TotalEnergies, une compagnie multi-énergies mondiale de production et de fourniture d’énergies, a affirmé mardi qu’il suspendrait ses achats de pétrole russe d’ici la fin de l’année et cesserait d’investir dans des projets dans ce pays. Cette nouvelle mesure devrait entraîner une nouvelle hausse des prix du pétrole, qui ont encore augmenté lundi après que les négociations entre la Russie et l’Ukraine semblent n’avoir donné aucun signe de progrès et que les marchés continuent de s’inquiéter de l’insuffisance de l’offre. Ce qui a conduit l’Agence internationale de l’énergie à lancer un appel à la réduction de la demande de pétrole.
TotalEnergies affirme que si les pays européens n’imposent pas de sanctions sur le gaz russe, permettant aux entreprises de rompre les contrats existants, ils devront payer des milliards de dollars de pénalités à la Russie. Les contrats à terme sur le pétrole brut étaient en hausse de plus de 3 % lundi matin en Asie, le Brent, référence internationale, était à 111,46 $, et les contrats à terme américains à 108,25 $. La compagnie a fait l’objet de vives critiques après avoir condamné ce qu’elle a appelé l’agression militaire de Moscou en Ukraine, mais elle n’a pas voulu rejoindre ses rivaux Shell et BP en prévoyant de se retirer de la Russie, riche en ressources.
Patrick Pouyanné, PDG du géant français de l’énergie, a souligné que son groupe ne peut pas renoncer au gaz russe, d’autant que les capitales européennes n’ont pas décidé de cesser d’en importer. Il a déclaré que : « Sans gaz russe, on arrête une partie de l’économie européenne et, à ce stade, les gouvernements européens n’ont pas décidé de sanctionner le gaz russe ». Le président-directeur général a d’ailleurs affirmé que cesser ses achats de gaz naturel à la Russie équivaudrait à confier des milliards d’euros aux investisseurs russes.
TotalEnergies prend la décision de ne plus conclure des contrats d’achat de produits pétroliers russes
Contrairement au pétrole, qui peut plus facilement être transporté pour être vendu n’importe où dans le monde, le gaz naturel est souvent fourni par des pipelines directement à des pays et des clients spécifiques. Il a également affirmé que : « Si nous arrêtons le gaz russe, nous savons que l’hiver 2023, nous avons un problème. En janvier 2023 il faudra rationner l’utilisation du gaz, pas pour les particuliers mais sans doute pour les industriels en Europe ».
TotalEnergies est devenu ainsi le dernier géant de l’énergie à se détourner du pétrole de ce pays en signe de protestation contre l’invasion de l’Ukraine. Cette annonce représente un nouvel effort pour réduire les flux financiers à destination du régime du président Vladimir Poutine en guise de punition pour l’attaque contre son voisin. « Compte tenu de l’aggravation de la situation en Ukraine et de l’existence de sources alternatives pour approvisionner l’Europe, TotalEnergies prend unilatéralement la décision de ne plus conclure ou renouveler des contrats d’achat de pétrole et de produits pétroliers russes, afin d’arrêter tout achat de pétrole ou produits pétroliers russes, dans les meilleurs délais et au plus tard à la fin de l’année 2022 », a déclaré la compagnie française dans un communiqué mardi.
TotalEnergies continuerait à fournir à l’Europe du gaz naturel liquéfié provenant de l’usine de Yamal
Toutefois, contrairement à ses homologues Shell Plc et BP Plc qui prévoient de quitter complètement la Russie, TotalEnergies a déclaré qu’elle conserverait ses participations dans les entreprises et les projets d’hydrocarbures du pays, rejetant ainsi les critiques de Greenpeace et de l’Église d’Angleterre. Il serait impossible de trouver un acheteur non russe, de sorte qu’ « Abandonner ces participations sans contrepartie financière contribuerait donc à enrichir des investisseurs russes en contradiction avec l’objet même des sanctions », selon le communiqué. La compagnie française possède 19,4 % de Novatek PJSC, premier producteur russe de gaz naturel liquéfié. Elle détient également des participations dans l’usine de GNL de Yamal, dans le projet Arctic LNG 2, qui est toujours en cours de construction, ainsi que des intérêts dans d’autres champs pétroliers et gaziers.
TotalEnergies a déclaré mardi qu’il ne renouvellerait pas les contrats d’approvisionnement en brut pour sa raffinerie de Leuna en Allemagne, d’une capacité de 240 000 barils par jour, qui est alimentée en pétrole russe par l’oléoduc Druzhba. Leuna, située loin des ports allemands près de la ville de Leipzig, serait alimentée en pétrole via la Pologne, bien que la déclaration de TotalEnergies ne soit pas claire quant à la source.
Après avoir déjà arrêté ses achats ponctuels de carburant russe, TotalEnergies a déclaré que la fin de ses approvisionnements contractuels à long terme en provenance de Russie signifiait que les derniers bruts et produits pétroliers seraient importés d’ici la fin de l’année. TotalEnergies a déclaré que, conformément aux décisions de l’Union européenne de maintenir l’approvisionnement en gaz russe à ce stade, elle continuerait à fournir à l’Europe du gaz naturel liquéfié provenant de l’usine de Yamal tant que les gouvernements européens considéreront que le gaz russe est nécessaire.
La compagnie avait été accusée de « complicité de crimes de guerre » pour avoir continué à travailler en Russie.
TotalEnergies lui-même se retrouve dans une position bien difficile. La compagnie a expliqué dans son communiqué de mardi qu’elle avait été accusée de « complicité de crimes de guerre » pour avoir continué à travailler en Russie. En même temps, ses activités en Russie, en particulier les investissements dans le gaz naturel liquéfié, ont constitué une partie importante de la stratégie future de la compagnie et une tâche à laquelle elle a été peu encline à renoncer complètement.
Acheter de l’énergie en Russie est également une pratique établie qu’il sera difficile d’abandonner. TotalEnergies semble avoir été l’un des plus gros acheteurs de cargaisons de brut russe en 2021, avec une moyenne de 186 000 barils par jour. Elle a cependant prévenu que de tels mouvements pourraient avoir un impact sur la disponibilité d’un ingrédient pour le carburant diesel, dont l’offre est déjà limitée au niveau mondial.
Pouyanne a également déclaré que TotalEnergies n’arrêterait pas soudainement et complètement ses activités en Russie, car la compagne va perdre près de 13 milliards de dollars (11,84 milliards d’euros) dans ces sites. Mais il a également insisté sur le fait qu’à la suite de l’invasion de la Russie en Ukraine, il n’y avait pas de croissance future en terme d’investissment pour TotalEnergies en Russie.