoire à la prochaine présidentielle américaine, la situation est difficile actuellement sur le terrain pour les Ukrainiens qui manquent d’hommes et d’armes, Grâce à cet accord de sécurité, la France pourra continuer à soutenir l’Ukraine, en lui fournissant des équipements militaires modernes interopérables avec ceux de l’Otan, en l’aidant à renforcer son industrie de défense ou encore en formant des soldats ukrainiens. « La France a déjà formé plus de 10.000 soldats ukrainiens depuis le début du conflit », a assuré l’Élysée.

Il s’agissait de la troisième visite du président ukrainien à Paris depuis le début de la guerre, après celles de février et mai 2023. Cette échappée diplomatique était cruciale pour M. Zelensky au moment où la situation s’est considérablement dégradée sur le front ukrainien.

Dans l’est du pays, Avdiïvka est l’épicentre de « combats acharnés » et menace désormais de tomber après des mois d’assauts russes. L’armée ukrainienne a annoncé récemment s’être retirée d’une position qu’elle tenait au sud de cette ville face à la multiplication des assauts russes.

En tout état de cause, avec ces accords de sécurité, les Européens ne font que formaliser ce qui existe déjà dans les faits. C’est aussi un moyen de rassurer et de réconforter l’Ukraine. En juillet, on n’a pas décidé de faire entrer l’Ukraine dans l’Otan. En contrepartie, il y avait ces accords. Politiquement, c’est important tant le doute sur l’aide américaine est grand et surtout pour montrer que les Européens ne se sont pas désengagés sur le front ukrainien.

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