En dépit des dénégations des autorités, les tensions ethniques et raciales en France sont omniprésentes. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs organisations contribuent au rapport annuel sur la lutte contre le racisme et la xénophobie en France.
Malgré les affirmations selon lesquelles la France ne ferait preuve d’aucun préjugé racial, les données racontent une tout autre histoire. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU pointe du doigt la France sur le recours excessif à la force, la répression de la liberté de manifester et le profilage racial lors des contrôles d’identité et s’inquiète de la situation prévalant dans le pays.
La défense principale de la France contre ces accusations est qu’il n’y a ni discrimination structurelle, ni profilage racial en France, car ces pratiques sont contraires au principe constitutionnel d’égalité.
En attendant, la France reste sur la sellette face aux préoccupations exprimées sur les mesures discriminatoires envers les Musulmans, le durcissement des règles en matière d’immigration, la brutalité policière, le profilage ethnique qui gangrènerait l’action des forces de l’ordre, un dossier brûlant pour l’exécutif.
L’ONU considère comme discriminatoire l’interdiction du port du voile dans le sport en France
Trois rapporteurs spéciaux et le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles estiment que « la neutralité et la laïcité de l’Etat ne sont pas des motifs légitimes d’imposition de restrictions des droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction ».
Au cœur de cette polémique se trouvent les décisions des fédérations sportives françaises de football et de basketball, qui ont décidé de bannir le port du hijab de leurs terrains. Même les Jeux Olympiques de Paris cet été n’ont pas échappé à la règle. Pour les experts de l’ONU, cela constitue une discrimination pure et simple. Mais dans l’Hexagone, on appelle cela le respect des valeurs de laïcité et de neutralité, ce qui en dit long sur les tensions ethniques et raciales en France.
Selon ces experts, « les filles et femmes musulmanes qui portent le hijab doivent avoir des droits égaux de participer à la vie culturelle et sportive, et de prendre part à tous les aspects de la société française dont elles font partie ». Ils estiment que ces mesures « enfreignent leurs droits de manifester librement leur identité, leur religion ou croyance en privé et en public, et de prendre part à la vie culturelle ».
Les experts de l’ONU ont exprimé leurs préoccupations dans un rapport présenté à l’Assemblée générale et ont demandé au gouvernement français de répondre. Loin d’être convaincus, ils parlent de « stigmatisation croissante » et appellent la France à réexaminer sa copie. Ils insistent : la France doit « promouvoir l’égalité et le respect mutuel de la diversité culturelle ».
On rappellera que ces rapporteurs spéciaux, dotés d’une « mission morale » pour défendre les droits humains, sont régulièrement envoyés pour rappeler aux États leurs « obligations internationales ». Mais leur parole n’est que consultative. Alors, quand plusieurs d’entre eux s’insurgent contre l’interdiction du hijab dans le sport, la France peut très bien rester sourde.
Nouvelle loi sur l’immigration : le gouvernement français sous le feu des critiques
Les tensions ethniques et raciales en France se manifestent également sur un autre terrain, celui de l’immigration. En annonçant le 13 octobre une nouvelle loi sur l’immigration le gouvernement Barnier s’est mis à dos les oppositions de gauche sans pour autant satisfaire sa propre majorité qui se montre perplexe.
«Faire une loi pour une loi, cela n’a pas de sens ; ce qui importe, c’est ce qu’il y a dedans. On a adopté une loi sur l’immigration il y a moins d’un an, avec des mesures dont certaines ne sont même pas encore entrées en vigueur.» Interrogé sur France Inter le 14 octobre, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal s’est montré sceptique quant à l’annonce d’une nouvelle loi sur l’immigration par le gouvernement Barnier.
La veille, le 13 octobre, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, membre également du parti Renaissance, avait affirmé sur BFM TV : «Il faudra une nouvelle loi immigration».
Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a dénoncé le 14 octobre sur France Inter «un gouvernement avec Bruno Retailleau qui nous refourgue une loi immigration comme gage à l’extrême droite». La même idée revenait dans la bouche de la vice-présidente de l’Assemblée nationale Clémence Guetté qui estimait aussi, sur le réseau social X, que cette annonce constitue un «acharnement» et «un accord avec Le Pen». Pour elle, le Rassemblement national aurait négocié de laisser passer le budget contre un vote sur l’immigration.
Violence policière : la France pointée du doigt par les organisations internationales
La violence policière est peut-être la conséquence la plus visible des tensions ethniques et sociales en France. Depuis les manifestations contre la réforme des retraites, les émeutes ayant suivi la mort de Nahel tué par un policier et plus récemment le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, la France et sa police ont été à plusieurs reprises critiquées pour un « recours excessif à la force ».
En France même, les critiques se sont multipliées contre le recours à la force jugé excessif ces derniers mois envers les manifestants opposés au génocide en cours à Gaza ou encore à la réforme des retraites. Un grand nombre de pays ont appelé la France à davantage combattre les violences et les discriminations raciales. Les violences policières au cours d’opérations de maintien de l’ordre, en particulier de manifestations, ont été mises en exergue par plusieurs organisations.
Ces dernières années, les différents drames ont provoqué de grandes révoltes contre les violences policières et le racisme d’Etat partout en France. La répression brutale de ces révoltes par le gouvernement, ainsi que les discours racistes qui l’ont accompagné, continuent à structurer les mesures autoritaires et sécuritaires dans les quartiers populaires aujourd’hui, ainsi que la radicalisation du régime plus largement. Aujourd’hui, l’extrême-droite gagne du terrain historique dans les élections, en mobilisant un discours raciste et sécuritaire, et en appelant par exemple à la présomption de légitime défense pour la police.
Incontestablement, le renforcement de l’extrême-droite ne peut qu’aggraver les tendances réactionnaires déjà existantes, nourries par les tensions ethniques et raciales en France.
« Assimilation forcée », une approche de la France face aux minorités ethniques et religieuses
Dans ce contexte, les autorités françaises prônent l’assimilation forcée, une approche que les autorités françaises appliquent au nom de « l’universalisme » face aux différences ethniques et raciales dans la société.
Les gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites, les émeutes après le meurtre de Nahel et le mouvement de protestation pro-palestinien, tous ces mouvements s’enracinent dans les crises profondes dans la société française.
La politique française est ancrée dans sa tradition républicaine et ses principes universalistes, ainsi que dans le refus de reconnaître les distinctions raciales dans l’élaboration des politiques. La croyance universaliste selon laquelle il faut traiter tout le monde comme des citoyens, plutôt que comme des porteurs d’histoires raciales ou culturelles spécifiques, est un principe valable.
Dans la pratique, cependant, la politique française a consisté à ignorer les tensions ethniques et raciales en France et à utiliser la revendication « d’assimilation » comme moyen de délimiter certains groupes comme n’appartenant pas vraiment à la nation. L’« universalisme » est devenu ainsi une arme pour souligner la « différence » de certaines couches sociales et justifier leur marginalisation. La France, autant que l’Amérique, traite trop souvent ses citoyens non pas comme des individus, mais comme des membres de communautés raciales ou ethniques.
L’État français refuse non seulement de reconnaître les distinctions raciales, mais interdit également la collecte de données fondées sur la race, ce qui rend beaucoup plus difficile l’évaluation de l’étendue de la discrimination raciale, tout en offrant un laissez-passer gratuit pour nier l’existence d’une telle discrimination et des tensions ethniques et raciales en France.