Génocide au Rwanda : Macron reconnaît le rôle de la France

Francoise Riviere
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La France, par la voix de son président Emmanuel Macron a reconnu une nouvelle fois sa responsabilité dans le génocide au Rwanda. Elle relance, par la même occasion, le débat sur le silence parfois complice de la communauté internationale.

Cette question du rôle français avant, pendant, et après le génocide au Rwanda en 1994 a constitué, pendant des années, un sujet brûlant dans les relations franco-rwandaises, conduisant même à une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays entre 2006 et 2009.

Trente ans plus tard, les procès contre les responsables du génocide rwandais accueillis en France perdurent toujours alors que des associations dénoncent « l’impunité » de militaires et politiques français.À l’occasion du 30e anniversaire du génocide rwandais, le président français a reconnu que Paris “aurait pu arrêter” les massacres mais “n’en a pas eu la volonté”. Mais 30 ans plus tard, les procès des responsables réfugiés en France perdurent.À l’occasion du 30e anniversaire du génocide rwandais, le président français a reconnu que Paris “aurait pu arrêter” les massacres mais “n’en a pas eu la volonté”. Mais 30 ans plus tard, les procès des responsables réfugiés en France perdurent.

Emmanuel Macron persiste et signe sur la responsabilité de la France

« La France assume tout et exactement cela dans les termes que j’ai employés » le 27 mai 2021, a déclaré, dimanche 7 avril, Emmanuel Macron dans une vidéo diffusée à l’occasion du 30e anniversaire du génocide des Tutsi, en 1994, au Rwanda.

En amont de la publication de ce discours, Emmanuel Macron avait déjà estimé jeudi 4 avril que la France « aurait pu arrêter le génocide », « avec ses alliés occidentaux et africains », mais « n’en a pas eu la volonté ». Des mots interprétés alors comme un pas supplémentaire dans la reconnaissance des responsabilités de la France dans le génocide, mais que le chef de l’État n’a pas utilisés dimanche.

Ceci étant dit, Macron réfute les accusations de complicité de Paris. Si l’Elysée a fait fuiter la déclaration du président confessant sans ambages la passivité criminelle de la France durant les 100 jours du génocide des Tutsis, sa déclaration de dimanche ne mentionne ni responsabilités, ni excuses de la France, mais bien au contraire.

Il s’agirait plutôt d’un rétropédalage manifeste qui, ajouté à son absence aux cérémonies de la 30e commémoration du génocide organisées à Kigali, éclaire la position ambiguë du président français.

Génocide rwandais et aveuglement de l’Élysée

En 2021, une commission de chercheurs et historiens mandatés par le président Emmanuel Macron et présidée par l’historien Vincent Duclert avait rendu un rapport historique qui concluait aux « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide au Rwanda préparé et commis par le régime Hutu, que l’Hexagone a longtemps soutenu politiquement et militairement.

Aujourd’hui trois ans plus tard, Vincent Duclert publie un ouvrage « La France face au génocide des Tutsi » dans lequel il va plus loin que le rapport initial.

Cet ouvrage de 600 pages ne laisse planer aucun doute sur le rôle de la France dans ce qui a abouti au génocide de 1994. En poursuivant ses recherches, Vincent Duclert va mettre mieux en évidence encore le poids personnel du président François Mitterrand dans ce qui allait aboutir à la tragédie rwandaise.

Les documents, les témoignages convergent tous vers l’Élysée qui n’a pas hésité à enfreindre les lois pour se donner les moyens de défendre coûte que coûte le régime inféodé de Habyarimana, parce qu’il pense que ce gouvernement est menacé de l’extérieur, parce qu’il pense qu’il protège les intérêts des firmes françaises, tout en renforçant le poids de la France dans l’est de l’Afrique très anglophone et dans des pays, le Rwanda et le Burundi, qui ne sont pas d’anciennes colonies françaises.

Il va sans dire que ce « drame humain » qualifié d’« échec profond » par l’ouvrage est le reflet de la politique néocolonialiste de la France qui implique aliène depuis si longtemps les peuples ouest-africains . D’ailleurs cette enquête a aussi conclu sur de «  très possibles responsabilités de l’armée française » et c’est sans doute pour cette même raison qui a fait l’objet d’un non-lieu en France. Les parties civiles ont fait appel de l’abandon des poursuites.

Procès toujours en cours : la lutte contre l’impunité

À la veille du 30e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda dimanche 7 avril, plusieurs associations des droits humains ont dénoncé  les « obstacles » persistants des autorités françaises dans les procédures judiciaires visant les responsabilités de militaires et d’anciens responsables français à l’époque des massacres.

Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais, le Hutu Juvénal Habyarimana, est abattu en phase d’atterrissage à Kigali par au moins un missile. Les massacres débutent suivant un scénario parfaitement prémédité, quelques heures plus tard.

Pour cause d’obstructionnisme franco-belge, l’enquête sur cet attentat a été longue et difficile et son enjeu – désigner des responsabilités dans le déclenchement du génocide – déterminant pour le nouveau pouvoir rwandais.

Deux principales thèses se sont opposées au cours des investigations, marquées par une rupture diplomatique de trois ans entre Paris et Kigali: celle d’un attentat commis par les soldats de l’ex-rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, devenu président en 2000, et celle d’un acte perpétré par la garde présidentielle hutu, les deux hypothèses renvoyant évidemment à l’implication en arrière-plan des rivalités des puissances occidentales.

Le 15 février 2022, la Cour de cassation a définitivement validé le non-lieu prononcé en 2018 dans ce dossier qui a empoisonné les relations franco-rwandaises pendant plus de vingt ans.

Selon le parquet national antiterroriste (Pnat), 12 enquêtes préliminaires et 26 informations judiciaires visant des personnes soupçonnées d’avoir organisé ou d’avoir été complices du génocide sont actuellement en cours au pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris, autorisé à poursuivre des personnes soupçonnées de ces crimes en vertu d’une compétence universelle.

Le 30e anniversaire du génocide au Rwanda et la situation à Gaza

Pour l’ONG Survie, qui lutte contre la Françafrique et le néocolonialisme, la question relève presque de la rhétorique. La définition du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est claire sur le sujet: la participation ou l’aide apportée au génocidaire, même si l’accusé n’avait pas d’intention génocidaire, suffit à caractériser la complicité. Qui ne dit mot consent et les déclarations de Macron, aussi instables soient-elles, confirme au mieux le laisser-faire, au pire la complicité.

Trente ans plus tard, ce dernier génocide du XXe siècle soulève encore bien des questions sur une forme de complicité internationale.

Force est de constater que la France a offert toute sorte d’appui militaire et politique aux responsables du génocide au Rwanda, à travers le déploiement de mercenaires et d’armes, sous un couvert diplomatique et médiatique.

En dépit de l’horrible massacre survenu au Rwanda, les leçons du génocide rwandais n’ont cependant pas été tirées. L’illustration frappante en est aujourd’hui la situation à Gaza où les puissances mondiales ne font presque jamais rien pour protéger des millions de personnes des bombes et de la famine.

Non seulement, la France rechigne à appeler Israël à mettre en œuvre au plus vite les mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de Justice, dans l’affaire qui oppose l’Afrique du Sud à Israël pour violation de la Convention contre le génocide, mais encore, en continuant de fournir du matériel militaire à l’entité d’occupation, elle se rend complice du génocide en cours à Gaza.

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