Au cours d’un quinquennat bousculé par les crises sociales, sanitaire et géopolitique, la situation concernant le marché du travail et le chômage en France semble s’être pourtant améliorée durant toute cette période. Le taux de chômage a retrouvé son niveau d’avant la crise financière de 2008, le nombre d’emplois dans le secteur marchand n’a jamais été aussi élevé, et le nombre d’entreprises déclarant être contraintes dans leur activité du fait d’une pénurie de main d’œuvre a dépassé le point haut connu avant la crise.
Selon l’INSEE, le taux de chômage en France est resté stable au premier trimestre 2024, à 7,5 % de la population active, cet organisme soulignant qu’il demeure ainsi nettement en dessous de son pic de mi-2015 (10,5 %), soit trois points de moins en neuf ans.
Pourtant, une analyse plus fine et les comparaisons internationales montrent qu’il n’y a pas de quoi se réjouir, même si le résultat est moins catastrophique qu’il y a quelques années.
Le marché du travail français à l’épreuve des crises socio-politiques
Après avoir fait preuve de résilience en 2023, le marché du travail et le chômage en France font face à des conditions moins favorables en 2024.
Dix-huit mois après le début du resserrement des taux directeurs, l’inflation a diminué mais l’activité économique ralentit. Des taux élevés trop longtemps risquent de provoquer une récession. Parallèlement, le contexte géopolitique entretient les risques sur l’approvisionnement en énergie et le commerce mondial.
En dehors de ces facteurs difficilement prévisibles, les tensions sur le marché du travail et le chômage en France devraient se desserrer progressivement en 2024, même si des difficultés de recrutement perdureront pour certains métiers.
Surtout, de nombreuses personnes restent à l’écart du marché du travail : celles qui souhaitent travailler sans être disponible ou effectuer des recherches actives sont près de 2 millions (4,7 % des 15-64 ans, désignés comme le « halo autour du chômage »), soit son niveau du troisième trimestre 2019.
La population active pourrait croître à un rythme compris entre 100 000 et 125 000 personnes par an entre 2024 et 2029, notamment sous l’effet de la réforme des retraites d’avril 2023 repoussant l’âge légal de 62 à 64 ans qui ferait augmenter les taux d’activité des plus de 55 ans. Le vieillissement de la population active repose la question de la formation des seniors, des discriminations sur le marché du travail, ou encore de l’adaptation des postes de travail.
Ces problèmes viennent s’ajouter à d’autres causes du chômage structurel comme l’inadéquation des compétences ou les problèmes de mobilité, ou d’autres plus diffuses et amplifiées par la pandémie comme la quête de sens ou la perte de centralité du travail dans les priorités de vie. Faute d’adaptation suffisante du côté des employeurs, ces tendances rendent l’appariement entre l’offre et la demande sur le marché du travail moins efficace.
La précarité de l’emploi, un phénomène inquiétant qui s’accentue et creuse les inégalités
La précarité de l’emploi progresse en France selon un rapport de l’Observatoire des inégalités. Au total, plus de dix millions de personnes sont « en situation de mal-emploi ».
Contrats à durée déterminée, apprentissage, intérim : le travail précaire progresse en France selon un rapport de l’Observatoire des inégalités qui évoque « un phénomène nouveau et inquiétant », ce qui contribue à creuser les inégalités.
16 % des emplois salariés ont un statut précaire en 2023 (intérim, contrats à durée déterminée ou d’apprentissage, selon les données de l’Insee. Ce niveau est deux fois supérieur à celui des années 1980. La progression a été très forte du milieu des années 1980 à la fin des années 1990, le taux de précarité grimpant alors de 7 % à 13,8 % en 2000. Après une phase de stabilisation, il est à nouveau reparti à la hausse à la fin des années 2000, pour atteindre 16 % en 2017. Depuis, il semble se maintenir à ce niveau élevé.
La précarité de l’emploi a profondément modifié le marché du travail et le chômage en France. En réduisant les horizons de vie, en empêchant les jeunes notamment à s’insérer durablement dans la société, elle nourrit les inquiétudes et les tensions sociales.
Instabilité financière, incertitudes à l’égard de l’avenir, et inégalités sociales comptent parmi les conséquences de la précarité de l’emploi. Mais une nouvelle étude révèle qu’elle pourrait également impacter la santé des personnes concernées. Les chercheurs à l’origine de ces travaux ont même établi un lien entre conditions d’emploi précaires et risque de décès prématuré.
Les spécificités du chômage français
Les données de l’Insee sur le marché du travail et le chômage en France montrent d’abord une forte composante structurelle, ce qui signifie que le chômage en France n’est pas dû seulement au ralentissement de la croissance. C’est ainsi qu’on observe un fort sur-chômage des jeunes (15-24 ans) avec un taux de 18,1 %, soit bien plus du double de la moyenne nationale. C’est un signe évident d’un problème d’inadaptation des formations au marché du travail, alors que, dans d’autres pays, où le système éducatif est plus performant et mieux adapté, ce sur-chômage est quasi inexistant.
Autre spécificité, le taux faible d’activité des 50-64 ans (67,7 %), certes en hausse, mais inférieur à bien d’autres pays, ce qui montre une sous-activité des seniors, en dépit des réformes diverses de l’âge de la retraire. On dit souvent que les Français ne travaillent pas assez en termes de durée (hebdomadaire ou annuelle) du travail, c’est vrai, mais la faiblesse du taux d’activité des plus de 50 ans est aussi un handicap pour l’économie française.
Par ailleurs, la publication par l’OCDE des taux de chômage permet des comparaisons internationales. La dernière statistique concerne mars 2024. Pour l’ensemble des pays de l’OCDE (en gros, les pays développés à économie de marché), le taux de chômage moyen est de 4,9 %, très en dessous de celui de la France (7,3 % selon l’OCDE).
Il y a bien un sur-chômage français. Certes, la moyenne est tirée vers le bas par des pays comme les États-Unis (3,8 %) ou le Japon (2,6 %), mais le chômage français est également bien au-dessus de celui de l’Union européenne (6,0 %) ou de la seule zone euro (6,5 %), et bien entendu du G7 (4,2 %).
Emploi, chômage : le gouvernement survend un bilan peu flatteur
Atteindre le plein-emploi. Soit un taux de chômage autour de 5 % d’ici à 2027. Tel est l’objectif du gouvernement depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Mais après plusieurs années de baisse, les derniers chiffres, publiés le 25 avril par la direction des statistiques du ministère du Travail (Dares), mettent à mal l’ambition de l’exécutif.
Les politiques de l’emploi recouvrent les interventions publiques sur le marché du travail et le chômage en France, qui ont pour objectif d’en améliorer le fonctionnement, d’accroître et préserver l’emploi, ainsi que de réduire le chômage et les discriminations à l’embauche.
Parmi les bénéficiaires des politiques actives de l’emploi, fin 2021, près de 2,2 millions de personnes occupent un emploi aidé en France, c’est-à-dire un emploi bénéficiant d’une aide publique, hors allégements généraux de cotisations sociales et dispositifs sectoriels.
L’année 2024 sera probablement une année charnière pour le marché du travail et le chômage en France. Le gouvernement devrait viser une poursuite de la baisse du chômage, notamment en multipliant les incitations au travail. Les réflexions autour des ruptures conventionnelles s’inscrivent dans ce contexte.