Les multiples facettes du soutien de Berlin aux sionistes

Francoise Riviere
13 Min Read
26 April 2023, Israel, Jerusalem: A member of The anti zionist ultra orthodox "Neturai Karta" marches with a Palestinian flag during a protest against the Israeli state during it's 75 Independents Day. Photo: Ilia Yefimovich/dpa (Photo by Ilia Yefimovich/picture alliance via Getty Images)

L’Allemagne fait partie des pays qui ont apporté, depuis le 7 octobre, un soutien politique et militaire sans précédent au régime d’occupation israélien.

Les attaques aériennes et d’artillerie de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, qui ont fait plus de 8 000 morts depuis le 7 octobre, ont suscité des réactions différentes parmi les pays du monde. L’Allemagne est l’un des pays européens les plus importants qui a apporté un soutien politique et militaire d’envergure au régime occupant depuis le début de cette guerre.

Soutien allemand à l’occupation israélienne

Les relations de l’Allemagne avec le régime sioniste se situent à un niveau particulier, ce dernier étant considéré comme l’un des partenaires stratégiques de l’Allemagne. L’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, peut être qualifiée de nouvelle architecte des relations bilatérales. Pendant la guerre à Gaza en 2008-2009, Merkel s’est rangée du côté du régime occupant, en accusant le Hamas d’être responsable du déclenchement de la guerre. Merkel, surtout sous le mandat d’Ehud Olmert, ex-premier ministre israélien, a établi des relations de travail étroites avec ce dernier. Ainsi, la coopération entre les deux parties s’est considérablement développée dans les domaines politique, militaire et scientifique, la formation des diplomates et les recherches en matière de sécurité.

Lors de sa visite dans les territoires occupés en mai 2012, Merkel a prononcé un discours à la Knesset pour la première fois en tant que chancelière allemande. Dans son discours, elle a estimé que la sécurité de ce régime faisait partie des intérêts du gouvernement allemand. Même si les anciens responsables allemands entretenaient de bonnes relations avec Israël, aucun d’entre eux n’avait évoqué les relations entre les deux parties avec des termes aussi explicites. « L’Holocauste est une source de honte pour les Allemands. Je m’incline devant les survivants de l’Holocauste et ceux qui les ont aidés à survivre… La sécurité d’Israël n’est jamais négociable pour moi en tant que chancelière allemande », avait-elle alors affirmé. A noter que Merkel a consacré son dernier voyage officiel en tant que chancelière allemande aux territoires occupés en 2021.

Et lorsque le social-démocrate Olaf Scholz a succédé à Angela Merkel en tant que chancelier allemand, Berlin a donné la priorité aux relations militaires et sécuritaires dans sa politique étrangère. La détérioration des relations avec la Russie pendant la guerre en Ukraine est un exemple clair de cette approche. Sur cette base, Scholz a poursuivi la politique de soutien au régime sioniste comme par le passé, soulignant  l’engagement de l’Allemagne en faveur de la sécurité de ce régime. Lors de la visite du Premier ministre du régime d’occupation en Allemagne en mars 2023, Scholz a évalué la sécurité d’Israël comme la raison d’être des relations entre les deux parties. Il est allé en plus loin en qualifiant l’Allemagne de partenaire aux valeurs démocratiques et d’ami proche d’Israël.

Plus important encore, lors de l’opération Tempête d’Al-Aqsa, le ministre allemand de la Défense a exprimé en faveur du soutien politique et militaire de son pays à Tel-Aviv. Dans un discours prononcé devant le Bundestag le 12 octobre, Scholz a déclaré qu’«à l’heure actuelle, la seule place pour l’Allemagne est celle auprès d’Israël ».  C’est le message que nous lançons lorsque nous affirmons : la sécurité d’Israël est raison d’État pour l’Allemagne. Notre histoire, notre responsabilité découlant de la Shoah nous imposent le devoir permanent de défendre l’existence et la sécurité de l’État d’Israël. C’est cette responsabilité qui nous guide.

Il a également déclaré lors de sa visite dans les territoires occupés le 17 octobre qu’« Israël a le droit de se défendre et de défendre ses citoyens. « Nous sommes aux côtés d’Israël dans les moments difficiles et la sécurité d’Israël et celle de ses citoyens font partie de l’opinion politique de l’Allemagne. »

Le soutien du gouvernement allemand à Israël dans la guerre de Gaza s’est poursuivi dans différentes dimensions. Après le début de l’opération Tempête d’Al-Aqsa, la porte de Brandebourg à Berlin a été illuminée  aux couleurs du drapeau du régime d’occupation. Sur le champ de bataille, la fourniture des équipements médicaux et le soutien aux soldats israéliens blessés constituent l’une des dimensions du soutien allemand. Le gouvernement allemand a également promis d’interdire les activités du Hamas. Au niveau régional, le chancelier allemand a rencontré l’émir du Qatar en tant que pays hôte de la direction politique du Hamas et s’est entretenu au téléphone avec le président turc Erdogan. Le chancelier allemand a également averti le Hezbollah qu’il ne devait pas intervenir dans la guerre, menaçant qu’ « avec nos partenaires, nous utilisons tous les moyens pour prévenir un tel scénario apocalyptique. »

Le soutien militaire de Berlin à Tel-Aviv

L’Allemagne est l’un des soutiens militaires du régime sioniste et la coopération militaire constitue un élément majeur des relations entre les deux parties. Les médias allemands avaient annoncé en 2002 que 120 livraisons militaires avaient en direction des territoires occupés, notamment des accessoires et pièces détachées de chars Merkava. Pour dissimuler son nom, l’Allemagne retire le logo des produits militaires exportés vers ce régime. Lors de la guerre contre le Liban en 2006, le régime israélien a utilisé des armes fabriquées sur base de la technologie allemande. La frégate Sa’ar 5, touchée par un missile du Hezbollah lors du blocus naval du sud du Liban, était équipée d’un moteur fabriqué par l’usine allemande MTU. Les moteurs de cette usine sont également utilisés dans les vedettes rapides de la marine israélienne. Le groupe allemand Zeiss coopère avec Tel-Aviv dans la fabrication et la vente d’équipements optiques tels que des équipements de détection et de ciblage d’objectifs pour l’avion Rafale. Le véhicule militaire Dingo 2, spécifiquement destiné à la guerre contre les groupes de guérilla urbaine et à la répression des émeutes, est une production militaire conjointe des deux parties.

Jusqu’en 2013, l’Allemagne avait signé avec Israël un contrat pour la construction de six sous-marins nucléaires de classe Dauphin, qui ont été livrés jusqu’en 2017. À l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre israélien Netanyahu en juillet 2011, le ministre allemand de la Défense avait déclaré : « Nous avons fourni à Israël le système de défense antimissile Patriot. Il existe de nombreux domaines de coopération militaire et les soldats israéliens et allemands mènent des exercices conjoints. Les relations bilatérales que nous entretenons sont traditionnellement très étroites et comprennent tous les aspects stratégiques, tactiques, d’équipement et d’échange d’officiers et de forces militaires. »

Le ministère israélien de la Guerre a annoncé en août 2023 avoir signé son plus gros contrat militaire pour la vente du système de défense antimissile avancé Arrow 3, d’une valeur de 3,5 milliards de dollars, conçu pour intercepter des missiles balistiques à longue portée. Le soutien militaire de l’Allemagne au régime israélien s’est accru dans la foulée de l’opération Tempête d’Al-Aqsa. Dans ce cadre, Berlin négocie l’envoi d’une aide militaire à destination des territoires occupés. L’entité israélienne a demandé à l’Allemagne de lui fournir des gilets de protection. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré que deux drones de combat armés Heron, en possession de l’armée allemande, avaient été restitués aux forces israéliennes pour être utilisées contre Gaza. Il a également a révélé à Bruxelles, lors d’une réunion avec ses homologues de l’OTAN, que des demandes préliminaires pour des munitions d’artillerie navale avaient été reçues.

L’opinion publique en désaccord avec les politiques gouvernementales

Le gouvernement allemand a apporté un soutien indéfectible au régime sioniste, alors qu’il a interdit les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien sous prétexte de « menace contre l’ordre et la sécurité publics ». A cette fin, la police allemande a mis en place diverses restrictions lors des manifestations en soutien au peuple palestinien, notamment à Francfort et Hambourg. Le gouvernement  fédéral allemand est allé jusqu’à criminaliser le soutien au Hamas et à interdire le port de symboles palestiniens tels que le Keffieh. Le gouvernement allemand a surtout annoncé la dissolution du groupe Samidoun, un réseau de solidarité avec les Palestiniens. Berlin a justifié cette décision, en prétendant que ce groupe avait fêté les « activités destructrices du Hamas dans les rues d’Allemagne ».  Dans certains Länder allemands, comme Hambourg, l’interdiction de manifestations a entraîné des amendes pour ceux qui enfreignent cette loi. En outre, la loi prévoit un an de prison pour quiconque appelle à une manifestation pro-palestinienne ou organise une manifestation.

Force est de constater qu’en dépit des relations tous azimuts entre le gouvernement allemand et l’entité israélienne, l’opinion allemande n’à aucune sympathie pour les criminels israéliens. Selon les résultats d’une enquête réalisée en Allemagne en 2012, 59 % des sondés considèrent Israël comme un État violent et 58 % comme étranger et inhabituel. 70 % pensent qu’Israël poursuit ses propres intérêts au détriment de ceux des autres nations. En outre, contrairement aux responsables allemands qui ont constamment parlé de leur engagement en faveur de la sécurité du régime de Tel-Aviv, 60 % des personnes interrogées ont soutenu que l’Allemagne n’avait aucun engagement particulier envers Israël. Et le point le plus important de cette enquête, selon 65% des personnes interrogées, l’Allemagne devra reconnaître l’État indépendant de Palestine.

Conclusion

Etant donné les événements de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement allemand s’estime engagé à soutenir le régime israélien qui fait partie des alliés stratégiques de Berlin, aux côtés des États-Unis. Ainsi, immédiatement après la Tempête d’Al-Aqsa, l’Allemagne a d’une part annoncé son soutien politique et militaire au régime d’occupation et d’autre part, elle a décidé de durcir les  restrictions contre les manifestants anti-guerre, les partisans du Hamas et en général contre les manifestations en condamnations des actions israéliennes et en solidarité avec les Palestiniens. Cette position de l’Allemagne, qui contredit les revendications des membres de l’Union européenne en matière de droits de l’homme, témoigne de l’écart entre la politique du gouvernement et l’approche de l’opinion publique allemande qui est manifestement en faveur de la Palestine et contre les crimes commis par l’entité israélienne.

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