Les principaux enjeux de la visite de Blinken à Paris?

Francoise Riviere
10 Min Read

Le secrétaire d’Etat américain était la semaine dernière en tournée diplomatique éclair de deux jours en Europe. Lors de cette tournée qui a débuté à Paris, Anthony Blinken s’est entretenu avec le ministre français des Armées Sébastien Lecornu, son homologue de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, et le président Emmanuel Macron.

La visite de Blinken à Paris a été l’occasion de nouvelles discussions entre la France et les États-Unis qui ont porté sur l’extension du conflit à Gaza, les moyens de soutenir l’Ukraine en guerre contre la Russie et sur les moyens nécessaires pour stabiliser la crise en Haïti. Sans oublier la préparation du Sommet de l’Otan qui se déroulera à Washington, au mois de juillet.

Discussions sur la guerre israélienne à Gaza

Lors de sa visite à Paris, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a évoqué le dossier de Gaza, où l’aide humanitaire est toujours insuffisante pour cause d’obstructionnisme sioniste et où l’espoir d’un cessez-le-feu est particulièrement fragile, toujours pour la même raison.

Chose particulièrement risible puisqu’aussi bien les Etats-Unis que la France sont complices d’Israël, les deux responsables ont unanimement dénoncé, lors de cet entretien, l’attaque d’une ONG américaine par l’armée israélienne. Stéphane Séjourné a exprimé la « condamnation ferme » de la France après « la frappe israélienne qui a conduit à la mort de sept humanitaires » de World Central Kitchen tués à Gaza.

« Rien ne justifie une telle tragédie », a souligné de son côté le chef de la diplomatie française, qui a sournoisement demandé l’application de la résolution 2728 du conseil de sécurité laquelle prévoit la libération des otages, un cessez-le-feu et l’entrée de l’aide humanitaire.

Stéphane Séjourné a par ailleurs prétendu que la France travaillait sur la solution politique de la sortie de crise entre Israël et le Hamas. « Soit il y aura une nouvelle résolution, soit cela sera par un autre biais », a-t-il observé.

De manière plus globale, la position de la France et des États-Unis contre l’action militaire sans concession de l’entité israélienne sur la bande de Gaza à l’orée du septième mois de la totale incapacité de Tel-Aviv à gagner la guerre, se fait apparemment moins compatissante envers l’entité sioniste. Le ministre français était d’ailleurs au Caire durant le week-end, lieu de pourparlers pour une trêve depuis plusieurs mois par l’intermédiaire de médiateurs internationaux.

Ceci étant, en dépit de ces condamnations verbales, il existe un consensus entre le régime de Tel-Aviv et les États-Unis sur la destruction de la Palestine, la seule différence résiderait ainsi dans la manière d’y parvenir.

Quant à la France, le comportement de ce pays européen a toujours été critiqué depuis le début de la guerre à Gaza, Paris ne cessant d’envoyer armes et effectifs armés en Israël. Plus d’un observateur a regretté l’approche française et l’a jugée finalement favorable au régime sioniste.

L’avenir de l’aide occidentale à l’Ukraine

S’agissant de l’Ukraine, les deux diplomates ont rappelé que les Etats-Unis comme la France entendaient poursuivre sans relâche leur aide. En début de journée, le secrétaire d’État américain a tout d’abord accompagné le ministre des Armées à Versailles sur le site de Nexter, la filiale du groupe franco-allemand KNDS qui produit les canons Caesar livrés à Kiev.

La France, qui a organisé fin février un sommet pour provoquer « un sursaut » en faveur de l’Ukraine, a demandé à ses alliés de redoubler leurs efforts pour mettre en échec la Russie.

Il s’agit d’un « moment critique » pour l’Ukraine, a souligné de son côté M. Blinken, exhortant l’UE à renforcer ses capacités de production d’armes et munitions pour produire plus et plus rapidement, et soutenir l’Ukraine face à la Russie sur le long terme.

Sur le sujet de l’aide à l’Ukraine, les États-Unis sont dans une position délicate. Principal soutien de Kiev depuis l’invasion russe, ils sont confrontés au blocage d’un programme de 60 milliards de dollars d’aide militaire par l’opposition républicaine au Congrès. Une situation qui dure depuis plusieurs mois.

Avant de rejoindre Bruxelles, où l’on célébrera les 75 ans de l’Otan, Antony Blinken a redit qu’il fallait « une feuille de route claire » pour l’entrée de l’Ukraine dans l’alliance Atlantique. Et d’ajouter qu’il compte sur la France «pour continuer à stimuler le soutien à l’Ukraine»  et «voit dans Paris un  leader remarquable qui partage le fardeau, va chercher les partenaires et applique les sanctions »(!)

La visite du secrétaire d’État américain à Paris intervient alors que Kiev alerte depuis plusieurs mois sur un manque crucial de munitions. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky affirmait encore le mois dernier que seule une fraction des livraisons militaires promises par les États membres s’était concrétisée, un constat qui veut ce qu’il veut dire, à savoir que Kiev a dèsormais les yeux rivés vers l’Europe en général et la France en particulier pour tirer ses épingles du jeu.

Lors du sommet exceptionnel de février,  Macron avait affirmé que l’envoi de troupes en Ukraine ne devait plus être exclu. Si de tels commentaires lui avaient attiré les foudres de nombreuses capitales européennes, ils signalaient en même temps une position particulièrement belliciste plus de la France vis-à-vis de la Russie alors que les Etats-Unis se trouvent en pleine période électorale.

Sommet de l’Otan

Au cours de la visite de Blinken à Paris, le ministre français des Affaires étrangères a également abordé « la coopération franco-américaine sur les prochaines étapes dans la mise en œuvre des initiatives décidées » en faveur de l’Ukraine fin février à Paris.

Des chefs d’Etat et de gouvernement avaient alors décidé de plancher sur plusieurs chantiers, notamment l’augmentation des livraisons de munitions à l’Ukraine, la cyber-défense, le déminage ou encore la production industrielle d’armement en Ukraine.

Pour ses 75 ans, l’OTAN, la plus grande machine de guerre impérialiste au monde a annoncé un plan de 100 milliards d’aide supplémentaire à l’Ukraine. L’annonce d’un plan d’aide supplémentaire à l’Ukraine s’inscrit dans la continuité d’une aggravation des tendances à la guerre entre l’Ouest et la Russie et de la course à l’armement en Europe, alors que l’Union Européenne a récemment annoncé 50 milliards d’euros d’aide supplémentaire à l’Ukraine.

Le secrétaire général de l’OTAN veut quant à lui un engagement à long terme des alliés en faveur de l’Ukraine. Jens Stoltenberg, a récemment réaffirmé la position de l’Alliance : celle-ci a toujours nié son implication directe dans la guerre mais a promis de fournir une aide militaire et financière à l’Ukraine. Le manque d’armes et de munitions du pays fait brandir la perspective d’un débacle face à la Russie : les soldats ukrainiens rationnent les obus d’artillerie qu’ils tirent face aux Russes, par manque de munitions.

Crise en Haïti, Conférence sur le Soudan…

Parmi les autres dossiers chauds à l’agenda de la visite de Blinken à Paris, l’inévitable question de la crise en Haïti, l’État des Grandes Antilles partageant de nombreux liens avec la France et les États-Unis. Le pays est soumis au contrôle de gangs armés ( soutenus de loin par des services secrets US, NDLR) depuis la fin du mois de février, occasionnant des attaques régulières contre les postes de police, les prisons, l’aéroport ou le port maritime de l’île.

Et sans accord sur une transition pacifique après le départ du Premier ministre Ariel Henry, poussé vers la sortie par ces mêmes gangs, la nécessité de rétablir la sécurité sur place devient une priorité. Mais à l’heure actuelle, les désaccords entre les partis politiques et les autres parties prenantes en charge de la nomination d’un nouveau Premier ministre empêchent le retour au calme. Le conseil de transition annoncé n’ayant toujours pas été formé depuis la démission d’Ariel Henry le 11 mars. Mais outre l’instabilité politique, la population haïtienne subit aussi une grave crise humanitaire, avec des pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres produits de base.

En conclusion, de Gaza à l’Ukraine en passant par Haïti, Washington et Paris accordent leurs violons dans le sens d’un bellicisme effrené.

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