La politique française envers le Gabon

Francoise Riviere
12 Min Read

Parmi les amis du Gabon, la France occupe une place particulière puisqu’elle a colonisé le pays pendant une longue période de 1882 à 1960 et continue plus de 60 ans après son indépendance à s’ingérer dans ses affaires intérieures. Le chef du gouvernement de transition gabonais, arrivé au pouvoir après le coup d’état très singulier d’août 2023, doit se rendre en France pour rencontrer et s’entretenir avec le président français Emmanuel Macron à l’Elysée.

Introduction

Le mercredi 30 août, les autorités gabonaises venaient d’annoncer la réélection d’Ali Bongo avec 64,27% des voix quand un groupe d’une douzaine de militaires est apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24 pour annoncer mettre “fin au régime en place”. La France condamne apparemment cette décision militaire, alors en cours.

Mais peu après, contrairement à ce qui s’est passé au Niger où la France est allée jusqu’à recourir à l’action armée, a réagi calmement à la volonté des militaires et, bien qu’elle ait condamné leur coup d’État et appelé au respect des résultats des élections, Paris n’a pas mobilisé les voix internationales et régionales pour s’opposer aux autorités putschistes Gabonais, ni suggéré une intervention militaire.

La France a des grands intérêts dans ce pays, avec une base militaire, une importante communauté d’expatriés et de nombreuses entreprises.

Section 1: relation entre la France et le Gabon

Grace à l’amitié avec le Gabon, la France occupe une place importante, ces deux pays (France et le Gabon) entretiennent des échanges de qualité. La coopération civile entre les deux pays est dense (éducation, environnement, recherche scientifique, santé).

Le Gabon n’est tout de même pas le Niger. D’abord le premier se trouve en Afrique centrale, l’autre en Afrique de l’ouest et « contrairement au Niger, le Gabon ne se situe pas dans un environnement transnational très conflictuel. L’État gabonais fait face à une crise politique mais pas à une crise multidimensionnelle sécuritaire », et la présence militaire française aussi est plus ancienne au Gabon.

Le soutien apporté par Emmanuel Macron à Ali Bongo avant son reversement ne fait pas de doute. Maïs à l’heure du coup d’État « il y avait eu peu de communication de Macron aux côtés de Bongo », note Richard Werly, correspondant international du quotidien suisse Blick. « Le président français avait été d’une prudence remarquable vu les liens entre les deux pays et le soutien de la France à Ali Bongo », expose celui qui prépare un livre sur la perte d’influence de la France en Afrique.

Mais en dépit de cette réticence, environ  400 militaires français sont encore déployés en permanence dans le pays, dont certains dans la capitale Libreville, selon le ministère français des Armées. Nommément ces forces permanentes dites prépositionnées participent à la protection des ressortissants français, mais elles se tiennent en vérité prêtes à intervenir pour préserver les intérêts français et ce, au besoin, en coopérant avec les pays voisins comme le Cameroun.

En ce sens, la réalité de la politique française au Gabon consiste à maintenir le peuple dans la pauvreté et la misère pour l’exploitation commerciale de leur pays, l’un des pays les plus riches de l’Afrique centrale tant bien en termes de minerai que d’énergie et ressources environnementales. Ce besoin d’interférence  au Gabon se fait d’autant plus pressant pour la France que le pays entretient de profondes relations avec les pays de l’Est, la Chine et la Russie qui remontent à l’époque de Bongo. L’influence de la Russie et de la Chine en Afrique qui va de paire avec la création d’entreprises sinon russes lesquelles rivalisent avec une présence séculaire des occidentaux dans les secteurs économiques clés au Gabon  font également partie de facteurs qui redéfinissent les relations post-coup d’État de Paris avec Libreville.

 

Section 2 : Inquiétude face à l’opposition gabonaise

A la suite de la décision de l’armée nigérienne en juillet dernier de remettre en cause à la fois ses relations et accords avec l’ex puissance colonialiste pour cause d’interférences , la France a refusé de reconnaître le gouvernement militaire et promis de soutenir les pays de la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le scénario de guerre contre le Niger ayant échoué, la France a perdu non seulement son influence au Niger mais aussi à contribué à l’émergence d’une alliance militairo-politico-economique éminemment  anti France au Sahel, AES.

Ainsi, la France a perdu le Mali, le Niger et le Bourkina et a dû retirer ses forces de ces trois pays. Dans la foulée,  même au Sénégal, où Paris jouit d’une très forte influence avec en filigrane un très vaste réseau tentaculaires présent dans tous les secteurs économiques et commerciaux du pays, il est désormais contesté et confronté à une forte prise de conscience collective qui dénonce la mainmise française.

C’est sans doute cette cascade d’échecs français en Afrique sahélienne qui a poussé la France à se comporter avec une si grande prudence face au nouveau pouvoir au Gabon, pays qui risque désormais à emboiter le pas à l’AES et à passer ses vastes relations politiques et économiques avec la Chine et de la Russie avant celles qu’il entretient avec Paris. Or cette ambiguïté fait débat, y compris en France.

Elle est critiquée par le sénateur des Républicains, Alain Joyandet, ancien secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie : « On ne comprend pas bien la diplomatie française en Afrique. Elle tire à hue et à hia dans une sorte d’équivocité parfaitement insaisissable »

Interrogé par Sky New Le chercheur spécialiste des affaires ouest-africaines, Charles Asigbo, affirme que « la différence dans la réponse française aux deux renversements militaires n’est pas une question d’analyse politique, mais plutôt un fait qui a plusieurs raisons :

Paris n’a pas encore peur des putschistes gabonais, Ils n’ont pas exigé le retrait de ses forces, ni menacé les intérêts de ses entreprises situées dans les secteurs minier et pétrolier, qui bénéficient d’un traitement préférentiel.

L’opposition gabonaise semble plus dangereuse pour les intérêts de Paris que les putschistes, et elle a déjà manifesté contre la visite de Macron en mars dernier. Le chef de l’opposition a également qualifié le renversement militaire de « révolution de palais » (estimant que la famille du président était derrière ce renversement pour éviter les protestations de l’opposition contre sa victoire électorale. Puis revenez au pouvoir d’une autre manière).

La situation au Niger est plus menaçante, car il existe une possibilité d’expansion du groupe russe « Wagner » et les chefs militaires de Niamey exercent la pression la plus forte pour éliminer les forces françaises et mobiliser la population contre Paris. »

L’état de santé du président gabonais Ali Bongo et l’histoire de sa famille, qui a dirigé le pays pendant 53 ans, sont l’un des facteurs de la faible pression exercée par la France sur les putschistes. Comment Paris a-t-il pu défendre une personne victime d’un accident vasculaire cérébral et a hérité du pouvoir de son père, ce qui aurait été un embarras pour Paris.

 

Section 3:  Nouvelle perte d’influence en Afrique

Mais il existe d’autres facteurs que ceux mentionnés ci-dessus : au contraire du Niger, du Mali ou encore du Burkina, la junte gabonaise semble bien ménager Paris. Brice Oligoi Ngema, ancien garde du corps du père de Bongo, a été élu par la junte à la tête du gouvernement de transition, ce qui laisse supposer qu’il y ait des ententes en coulisse entre Paris et la junte. En effet, le peuple gabonais a eu une réaction similaire à l’annonce de la destitution du président Bongo et les Gabonais sont descendus dans la rue et s’en sont réjouis. Cependant, contrairement au Niger, Macron  n’a condamné la prise du pouvoir par les militaires en réponse à la décision des militaires Gabonais et à la destitution d’Ali Bongo.

S’il est vrai que la situation au Gabon ravive les craintes françaises suite au putsch nigérien  il est aussi vrai que Paris est un adepte des coups fourrés en Afrique et le putsch militaire au Gabon en a parfaitement les caractéristiques : Avec l’aide de ses accointances au sein de l’armée gabonaise, la France n’a-t-elle pas chassé Bongo du pouvoir pour éviter que le Gabon ne s’engage pas sur le même chemin que l’AES et ne rompt pas avec l’ancienne puissance coloniale ? Après la prise du pouvoir, les militaires nigériens ont critiqué durement la France jusqu’à demander le départ de son ambassadeur Sébastien Itté ce qu’Emmanuel Macron a catégoriquement refusé au début, ne reconnaissant pas l’autorité des putschistes dirigés par le général Tchiani. Il semble que la France, qui a perdu sous son influence au Niger et au Mali en tant qu’anciens territoires coloniaux, et qui nest plus la bienvenue au Burkina Faso, ait tenté de conserver le Gabon en sacrifiant Bongo.

Conclusion

L’avenir de la France se trouve en l’Afrique et parmi ces pays le Gabon, et la France a des intérêts très nombreux dans ce pays d’Afrique centrale. Faut-il s’inquiéter pour ses entreprises, présentes sur place comme le pétrolier Total Energies ou le groupe minier Eramet etc…, la France se trouve entre l’enclume et le marteau au Gabon. Pour le moment, Paris s’entend bien avec les putschistes, mais les Gabonais, eux, iront-ils pour longtemps prendre leur mal en patience ? Au regard de l’actualité sahélienne, la réponse pourrait ne pas plaire à Paris.

 

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